Arno Schmidt, Le Chimiste des Météores
Schmidt écrit par catalyse. L’écriture de Schmidt a la forme d’une catalyse. L’écriture de Schmidt accomplit une catalyse de la présence du monde. L’écriture de Schmidt accomplit une catalecture de la présence du monde, une catalecture à la fois chimique et schismatique des apparitions de la présence du monde.
L’écriture de Schmidt catalyse le cataclysme du paysage, la cataracte du paysage, la catalepsie du paysage, la catatonie du paysage. L’écriture de Schmidt catalyse le cataclysme d’élégance du paysage, le cataclysme d’épouvante du paysage, le cataclysme de tranquillité du paysage, le cataclysme d’élégance épouvantée, d’épouvante tranquille, d’élégance épouvantée tranquille du paysage.
Il y a une magnifique intensité lunaire à l’intérieur de l’écriture de Schmidt. Schmidt utilise la lune comme une torche. Schmidt utilise la lune comme une allumette. Schmidt utilise la syntaxe de la lune comme une torche d’allumette. Schmidt tient la clarté de la lune à l’extrémité de ses doigts comme le thyrse miniature d’une allumette. La phrase de Schmidt existe ainsi seulement le temps de la combustion de cette allumette de lune puis elle s’achève brusquement en brûlant alors parfois le cerveau du lecteur.
Le style de Schmidt est celui de l’anacoluthe lunatique. Le style de Schmidt catalyse la présence du monde par anacoluthes lunatiques. Schmidt s’amuse à accomplir des anacoluthes lunatiques d’espace, des anacoluthes d’éclipse d’espace par les pulsations rythmiques de la ponctuation.
Schmidt invente ainsi une syntaxe d’allumette lunaire, une syntaxe d’allumette lunaire qui brûle à la manière d’une tresse instantanée, d’une torsade instantanée d’impressions et d’expressions inextricables. L’écriture de Schmidt entrelace les sensations et les idées d’un mot à l‘autre d’une même phrase et aussi d’une phrase à l’autre d’un même mot et parfois encore d’une syllabe à l’autre d’une même phrase ou d’une phrase à l’autre d’une même syllabe. Le lunatisme de l’écriture de Schmidt révèle ainsi que les phrases ne sont pas formées par des mots, que les phrases apparaissent plutôt comme des combustions de syllabes, comme des briques combustibles de syllabes, comme une imbrication combustible de syllabes et de lettres.
La syntaxe de Schmidt ressemble ainsi à la combustion d’un buisson. Schmidt écrit comme un buisson ardent. Schmidt écrit comme le buisson ardent de la clarté lunaire, comme le buisson ardent de l’anacoluthe lunatique.
« La lune fulgurait des ombres acérées. »
Pour Schmidt, la lune foudroie. Schmidt donne à sentir la foudre de la lune. Schmidt donne à sentir la vivacité acerbe de la lune. Pour Schmidt la lune apparait comme une scie circulaire, la scie circulaire du silence.
L’écriture de Schmidt incruste des ribambelles de syllabes, des ribambelles de syllabes abyssales, des rubans de syllabes abyssales, des buissons de syllabes abyssales, des bicyclettes de syllabes abyssales, des ébullitions de syllabes abyssales, des catatonies de syllabes abyssales, des catalepsies de syllabes abyssales, des éclipses de syllabes abyssales, des éclipses de syllabes exaltées, abyssales exaltées.
Schmidt écrit comme le Sphinx-Sisyphe des syllabes, le Sphinx-Sisyphe des syllabes abyssales exaltées. Schmidt écrit comme le Sphinx-Sisyphe de la masse des syllabes, de la masse des syllabes abyssales exaltées, le Sphinx-Sisyphe du brouhaha des syllabes, du brouhaha des syllabes abyssales exaltées. Schmidt écrit comme le Sphinx-Sisyphe du buisson ardent, du buisson ardent des syllabes abyssales exaltées.
L’éloquence de Schmidt apparait comme une forme de schématisme syllabique. Selon Schmidt, l’intuition apparait provoquée par l’élan des syllabes, par l’oscillation des syllabes, par l’élan d’oscillation des syllabes, par la meute des syllabes, par la meute d’énigme des syllabes. L’écriture de Schmidt affirme une forme de schématisme schismatique syllabique, la forme d’éloquence schismatique d’une scie.
La syntaxe de Schmidt apparait à la fois comme celle de la précipitation et de la lenteur. La phrase de Schmidt provoque l’alliance de la précipitation et de la lenteur. La phrase de Schmidt parvient à inventer des précipitations de lenteur. La phrase de Schmidt catalyse la précipitation de la lenteur comme exaltation météorique de la contemplation.
A l’intérieur de la syntaxe de Schmidt, la vitesse de l’intuition abstraite et la lenteur de la sensation ou à l’inverse la vivacité de la sensation et l’engourdissement de l’intuition abstraite surviennent exactement au même rythme. Schmidt parvient à faire coïncider la vitesse avec la lenteur. Les extrémités de la vitesse et de la lenteur se touchent ainsi comme par une étrange forme de connivence chimique.
La syntaxe de Schmidt affirme l’exaltation de la tranquillité. La syntaxe de Schmidt accomplit l’alliance rythmique de l’exaltation et de la tranquillité.
Schmidt crée l’espace par la syntaxe. Schmidt crée l’espace par les précipitations chimiques de la syntaxe, par le chemin de fer comme de fumée de la syntaxe, par les volutes chimiques de la syntaxe, par les volutes de volcan de la syntaxe.
L’écriture de Schmidt apparait à la fois astrale et chimique. Schmidt accomplit une considération de l’espace par la chimie de la syntaxe, une considération du paysage par la chimie de la syntaxe. Schmidt accomplit des anacoluthes d’espace, des anacoluthes lunatiques d’espace par la précipitation chimique de la syntaxe.
L’écriture de Schmidt déchiquette l’espace. L’écriture de Schmidt déchiquète l’espace par prolifération de précipitations, par prolifération de précipitations chimiques. L’écriture de Schmidt déchiquète l’espace à coups de scies, à coup de scies chimiques. L’écriture de Schmidt exacerbe l’espace. L’écriture de Schmidt exacerbe la contemplation de l’espace. L’écriture de Schmidt exacerbe la contemplation de l’espace par précipitation de scies, par précipitations chimiques de scies.
L’écriture de Schmidt donne à sentir le paysage par la ponctuation. L’écriture de Schmidt donne à sentir les aspects du paysage par la virtuosité de la ponctuation, par la virtuosité rythmique de la ponctuation, par le rythme du regard comme le regard de rythme de la ponctuation, de la syntaxe de la ponctuation.
L’écriture de Schmidt formule le paysage. L’écriture de Schmidt formule le paysage de manière à la fois mathématique et chimique. L’écriture de Schmidt formule le paysage avec les équations mathématiques et chimiques de la ponctuation. L’écriture de Schmidt formule l’espace avec des équations mathématiques, chimiques et astronomiques de la ponctuation. Pour Schmidt, les signes de ponctuation apparaissent à la fois comme des signes mathématiques, des éléments chimiques et des indices astronomiques.
Schmidt sait comment transmuter les signes de ponctuations en formes de ponctuation. Schmidt parvient à donner une valeur symbolique, analogique, parabolique et même mythologique à la ponctuation. Les signes de ponctuation se promènent à l’intérieur de la phrase de Schmidt comme des monstres féeriques, des monstres légendaires. Le point-virgule apparait comme un Centaure. Le point d’exclamation apparait comme un Minotaure, la parenthèse comme une tête de Méduse, le point d’interrogation comme une Hydre et le tiret comme un Titan. Schmidt transforme ainsi les signes de ponctuation en outils animaux mythologiques. Schmidt n’utilise pas les signes de ponctuation pour que la phrase soit lisible, Schmidt utilise plutôt la prolifération rythmique de la ponctuation afin que la phrase devienne légendaire. C’est pourquoi Schmidt n’écrit pas des romans, Schmidt écrit des contes mythologiques, des légendes mythologiques.
Schmidt parvient à donner une valeur émotionnelle et imaginaire distincte à chaque catégorie grammaticale de la phrase. Schmidt parvient à distinguer les catégories grammaticales sans cependant les hiérarchiser. Il invente ainsi une forme d’anarchie distinguée de la grammaire. Il n’y a pas pour Schmidt de hiérarchie des catégories grammaticales. Le nom n’a pas plus de valeur émotionnelle et imaginaire que le verbe, l’adjectif ou l’adverbe. Le style de Schmidt provoque ainsi une astrographie grammaticale, quelque chose comme une constellation d’anarchie exacte de la phrase.
L’écriture de Schmidt révèle la chimie à la fois astrale et fatale du chemin. C’est comme si à l’intérieur de l’écriture de Schmidt les choses du monde rencontraient à l’improviste sur leur chemin la ponctuation de la syntaxe, la ponctuation d’étoiles de la syntaxe.
Schmidt donne à sentir la chimie du chemin, les schismes de chimie du chemin. Schmidt donne à sentir la scie du chemin, la scie chimique du chemin. Schmidt donne à sentir le chemin de chimie des météores.
Selon Schmidt, le chemin n’existe pas afin de relier les villes ou les hommes. Selon Schmidt, le chemin existe d’abord afin de relier le paysage à lui-même. Le chemin existe d’abord afin de relier les forêts, afin de relier la solitude des forêts. Le chemin existe d’abord afin de relier la solitude des arbres. Le chemin pour Schmidt n’est pas l’allié de l’homme, le chemin apparait comme l’allié de l’arbre. Le chemin pactise avec l’arbre, le chemin pactise violemment avec les formes de la végétation. C’est pourquoi le chemin parle du paysage plutôt que de l’homme. Schmidt donne à sentir les schismes du chemin. Schmidt donne à sentir la croisée schismatique des chemins. Schmidt donne à sentir l’embranchement du chemin c’est à dire le chemin comme hybridation du lieu et de l’arbre. Pour Schmidt le chemin apparait comme l’arbre qui montre la forêt, l’arbre qui révèle la forêt, l’arbre qui contemple la forêt. Le chemin apparait comme l’arbre qui marche la forêt, l’arbre qui à la fois marche et charme la forêt.
Schmidt écrit comme il se promène à la lisière de la forêt, comme ça, littéralement, sans aucune intention. Schmidt écrit comme il marche selon. Schmidt écrit comme il marche selon l’arbre, comme il marche selon les vibrations innombrables de l’arbre. Schmidt écrit comme une branche d’arbre qui marche, comme une branche de scie qui marche, comme une branche d’arbre-scie qui marche. Schmidt écrit comme une branche d’arbre menuisière, comme une branche d’arbre chimiste menuisière.
« Nous aussi les humains, il faudrait nous décapiter... sans passion, à l’improviste, pendant le sommeil ou à l’orée du bois. »
La contemplation pour Schmidt ressemble au geste de guillotiner l’espace, au geste de guillotiner la nature. Schmidt accomplit des contemplations guillotinantes, des décapitations contemplatives. La contemplation pour Schmidt survient comme un potlatch de décapitations, un potlatch de décapitations végétales, un coït de décapitations, un coït de décapitations végétales. Le regard de Schmidt décapite la nature comme il désire mourir décapité par elle, comme il désire mourir scié d’amour par elle.
Le monde de Schmidt survient comme un monde de futaies, de futaies affûtées, de futaies affûtées par l’excitation, par l’excitation stellaire. L’orée du bois chez Schmidt apparait affûtée et tranchante comme une lame. La lisière de la forêt resplendit comme un couteau, un couteau de fragilité. Selon Schmidt, la lisière apparait comme un liseré luisant, le liseré luisant du légendaire. Il y a une oisiveté luisante du regard, une oisiveté luisante des réflexes du regard, une oisiveté luisante de l’intuition à l’intérieur de l’écriture de Schmidt. Selon Schmidt, la lisière de la forêt apparait comme la literie des astres, la literie d’affûtage des astres.
Schmidt écrit comme il collectionne les alentours. Schmidt écrit comme il chasse les alentours, comme il chasse les parages. Schmidt écrit comme il chasse les buissons ardents des alentours, comme il chasse les buissons ardents des parages, comme il chasse la précipitation des alentours, la précipitation des parages, la précipitation de buissons ardents des alentours, la précipitation de buissons ardents des parages. Schmidt montre ce qui survient à chaque instant aux alentours, ce qui survient à chaque instant parmi les parages, à savoir les arbres, les nuages, la pluie, le vent. Schmidt donne à sentir les événements météorologiques des alentours. La posture de Schmidt apparait ainsi comme celle du chasseur, du chasseur solitaire qui vagabonde à l’affût, du chasseur solitaire affuté par son vagabondage même. Schmidt écrit comme il chasse la végétation, comme il chasse la végétation des alentours. Schmidt écrit comme un chasseur de paysage, comme un chasseur d’arbres. Schmidt écrit comme un chasseur de nuages, comme un chasseur de pluie, comme un chasseur de vent. Schmidt contemple ainsi le paysage comme si le paysage était un animal prédateur. Schmidt apparait alors à la fois prêt à bondir sur le paysage comme il apparait prêt à ce que le paysage lui bondisse dessus.
Schmidt commence une phrase comme un chasseur pose un piège. L’entame de la phrase de Schmidt ressemble à une trappe paradoxale, une trappe-tremplin, une trappe-trampoline. Schmidt piège le paysage. Schmidt traque la forêt. Schmidt piège les frissons de la forêt, les incartades de frissons de la forêt. Schmidt traque les incartades de l’écorce, les incartades d’écorce de l’espace. Schmidt traque les incartades d’aisance de l’espace, les incartades d’étourdissement de l’espace.
Il y a de l’espion contemplatif en Schmidt. Schmidt espionne le paysage. Schmidt épie de manière contemplative. Schmidt écrit comme un paysagiste espion. Schmidt espionne les innombrables combats de paix du paysage.
Schmidt contemple le paysage par effraction, par effractions instantanées, par effractions subreptices, instantanées subreptices. Schmidt à la fois fracasse et kidnappe le paysage. Schmidt saisit le paysage à l’intérieur du poing de son cheminement, à l’intérieur du poing subreptice de son cheminement.
Schmidt écrit comme un contemplatif cynique. Schmidt écrit comme il mâche les os du paysage, les os d’éclairs du paysage, les os d’éclairs lunatiques du paysage. Schmidt apparait cynique comme un chat. Schmidt écrit entre chat et loup. Les crépuscules de Schmidt s’incrustent insinuées entre chat et loup, entre Cerbère et Centaure.
Schmidt apparait comme le Cerbère de sa contemplation, comme le chat de garde de sa contemplation, le chat de garde fuyante de sa contemplation. Schmidt écrit comme le chat de garde de la candeur de son regard. Schmidt écrit comme le chat-Cerbère de la candeur de sa contemplation, de la candeur vagabonde de sa contemplation.
L’extraordinaire attention de Schmidt c’est celle de la prédation sensorielle, de la prédation contemplative. Schmidt n’abandonne jamais la proie pour l’ombre. Schmidt parvient par l’intensité même son attention à transformer les ombres en proies, à transformer les ombres en proies de la clarté, en proies météoriques de la clarté, en proies météoriques de la clarté lunaire.
Schmidt contemple accroupi. Schmidt examine à quatre pattes accroupi, par reptation surgie. Schmidt contemple le paysage en posture accroupie comme l’homme préhistorique devant le feu. Schmidt chasse le feu du paysage. Schmidt chasse le feu qui le sauve. Schmidt chasse le buisson ardent. Schmidt écrit comme le chasseur du buisson ardent.
Schmidt n’écrit pas avec des mots debout. Schmidt n’écrit pas avec des mots assis ou allongés. Schmidt écrit plutôt avec des mots accroupis, des mots qui marchent accroupis, des mots qui marchent accroupis entrelacés, des mots qui déambulent accroupis entrelacés. Schmidt écrit avec des mots qui vagabondent, qui déambulent vagabondent accroupis entrelacés entrelacérés. Schmidt écrit avec des coïts de mots déambulatoires, des coïts de mots déambulatoires vagabonds.
Schmidt révèle le baume de la déambulation, le baume d’ecchymoses de la déambulation, le baume de blessures de la déambulation, le baume d’ecchymoses bizarres de la déambulation, le baume de blessures aberrantes de la déambulation, le baume de brusquerie de la déambulation, le baume de brusquerie tranquille, tranquille bizarre de la déambulation.
Schmidt écrit comme un dandy de la déambulation, comme un dandy des dandinements, comme un dandy des dandinements magnétiques. Schmidt suit à la trace les divagations magnétiques de l’espace.
Schmidt révèle la délectation de la panique, les délices de l’épouvante, la délectation d’épouvante de déambuler au hasard entre terre et ciel. L’écriture de Schmidt révèle une stridence forcenée de la déambulation, une stridence forcenée de la danse, de la déambulation dansée.
L’écriture de Schmidt roule à pied comme elle marche à bicyclette. Schmidt écrit comme une bicyclette-scie. Schmidt écrit avec une bicyclette-scie d’exubérance, une bicyclette-scie d’exubérance tenace, une bicyclette-scie d’exaltation, une bicyclette-scie d’exaltation tenace. (Il y a une ressemblance entre Schmidt et Beckett, celle de la déambulation à bicyclette.)
Schmidt ne brouille pas les pistes. Schmidt fait plutôt bouillir le chemin. Schmidt fait bouillir le chemin à l’intérieur de sa carriole. Schmidt fait bouillir le paysage par la trajectoire de sa bicyclette ou de sa carriole. Schmidt révèle l’ébullition du paysage à l’intérieur de la casserole de sa carriole, à l’intérieur de la casserole cabriolante de sa carriole. Schmidt traine la carriole de colère de son intuition, la carriole de colère paisible de son intuition. Schmidt chasse le paysage comme il le charrie. Schmidt chasse le paysage cahin-caha. Schmidt donne à sentir l’ébullition de la déambulation, l’ébullition de buissons de la déambulation. Schmidt donne à sentir la mélodie d’ébullition du paysage, l’ébullition des bosquets, l’ébullition de sève des bosquets, l’ébullition des bouleaux, l’ébullition de lettres, de lettres tactiles des bouleaux.
Schmidt révèle les ecchymoses incongrues de l’oisiveté. Schmidt révèle les ecchymoses incongrues provoquées par le simple désir de marcher, par le simple désir de cheminer. Schmidt révèle les ecchymoses bizarres des réflexes de l’oisiveté, des réflexes du vagabondage, des réflexes de l’oisiveté vagabonde. (Les personnages de Schmidt semblent souvent balafrés d’oisiveté laborieuse.)
Schmidt révèle des entrelacs d’ecchymoses moqueuses. Schmidt accomplit des orchestrations d’ecchymoses, des orchestrations de cicatrices, des orchestrations de cicatrices ailées, des orchestrations d’ecchymoses inhalées et exhalées.
Schmidt donne à sentir des ébullitions d’ecchymoses, des ébullitions de cicatrices, des cataractes de cicatrices, des cataractes de cicatrices éblouies. Schmidt donne à sentir les cicatrices de l’aisance, la cataracte de cicatrices de l’aisance, la cataracte de cicatrices de la tranquillité, de l’aisance tranquille, la cataracte de cicatrices de l’oisiveté. Schmidt donne à sentir les acrobaties de cicatrices du tonnerre, les acrobaties de cicatrices du brouillard, les acrobaties de cicatrices du brouhaha.
Schmidt figure la volonté d’apparaitre de l’espace, la volonté de surgir de l’espace. Pour Schmidt, l’espace tremble. Pour Schmidt, l’espace ne tremble pas de faiblesse, l’espace tremble avec force, l’espace « tremble pour grandir » (Michaux). Pour Schmidt, l’espace tremble de volonté L’espace tremble par la démesure de sa volonté. L’espace oscille, hésite, bat, pullule comme se déchire de volonté. Et ce qui donne à sentir cette démesure de volonté de l’espace, c’est le vent.
Schmidt révèle les intuitions du vent, les attitudes d’intuition du vent. Schmidt cartographie les gestes du vent, les gestes d’intuition du vent. Pour Schmidt, le vent révèle la démesure hyaline de l’espace, l’ampleur hyaline de l’espace. Pour Schmidt, le vent apparait comme une mutation de vide, une musculature de vide, une profusion de vide, la profusion de muscles de vide. Ainsi par l’insistance du vent, l’espace ne se repose jamais, l’espace prolifère, l’espace prolifère de bondissements, l’espace prolifère d’élans. Par l’insistance insensée du vent, Schmidt révèle ainsi l’élan de l’espace, l’élan d’épouvante de l’espace, l’aisance d’épouvante de l’espace.
Pour Schmidt, le vent vagabonde l’espace. Pour Schmidt, le vent survient comme le déserteur de l’espace, le vagabond déserteur de l’espace. Le vent révèle la transhumance de la terre. Le vent révèle la transhumance de l’espace, la transhumance de désertion de l’espace même.
Pour Schmidt, le vent musicalise le chemin. Pour Schmidt, le vent mélodise la venue du chemin. Pour Schmidt, le vent ne musicalise pas les aventures de l’homme, le vent musicalise plutôt la venue imprévisible du chemin. L’écriture de Schmidt montre le chemin comme un vagabond dandy, un vagabond maniéré, un vagabond avec des coquetteries absurdes. Schmidt révèle les affectations musicales, les coquetteries musicales, les maniérismes musicaux du paysage, les maniérismes musicaux de la nature.
Selon Schmidt, le vent apparait comme un astre. Le vent courbe le chaos. Le vent cambre le chaos. Le vent courbe la syncope de l’espace. Le vent courbe cambre la syncope d’apocalypse de l’espace. Et les gestes stylistiques de Schmidt apparaissent semblables à ceux du vent. La phrase de Schmidt parvient à extraire l’espace de lui-même par tournoiements de déchirures. A l’intérieur de l’écriture de Schmidt, le monde survient comme un coup, un coup de vent, un coup de feu, un coup de vent de feu.
« Du vent aussi se leva. Vent. » Dernière phrase de Miroirs Noirs.
Le vent affirme ainsi la fin de l’histoire. Ou plutôt la répétition du vent inachève l’histoire. La venue répétée du vent affirme la fin inachevée de l’histoire. La venue répétée du vent révèle la fin inachevée de la rencontre de l’homme et de la femme, la fin inachevée de l’amour de l’homme et de la femme.
Schmidt apparait extrêmement sensible aux formes de la végétation (buissons, bosquets, branches). Schmidt apparait extrêmement sensible à la présence des arbustes c’est à dire au buste des arbres, au thorax des arbres qui à la fois provoque et blesse la respiration.
L’écriture de Schmidt tarabuste les arbustes. L’écriture de Schmidt tarabuste les arbustes avec des contorsions de scies. Schmidt donne à sentir les titubations projectiles des arbustes. A l’intérieur de l’écriture de Schmidt, les arbustes titubent de transe.
Schmidt écrit comme « il feuillette les buissons avec des mains démentes ». Pour Schmidt, la caresse apparait comme la forme même de la démence. La caresse apparait comme la forme miraculeuse de la déraison.
La végétation apparait pour Schmidt comme une forme de vent digital. La végétation apparait pour Schmidt comme un vent de doigts, un vent de phalanges, un vent de phalanges féeriques, féeriques légendaires.
Schmidt fait l’Eole buissonnier, l’éloge buissonnière, l’accolade buissonnière, la cabriole buissonnière, l’escale buissonnière, la récolte buissonnière. Schmidt récolte l’alcool des buissons, le vent d’alcool des buissons.
Schmidt compose des cortèges de considérations digitales. Schmidt effleure à chaque instant les scintillations de la forêt. Schmidt effleure à coups de marteaux. Schmidt effleure à coups de scies. Schmidt effleure avec frénésie. Schmidt exacerbe la frénésie de l’effleurement.
Le sentiment de la nature chez Schmidt n’est jamais un sentiment respectueux. Le sentiment de la nature a plutôt la forme d’une saisie lascive, d’une caresse irrespectueuse, l’élégance d’une caresse indécente, la crispation d’élégance d’une caresse obscène.
« Les épines acérées de ses doigts »
Schmidt révèle la passion d’épines des mains. Les mains ressemblent pour Schmidt à des couronnes d’épines, à des miracles d’épines. Les mains apparaissent comme les bouquets d’épines de l’excitation, les bouquets d’épines du bonheur, les bouquets d’épines de l’excitation du bonheur.
L’écriture de Schmidt donne à sentir l’excitation sensuelle de l’herbe comme la concupiscence panique des buissons. Schmidt révèle le coït végétal du chemin, le coït végétal du paysage. Schmidt révèle la lubricité des buissons. Schmidt donne à sentir le coït des buissons, les confidences des buissons, le coït de confidences des buissons, le coït de conversations lascives des buissons, les conversations de caresses des buissons, l’exacerbation des buissons, l’exacerbation de caresses des buissons, l’entrelacs de brisures des buissons, l’entrelacs de blessures des buissons, l’entrelacs de déchirures des buissons.
Schmidt révèle les boursouflures acerbes des buissons. Schmidt boit le son des buissons. Schmidt se saoule avec les voix de brûlures des buissons, avec les voix de blessures des buissons, avec le chant de blessures exacerbées des buissons. Schmidt donne à sentir les commissures des buissons, les commissures de lèvres des buissons, les commissures d’éblouissements des buissons, les commissures de lèvres éblouies des buissons. Schmidt donne à sentir le buisson des baisers, le buisson d’éclairs des baisers.
Schmidt écrit comme un buisson ardent transi. Schmidt écrit comme un amoureux transi d'audace. Schmidt écrit comme un buisson ardent transistor. Schmidt écrit comme le transistor du paysage. Schmidt essaie de capter, de capturer, de saisir l’intégralité des fréquences du paysage. Schmidt écrit comme le transistor mythologique du paysage. L’écriture de Schmidt est celle d’un transistor féerique, d’une radiographie légendaire.
Schmidt écrit comme un chaman, un chaman chimiste, un chaman de la chance, un chaman chimiste de la chance. Schmidt écrit comme l’alchimiste du paysage, l’alchimiste de la transe du paysage. Schmidt apparait comme le cheval chimiste (le chevalchimiste) du paysage. Schmidt apparait comme l’hippogriffe du paysage, l’hippogriffe alchimiste du paysage.
Pour Schmidt, les buissons ressemblent à des équations mathématiques, à des équations mathématiques de bourdonnement, à des équations algébriques de brouhaha, de bourdonnement discret, de brouhaha discret.
Schmidt suggère les chuintements de la sveltesse sylvestre, les chuintements de musique de la sveltesse sylvestre. Schmidt suggère les cabrioles de chuchotis de la forêt. Schmidt écrit comme le mathématicien des chuchotis, le mathématicien des râles. Schmidt écrit comme le mathématicien des chuchotis et des râles indécents, comme le chimiste des insinuations obscènes.
Il y a un aspect instantané de l’écriture de Schmidt, cependant Schmidt ne révèle pas l’ici-maintenant de l’espace. Schmidt montre plutôt l’yscie toujours de l’espace, l’yscie toujours de l’espace à l’instant, l’embranchement de scie de l’espace à l’instant, l’embranchement de scie jusqu’à toujours de l’espace à l’instant. La phrase de Schmidt apparait à la recherche de l’étymologie de l’espace, de l’étymologie d’yscie toujours de l’espace à l’instant. Schmidt écrit comme le philologue de la forêt. Schmidt écrit comme le chasseur des étymologies du paysage, le chasseur des étymologies émoustillées du paysage. Le vagabondage de Schmidt apparait ainsi comme la forme de son savoir. L’errance de Schmidt révèle la forme même de son érudition.
« Froid de nuit, je dis longtemps. »
Schmidt écrit comme il dit longtemps. La phrase de Schmidt n’a pas seulement lieu à l’instant. La phrase de Schmidt a lieu comme longtemps à l’instant. La phrase de Schmidt longe le temps, longe l’instant de longtemps du temps. La phrase de Schmidt longe le temps comme un chemin. La phrase de Schmidt survient comme marge indestructible du chemin du temps, comme marge indestructible du chemin d’étoiles du temps. La phrase de Schmidt déclare la démarche météorique du temps, la démarche météorologique du temps.
Schmidt dispose d’une extraordinaire sensibilité météorologique. L’imagination de Schmidt affirme une météorologie des sensations. Schmidt apparait ainsi comme le styliste insensé de la pluie et du beau temps. L’écriture de Schmidt donne à sentir la forme fatale des événements de l’atmosphère, la forme fatale des événements météorologiques du dehors. Schmidt écrit ainsi comme le météorologue des miracles, le météorologue du destin, le météorologue des miracles du destin. Schmidt montre la forme immédiate du destin, la forme instantanée du destin. Schmidt montre l’ambiance du destin, l’atmosphère du destin, l’ambiance atmosphérique du destin, l’ambiance atmosphérique instantanée du destin et ainsi la féerie de tragédie du monde. Schmidt donne à sentir les phrases immédiates du destin par la forme des nuages à l’intérieur du ciel ou par le rythme du vent à l’intérieur de la frondaison des arbres.
Schmidt donne parfois l’impression d’écrire comme s’il désirait mourir écrasé par un météore. Schmidt n’écrit pas cependant comme il meurt, Schmidt écrit plutôt comme il dispose de la manière selon laquelle il aimerait mourir.
Schmidt ressemble à un hybride de Céline et de Joyce et aussi plus étrangement encore à un hybride de Céline et de Tarkovski. Comme Céline, Schmidt est un génie de la ponctuation. Cependant à la différence de Céline qui utilise la ponctuation pour effectuer des ellipses de temps, des suspensions implicites de temps, Schmidt utilise la ponctuation pour accomplir des concrétions d’espace, des condensations d’espaces, des condansations d’espace. Schmidt utilise la ponctuation pour accomplir des précipités d’espace, des précipités chorégraphiques et labyrinthique d’espace, des éclipses d’espaces, des condensations écliptiques d’espace, des spirales catatoniques d’espaces, des précipitations à la fois cataleptiques et catatoniques d’espace. Schmidt éclipse ainsi le monde par la prolifération catalytique comme catastrophique de la ponctuation.
La différence entre Joyce et Schmidt c’est que la sophistication de Schmidt est uniquement celle de sa rhétorique, malgré tout son sentiment du monde, sa manière d’imaginer le monde reste simple et presque naïve. Le génie de Schmidt apparait précisément comme l’alliance paradoxale d’une candeur de la sensation et d’une sophistication extrême de la phrase. Là encore Schmidt ressemble à Céline, c’est l’immédiateté de l’émotion qui provoque le tourbillon de subtilité des phrases.
Il y a des ressemblances entre Miroirs Noirs de Schmidt et Stalker d’A. Tarkovski. Le jet de l’écrou de Stalker devient dans Miroirs Noirs la projection de clous de la ponctuation. Les signes de ponctuation de Schmidt sont à la fois des clous et des trajectoires, à la fois des clous et des comètes. Schmidt jette la ponctuation comme des dés et comme des clous, comme des dés de clous.
Le style de Schmidt ressemble parfois encore à celui de Cummings. A cette différence près que l’entrelacs de la syntaxe de Cummings révèle des flux de sentiments à l’intérieur d’un vide abstrait, tandis que la syntaxe de Schmidt montre des trajectoires de sensations et de besoins à l’intérieur de la matière du monde.
Schmidt n’est ni un génie heureux comme Chesterton ou G. Stein ni un génie malheureux comme Kafka. Schmidt comme Céline est un génie agacé, un génie colérique qui ne parvient pas à accepter la stupidité des hommes. G. Stein apparait heureuse d’être un génie et elle apparait aussi heureuse qu’il y ait des hommes qui ne le soient pas. Schmidt à l’inverse reste en colère parce qu’il ne parvient pas à admettre que tous les hommes ne soient pas des génies. Schmidt est agacé de constater chaque matin que l’espèce humaine n’est pas géniale.
La rhétorique de Schmidt est celle de la subtilité brusque, de la délicatesse brutale. La subtilité de Schmidt n’est jamais celle des bonnes manières. Sa subtilité apparait toujours inconvenante, triviale. Son élégance apparait toujours irrespectueuse. C’est pourquoi la sophistication de Schmidt n’est jamais perverse ni même subversive (à la différence par exemple de celle de Nabokov). L’art de Schmidt est celui de la sophistication immédiate, de la sophistication paradoxalement instantanée. L’art de Schmidt est celui de la sophistication indécente, de l’élégance obscène. Cette obscénité de l’écriture de Schmidt n’est pas celle d’une exhibition du monde à la lumière du soleil, à la lumière du jour, cette obscénité apparait plutôt comme l’exposition du monde à la clarté de la lune, à la clarté lunaire de la nuit.
L’écriture de Schmidt apparait comme une forme d’astrographie. Pour Schmidt chaque fragment du monde comme chaque fragment de la phase ressemble à un astre, à un météore, à un astre météorique.
Schmidt astralise à chaque instant l’espace. Schmidt astralise à chaque instant le paysage. Schmidt montre ainsi la terre comme un astre, comme un astéroïde, comme une planète paradoxale, comme une étoile paradoxale. Schmidt montre la terre comme un météore de miracle, un météore de miracle à la fois sublime et dérisoire.
Schmidt ne montre pas la terre perdue parmi l’infini du cosmos. Schmidt montre plutôt la terre ponctuée par le cosmos, la terre scandée par le cosmos, la terre rythmée, martelée, clouée, sciée par le cosmos. Schmidt ne montre pas l’homme perdu seul parmi le cosmos. Schmidt montre plutôt la solitude du cosmos. Schmidt montre plutôt le cosmos seul perdu à l’intérieur de la maison de l’homme, à l’intérieur du bricolage de maison de l’homme, à l’intérieur des essais de maisons de l’homme. Pour Schmidt la terre apparait ainsi comme une maison construite par la solitude du cosmos.
Schmidt invente une esthétique du télescopage. Cependant Schmidt n’écrit pas seulement par télescopage de sensations, de sentiments et d’idées. Schmidt écrit aussi et surtout à la surface même du télescopage c’est à dire qu’il parvient à transformer le télescopage en surface d’inscription. Schmidt écrit ainsi sur la page du télescopage. Schmidt donne à sentir la page d’écriture comme un télescopage d’étoiles, comme un télescopage de planètes, comme le télescopage d’astres de l’immanence.
A l‘intérieur de l’écriture de Schmidt les mots et les choses du monde se télescopent par la chimie astrale de la phrase, par la chimie météorique de la phrase. A l’intérieur de l’écriture de Schmidt les phrases et les choses du monde se télescopent par la chimie astrale de la syntaxe comme de la ponctuation, par la chimie astrale de la syntaxe de la ponctuation.
Schmidt révèle la chimie de conversations du chemin. Schmidt stylise le bavardage de la nature. La syntaxe de Schmidt entrelace avec virtuosité les brins de conversation de la nature.
Le paysage selon Schmidt ressemble à un combat de bavardage, à un bavardage de bataille, le bavardage de la bataille des éléments entre eux. (C’est l’aspect héraclitéen de Schmidt.) Pour Schmidt la nature apparait comme une immense conversation polémique, la conversation polémique de l’eau, de la terre, des arbres, du vent, de l’herbe, de la lune. Et la chair de l’homme apparait ainsi projetée à l’intérieur de cette conversation-combat du monde. Selon Schmidt, la chair de l’homme n’apparait pas seulement jetée au monde, la chair de l’homme apparait jetée par le monde. La chair de l’homme apparait jetée comme un astéroïde du temps, comme un astéroïde de dire longtemps, comme un astéroïde de dire longtemps par le brouhaha de bataille du monde.
L’écriture de Schmidt a un aspect rhizomatique. La phrase de Schmidt pousse par son milieu. La phrase de Schmidt surgit selon son milieu, surgit selon la marge de son milieu. La phrase de Schmidt surgit selon la margelle, le rebord, l’ourlet de son centre. La phrase de Schmidt surgit paradoxalement selon l’écorce de son centre. Schmidt écrit comme un arbre à l’envers. Schmidt commence par l’écorce jusqu’à inventer le noyau. Schmidt écrit comme il essaie de planter un arbre à l’intérieur d’une explosion, à l’intérieur de l’explosion d’un atome. La phrase de Schmidt apparait ainsi comme une explosion atomique arborescente.
Comme avec Céline, le lecteur de Schmidt a souvent l’impression d’évoluer à l’intérieur d’un bombardement, un bombardement d’intuitions et de sensations. Céline bombarde par ellipses, par épilepsie d’ellipses. Schmidt bombarde par lunatisme, par anacoluthes lunatiques. Schmidt bombarde par catatonie, par somnambulisme, par catatonie somnambule, par catalepsie, par catalepsie somnambule, par catatonie lunatique somnambule, par catalepsie lunatique somnambule, par anacoluthes de catatonie lunatique somnambule, par anacoluthes de catalepsie lunatique somnambule. La phrase de Schmidt ressemble ainsi à la promenade d’extase d’une bombe de sommeil debout.
A l’intérieur de l’œuvre de Schmidt, le paysage de paix apparait malgré tout comme un paysage violent. A l’intérieur de l’œuvre de Schmidt, le paysage de paix apparait comme un paysage de bombardement. Le paysage de paix apparait ainsi à chaque instant provoqué, exacerbé par la combustion de clarté de la lune. Le paysage de paix apparait comme le combustible de la lune, comme le combustible d’épouvante de la lune, comme le combustible d’exaltation de la lune, comme le combustible d’épouvante exaltée, d’exaltation épouvantée de la lune.
Il y a un désir essentiel de chez-soi au cœur de l’âme de Schmidt : construire la cabane, construire la maison à l’intérieur de la lande ou à la lisière de la forêt. Cependant le chez-soi de Schmidt n’est pas celui de Heidegger, ce n’est pas celui du sol natal et de la nostalgie. Le chez-soi de Schmidt serait plutôt celui du déserteur, c’est à dire le chez-soi du hors-la loi, du hors-la loi discret, le chez-soi du traitre. Le chez-soi de Schmidt serait précisément le chez-soi de celui qui souhaite ne pas appartenir à une nation, de celui qui souhaite ainsi habiter à l’intérieur d’un paysage sans pourtant appartenir à une patrie ou même peut-être de celui qui désire habiter à l’intérieur d’un paysage sans cependant appartenir à un pays. Schmidt écrit ainsi comme un déserteur paradoxal, un déserteur paradoxal sur le sol même de son pays. Le chez-soi de Schmidt ressemble à une ile déserte, une ile déserte en plein milieu de son pays. L’écriture de Schmidt transforme la forêt en ile déserte. La clarté lunaire de l’écriture de Schmidt transforme la forêt en ile déserte du transfuge.
« On faisait des maisons avec des murs gris, des villes avec des maisons, des continents avec des villes, on ne s’y retrouvait plus. »
S’y retrouver pour Schmidt ce serait alors construire une maison en dehors de la ville, c’est à dire construire une maison parmi le paysage, construire une maison avec le paysage, avec le paysage du dehors. S’y retrouver pour Schmidt c’est construire une maison avec la forêt, c’est construire une maison avec le chemin, avec le buisson ardent du chemin, avec le buisson ardent du chemin qui chasse la forêt.
Schmidt écrit comme le menuisier des étoiles. Schmidt écrit comme un menuisier-chimiste, comme le menuisier du cosmos, comme le menuisier-chimiste du cosmos. Schmidt écrit comme le menuisier de la contemplation, comme le menuisier de la considération. Schmidt écrit comme le menuisier-chimiste de la contemplation, comme le menuisier-chimiste de la considération.
Schmidt contemple à coups de marteaux. Schmidt contemple à coups de marteaux et de scies. Schmidt contemple la maison du cosmos à coups de marteaux et de scies. Schmidt utilise un tourbillon d’outils, un tourbillon d’outils chimiques pour contempler la maison du cosmos.
Schmidt essaie d’amenuiser le cosmos. Schmidt essaie d’amenuiser par miracle chimique le cosmos afin de transformer le cosmos en maison. L’écriture de Schmidt essaie d’habiter à l’intérieur d’une maison d’étoiles, à l’intérieur d’une maison de météores.
Schmidt écrit comme le menuisier du désastre, le menuisier de la catastrophe, le menuisier du cataclysme. Schmidt écrit comme il cloue des étoiles à une maison, comme il cloue des étoiles chimiques sur le toit d’une maison. Schmidt essaie de clouer la maison du cosmos avec de stalactites d’étoiles, avec des stalactites d’astres comme de désastres.
L’écriture de Schmidt donne à sentir la sciure de la forêt. Cependant Schmidt ne scie pas la forêt afin de l’abolir. Schmidt scie plutôt la forêt afin de dire chaque fragment de la forêt. Schmidt scie la forêt afin de dire la forêt dans ses moindres détails.
Selon Schmidt, la scie révèle la science, la science de la féerie. Selon Schmidt, la scie révèle la science de l’atomisme lyrique, la science de l’héraclitéisme lyrique. Selon Schmidt, le bruissement de la scie révèle le chant du savoir.
Schmidt écrit avec une scie astrale, une scie stellaire, une scie chimique stellaire. Schmidt scie la forêt afin de susciter le chant de la forêt. Schmidt scie la forêt avec le chemin. Schmidt scie la forêt avec le chemin des astres.
Schmidt scie le temps avec l’espace. Schmidt scie le temps des jours avec le chemin de l’espace, avec le chemin chimique de l’espace. Schmidt scie le temps avec l’arbre de l’espace, avec le buisson ardent de l’espace. Selon Schmidt, le chemin de l’espace révèle le vide entre les saisons.
L’écriture de Schmidt donne à sentir la sciure de la syntaxe, la sciure chimique de la syntaxe. La syntaxe de Schmidt invente des scies de fumée. L’écriture de Schmidt saisit au vol des copeaux d’apocalypse. Schmidt scie l’apocalypse du paysage, la syncope d’apocalypse du paysage.
Schmidt scie avec des clous comme il cloue avec des scies. Schmidt scie avec des buissons de clous comme il cloue avec des bicyclettes de scie. L’écriture de Schmidt chante une sciure de miracles, une sciure de diamants. Le stylo de Schmidt apparait comme une scie d’excitation exacte. Le stylo de Schmidt apparait comme une scie d’amour.
Schmidt montre le besoin d’excitation de l’homme, le besoin d’excitation de l’homme face à la femme, le besoin d’excitation de l’homme en deçà même du désir.
Schmidt écrit comme l’astronome de l’excitation sexuelle. Schmidt contemple l’excitation sexuelle comme une planète, comme la planète d’une saison, comme l’astre immédiat d’une saison. Schmidt contemple le besoin d’excitation du sexe comme la planète d’une cinquième saison. Selon Schmidt, l’excitation sexuelle assaisonne l’existence. Selon Schmidt, l’excitation sexuelle apparait comme le sel de l’existence, le sel stellaire de l’existence, le sel astral de l’existence.
Dans les livres de Schmidt, les hommes et les femmes s’approchent et s’éloignent les uns des autres comme des planètes à l’intérieur du ciel. Schmidt apparait ainsi comme un écrivain de la sidération, de la concupiscence, de la sidération de l’excitation.
« Idée stupide : que ressent une étoile lorsqu’une autre la serre de trop près. »
Schmidt révèle les formes de l’excès de proximité, de l’excès de proximité astrale, de l’excès de proximité stellaire. Schmidt révèle les tropes du trop près, les tropes de la proximité paradoxalement lointaine.
L’espace érotique de Schmidt oscille à chaque instant entre le voir de loin (télescope, jumelles) et le toucher de près (qui devient aussi parfois le voir de près et le toucher de loin). Pour Schmidt, l’espace apparait précisément comme le lieu de déploiement, de déploiement diffracté, le lieu de pulsation diffractée entre le voir de très loin et le toucher de très près.
Selon Schmidt, la femme ressemble à un vortex de l’espace. Selon Schmidt, la femme paralyse le tourbillon de l’espace. La femme affirme à la fois le lieu de l’apparition de l’espace comme le lieu de sa disparition. La femme apparait comme la statue de syncope de l’espace. La femme n’abolit pas l’espace. La femme ne donne pas à sentir la présence de l’espace. La femme fait plutôt les présentations de l’espace, les présentations érotiques de l’espace. La femme apparait comme le relief d’excitation de l’espace. La femme apparait comme l’impact de prolifération obscène de l’espace. La femme apparait comme le lieu où l’espace à la fois déferle et flambe. La femme apparait comme le sexe de l’espace, le sexe de vent de l’espace, le sexe de feu de l’espace.
Schmidt est un écrivain de la convoitise érotique, de la concupiscence contemplative. Schmidt révèle la couvée de fureur de la convoitise de l’homme envers la femme. Schmidt révèle la voûte exorbitée du regard de la convoitise, la voûte d’obscurité exorbitée du regard de la convoitise érotique.
Schmidt donne à sentir la mousse de l’émoustillement, la mousse d’outils de l’émoustillement, la mousse de scies de l’émoustillement, la mousse de sciure de l’émoustillement. Schmidt révèle les météores de l’émoustillement, les météores de sciure de l’émoustillement, la mélodie de sciure de l’émoustillement, la crispation de moelle, de moelle stellaire de l’émoustillement.
Schmidt révèle les mucosités émoustillées du chaos, les buissons de mucosités émoustillées du chaos, les buissons de mucosités exacerbés du chaos. Schmidt révèle la bicyclette de mucosités émoustillées du chaos. Schmidt révèle les confidences du chaos, les dandinements de confidences du chaos, les dandinements de confidences du chaos dandy.
Schmidt donne à sentir la distorsion de l’espace provoquée par la proximité d’une femme. Schmidt écrit comme le dessinateur de la femme proche, le graveur de la proximité de la chair féminine. Il y a parfois du Bonnard, du Renoir et du Manet dans le regard de Schmidt. Et il y a quelque chose aussi de Maillol dans la façon de Schmidt de regarder les femmes. Comme Maillol, Schmidt contemple la protubérance, la proéminence, la force de gravitation de la chair de la femme. Cependant alors que Maillol pétrit tranquillement cette force de gravitation de la chair de la femme à la manière d’un boulanger loyal et calme, Schmidt préfère à l’inverse marteler, raboter, scier et clouer cette chair comme un menuisier vicieux et crispé (« crispé comme un extravagant » aurait dit Baudelaire). Schmidt martyrise la femme de Maillol à coups de marteaux et de couteaux, à coups de couteaux meurtris, à coups de marteaux blessés. La femme de Schmidt ressemble à une sculpture de Maillol déchiquetée, une sculpture de Maillol déchiquetée par l’excès de proximité du regard, une sculpture de Maillol câlinée à coups de fusils, câlinée à coups de scies. Ou encore la femme de Schmidt apparait comme une sculpture de Maillol martelée, rabotée et sciée par la musique de Ravel. L’art de Schmidt comme celui de Ravel (ou encore de Satie) est celui du sursaut, du sursaut tremblé, du suggéré vrombi, de l’insinué vrombi, insinuation vrombie d’une hypothèse de viol.
Schmidt écrit comme un satyre snob. Schmidt écrit comme un satyre d’étincelles.
Schmidt écrit comme le satyre paradoxal des buissons. Schmidt se cache à l’intérieur des femmes pour violer les buissons. Schmidt se cache à l’intérieur du vortex des femmes afin de violer le sexe des buissons.
Schmidt écrit par griffonnages d’élégance, par griffonnages d’éclaircissements, par griffonnages d’éclaircissements élégants.
La syntaxe de Schmidt accomplit des synthèses de fractures, des synthèses de déchirures, des synthèses instantanées de déchirures. La syntaxe de Schmidt entrelace des déchirures. La syntaxe de Schmidt entrelace des déchirures d’éclairs. Schmidt tisse des déchirures. Schmidt tisse des succions de déchirures. Schmidt tisse des succions d’éclairs.
La rhétorique de Schmidt est celle de l’enlacement, de l’entrelacement, de l’enlacement d’étincelles, de l’entrelacement d’étincelles. Schmidt révèle les bulbes d’étincelles de l’espace, les vortex de frémissements de l’espace.
Schmidt regarde l’herbe comme un fouillis de coups de fouets. Schmidt révèle le fouillis fougueux de l’espace, le fouillis d’étincelles fougueuses de l’espace. Schmidt révèle la fumée fougueuse de l’espace, la subtilité fougueuse, la subtilité furieuse, le givre furieux, le givre de subtilité furieuse, le givre de fumée fougueuse, les titubations fougueuses, les scintillations fougueuses, les titubations de subtilité fougueuse de l’espace.
Schmidt invente une syntaxe de flammes, une syntaxe de flammèches. Schmidt écrit à coups de fouets. La ponctuation de Schmidt à la fois fouette et brûle la phrase. Il y a une sorte de sadisme de la ponctuation chez Schmidt. La ponctuation de Schmidt propose une sorte de supplice féerique. Schmidt ponctue les phrases à la façon d’un enfant cruel.
La digression de Schmidt est souvent aussi une agression. La digression de Schmidt incruste une forme d’agression subreptice.
Schmidt ne révèle pas la tranquillité solennelle du cosmos. Schmidt donne plutôt à sentir la colère humoristique du cosmos, son irascibilité taquine, son élégance moqueuse et la coquetterie même de sa fureur.
Schmidt écrit par caresses schématiques. L’écriture de Schmidt affirme un schématisme de la câlinerie, un schématisme de la câlinerie moqueuse, de la câlinerie taquine.
Schmidt révèle les crispations prismatiques de la forêt, les crispations de sciure de la forêt, les crispations de sciure prismatique de la forêt. Schmidt ausculte à chaque instant la coquetterie de la forêt, les crampes de coquetterie de la forêt, les crampes de coquetterie prismatique de la forêt.
Schmidt écrit comme un fataliste futé, un fataliste à la fois futé et affûté. Schmidt écrit comme le fataliste rusé de la forêt. L’art de Schmidt apparait comme un art de la transmutation, de la transmutation athée. Schmidt transmute chaque fragment du cosmos en un arbre de feu littéral.
« De l’univers comme continuation du système sensoriel. » « La vie n’est pas un continuum. »
Schmidt accomplit ainsi une distinction entre la sensation (la sensation de la chair) et la vie. Pour Schmidt la sensation apparait continue et la vie discontinue. La vie apparait précisément comme la forme discontinue du magma continu de la sensation. Selon Schmidt, la vie est le relief discontinu de la continuité de la sensation. Selon Schmidt, la vie est le relief fractal, le relief de fascination fractale de la sensation. Selon Schmidt, la vie est le relief de lisibilité c’est-à-dire le relief légendaire, le relief de gravure légendaire du magma de la sensation. La vie pour Schmidt n’est pas une matière c’est une forme. La vie pour Schmidt est la forme de la sensation. La vie est la forme discontinue de la matière continue de la sensation. Ou encore pour Schmidt, l’événement de la vie formule la matière de la sensation.
Le roman selon Schmidt n’est ni l’espace du réel ni l’espace du virtuel. Le roman serait plutôt l’espace où le réel rencontre le virtuel c’est à dire l’espace de l’événement. Le roman est ainsi l’espace de l’éventuel c’est à dire l’espace du vent, l’espace de l’excès d’exactitude du vent.
Schmidt écrit des épopées féeriques où les épées sont celles des branches à l’intérieur du vent. Schmidt n’écrit pas l’épopée de l’histoire des hommes et des nations, Schmidt écrit l’épopée des paysages et des saisons.
« La brume se dégrafe. »
La syntaxe de Schmidt ressemble à une agrafe de brume, à une agrafe de fumée. Schmidt fume comme apostrophe le langage. Schmidt exclame comme interjecte le langage. Schmidt surinjecte le langage comme une cigarette. Schmidt ycigarette le langage. La rhétorique de Schmidt semble souvent inhalée crachée. Schmidt inhale l’incendie du monde et le recrache comme agrafes de fumée. Schmidt fume le langage comme une bicyclette qui marche. Schmidt fume la cigarette de l’apocalypse, la cigarette de simplicité de l’apocalypse.
L’espace pour Schmidt apparait parfois comme une stalactite horizontale, comme un tourbillon de stalactites, un tourbillon de stalactites horizontales.
Pour Schmidt, l’espace apparait comme une cloche de mains-langues, comme une cloche de mains-mâchoires-langues. L’espace de Schmidt carillonne d’éclairs, d’éclairs pantelants, de mâchoires d’éclairs, de mains-mâchoires d’éclairs, de mains-mâchoires-langues d’éclairs, de mains-mâchoires-langues d’éclairs pantelants.
Schmidt allie à chaque instant les mouvements cycliques aux mouvements linéaires. A l’intérieur de l’écriture de Schmidt le mouvement cyclique provoque le mouvement linéaire et le mouvement linéaire provoque le mouvement cyclique. Par cette alliance du cycle et la ligne droite, Schmidt invente une écriture à spirales, une écriture à éclipses, une écriture à spirales d’éclipses. La syntaxe de Schmidt apparait comme une syntaxe d’éclipses, une syntaxe d’éclipses d’arbres, une syntaxe d’éclipses de vent.
L’espace de Schmidt carillonne d’extrapolations d’éclipses, d’extrapolations d’éclipses indécentes, d’extrapolations d’épilepsie, d’extrapolations d’épilepsie indécentes, d’extrapolations d’ellipses, d’extrapolations d’ellipses indécentes, d’extrapolations d’éclipses elliptiques, elliptiques indécentes.
« Je ne voudrais pas être un dieu, beaucoup trop ennuyeux, un demi-dieu, je ne dis pas. »
Schmidt affirme ainsi l’hybridation étrange de la joie. Schmidt écrit comme le Centaure de l’excitation d’apparaitre entre terre et ciel. Schmidt écrit comme le Centaure de la rencontre excitée, de la rencontre émoustillée, de la rencontre concupiscente, de la rencontre sidérée, concupiscente sidérée de la terre et du ciel.