Barbara
Barbara a des bravoures de délicatesse.
Barbara arbore des défaillances. Barbara arbore des défaillances comme des trophées, comme des trophées de noirceur, comme de trophées d’insomnie, comme de trophées de noirceur insomniaque.
Barbara brode des foulards de foulures vocales. Barbara brode avec les dents et le souffle des foulards de foulures vocales. Barbara brode avec la langue, les dents et le souffle des foulards de foulures vocales.
Barbara a la voix foulée comme une cheville, comme une cheville sur un arbre perché, sur l’arbre perché du souvenir.
Barbara folâtre. Barbara folâtre parmi des ribambelles d’écorchures. Barbara baguenaude parmi des ribambelles d’écorchures. Barbara batifole parmi des ribambelles d’écorchures.
La voix de Barbara ourle des écorchures. La voix de Barbara ourle des arabesques d’écorchures. La voix de Barbara ourle des arabesques de cristal. La voix de Barbara ourle des arabesques d’écorchures cristallines, des arabesques de cristal écorché.
La voix de Barbara batifole. La voix de Barbara batifole des arabesques d’écorchures cristallines, des arabesques de cristal écorché. La voix de Barbara batifole parmi des arabesques de cristal écorché.
La voix de Barbara délibère des arabesques d’écorchures, des arabesques de cristal écorché. La voix de Barbara délibère des arabesques de cristal ébréché. Et c’est par cette brisure, par cette brèche de la voix que s’infiltre le vent du souvenir, le vent de l’extrême nostalgie.
La voix de Barbara badine des épouvantes. La voix de Barbara baguenaude des épouvantes. La voix de Barbara batifole des épouvantes.
Barbara survient comme un rapace rhapsode, un rapace rhapsode dilettante sur l’arbre perché de sa voix. Barbara survient comme un rapace rhapsode espiègle sur l’arbre perché de sa voix.
Barbara baguenaude tragique. Barbara baguenaude tragique sur l’arbre perché de sa voix. Barbara batifole tragique, Barbara batifole tragique sur l’arbre perché de sa voix.
Barbara se promène comme une tragédienne espiègle. Barbara se promène parmi des paroles d’écorce. Barbara se promène comme une tragédienne espiègle parmi des paroles d’écorce.
Il y a une très grande virtuosité de la volte et de l’obliquité chez Barbara. C’est son aspect quasi kandinskien. Sur scène, Barbara multipliait les allées et les venues, les tours et les détours, les voltes et les virevoltes, les volutes et les virevolutes de la nuque, des poignets et des bras. Etranges cassures curvilignes, brisures curvilignes, saccades curvilignes des bras de Barbara. Sur scène Barbara semblait à chaque instant revenir de loin, revenir de loin comme un grand oiseau blessé, comme le grand oiseau blessé de son orgueilleuse douleur.
La voix de Barbara a quelque chose de déchirant. La voix de Barbara déchire la joie avec le désespoir et comme elle déchire le désespoir avec la joie.
Barbara renifle parfois des seins de souffle. Barbara hume parfois des stalactites de souffle. « Il pleut sur Nantes. Et je me souviens. Le ciel de Nantes rend mon cœur chagrin. »
Il y a du vent à l’intérieur de la voix de Barbara. Sa voix est comme une voile où la frayeur se fraie un passage, voix alors à la fois divine et diabolique, angélique et démoniaque « Est-ce la main de Dieu, est-ce la main du diable qui a mis sur la mer cet étrange voilier ? »
Il y a du vent à l’intérieur de la voix de Barbara, un souffle de brisures, autrement dit une brise, une brise d’effroi, une brise de frayeur, une brise d’exaltation, une brise de frayeur exaltée.
Il y a du vent à l’intérieur de la voix de Barbara, le vent de l’enfance même, le vent de la disparition de l’enfance, de la disparition malgré tout toujours présente de l’enfance, de la disparition de l’enfance comme espace, comme espace présent, comme frayage d’espace, frayage d’espace présent, frayage effrayant de l’espace, frayage effrayant d’espace présent.
« Pourquoi
suis-je venue ici, où mon passé me crucifie
Et ne dort jamais mon enfance ? »
Il y a une fêlure de vent à l’intérieur de la voix de Barbara, la fêlure de vent d’un passé crucifiant. Telle serait la coquette tragique, la coquetterie de tragédie de Barbara, celle d’une candeur crucifiée comme d’une crucifixion candide, la candeur crucifiée comme la crucifixion candide du passé comme espace, du passé comme espace présent, de l’espace présent du passé.
J’ai entendu une fois Barbara chanter à l’intérieur des arènes de Doué la Fontaine. Plus encore que du concert, je me souviens surtout de ma déambulation dans les rues de Doué avant le concert même, alors que Barbara accomplissait des arabesques vocales afin d’essayer le micro. Barbara à l’évidence s’amusait. Barbara s’amusait comme ça uniquement pour le plaisir d’adresser sa voix au vide. Elle ne chantait pas pour des spectateurs puisque le concert n‘était pas encore commencé. Malgré tout elle savait très bien que ceux qui allaient bientôt devenir des spectateurs l’écoutaient déjà. C’est comme si à cet instant Barbara offrait son chant au vide, au vide de l’espace et qu’elle savait aussi en même temps que par ce vide de l’espace, elle touchait ensuite des cœurs humains. Ce chant de Barbara survenait ainsi comme celui de la séduction. C’était un chant abstrait, un chant à la fois abstrait et détourné, un chant qui utilisait le détour de l’espace afin de toucher l’intimité même du cœur humain.