Esquisses Ici et Là avec Cy Twombly
« La main a tracé quelque chose comme une fleur et puis s’est
mise à trainer sur cette trace. » Roland Barthes
Il y a une extrême nonchalance de Twombly. Il y a chez Twombly
quelque chose qui traine, quelque chose qui s’alanguit dans la griffure même, dans le coup de griffe même. Le graffiti selon Twombly serait ainsi celui d’une griffure nonchalante. Et pourtant
aussi bizarrement, à l’intérieur de l’espace du tableau cela tient, cela tient en suspens, cela tient en suspens de tact, en suspens de tact ambigu. Il y a en effet aussi une extrême ambiguïté de
Twombly. Ainsi à l’intérieur de l’espace du tableau, cela tient comme griffure ambiguë, cela tient comme griffure nonchalante de l’ambiguïté.
Twombly griffe. Cependant Twombly ne peint pas comme un tigre.
Twombly peint plutôt comme un chat, et même comme un chaton. Twombly peint comme un chaton qui essaie de composer des bouquets de fleurs. Twombly peint comme un chaton c’est à dire aussi comme un
extrait de bague. Twombly dessine bagué. Twombly dessine bagué de griffures.
« La main semble entrer en lévitation, on dirait que le mot a
été écrit du bout des doigts. »
Twombly dessine avec l’extrémité des doigts, avec la bague de
l’extrémité des doigts, avec la bague d’ongles de l’extrémité des doigts, avec la bague des empreintes digitales, avec la bague d’ongles des empreintes digitales. Twombly esquisse avec la
lévitation des ongles, avec la bague de lévitation des ongles.
« Par une circonstance infime, voire dérisoire, aberrante,
farfelue, le sujet s’éveille… »
L’art de Twombly est un art de la ténuité, de la ténuité
atmosphérique, de la ténuité farfelue, de la ténuité atmosphérique farfelue. Le rythme selon Twombly ressemble à une sorte de secousse atmosphérique, à une sorte de brise, une brise qui tinte,
une brise qui tintinnabule, une brise qui flâne, qui flâne tintinnabulante, la brise tintinnabulante du temps, la brise tintinnabulante de la ténuité
même du temps. « Cela tombe, cela pleut finement, cela se couche comme des herbes, cela rature par désœuvrement, comme s’il s’agissait de rendre visible le temps, le tremblement du
temps. »
Twombly développe des gestes gauches, des gestes approximatifs,
des gestes de délicatesse gauche, des gestes de délicatesse approximative. Twombly invente ainsi un dandysme de la maladresse.
Twombly essaie de donner à voir des coups de ténuité, des coups
de nonchalance, des coups de ténuité nonchalante, des impacts de ténuité, des impacts de ténuité nonchalante, des impacts de paresse, des impacts de désinvolture, des impacts de paresse
désinvolte. Twombly improvise ainsi des bouquets d’hématomes, des bouquets d’ecchymoses, des hématomes de fleurs, des hématomes de roses, des ecchymoses d’orchidées.
Twombly peint des bouquets de fleurs parkinsoniennes, des
bouquets de graffitis parkinsoniens, des graffitis d’Alzheimer, des azalées d’Alzheimer, des graffitis d’azalées d’Alzheimer, de légers tourbillons d’azalées d’Alzheimer.
« Il ne saisit rien, il dépose et tout est dit. »
« L’œuvre de Twombly semble se conjuguer au passé ou au futur, jamais vraiment au présent. »
Twombly dépose des traces. Twombly dépose des traces comme des
caresses, comme des caresses de passé et de futur, comme des caresses de futur intérieur. Twombly esquisse des hypothèses de traces, des hypothèses de traces comme des caresses de futur
antérieur.
« L’art de Twombly - c’est là sa moralité- ne veut rien
saisir ; il se tient, il flotte, il dérive entre le désir - qui, subtilement, anime la main - et la politesse qui est le congé discret donné à toute envie de capture. »
Twombly essaie ainsi d’inventer une politesse du désir, une
politesse nonchalante du désir, une politesse désinvolte du désir.
« Comme principe, la délicatesse n’est ni morale, ni
culturelle ; c’est une pulsion (pourquoi la pulsion serait-elle de droit violente, grossière ?) »
Twombly donne ainsi à voir la pulsion du tact. Twombly multiplie
des pulsions de délicatesse, les pulsions de délicatesse de l’approximation, les pulsions de tact de l’approximation, les pulsions de tact de la nonchalance, les pulsions de tact de
l’approximation nonchalante, les pulsions de tact du ravissement, les pulsions de tact de l’approximation ravie, les pulsions de tact de la nonchalance ravie, les pulsions de tact de
l’approximation nonchalante ravie.
Twombly multiplie des touchers de taches. Tombly multiplie les
touchers de taches de la nonchalance, les touchers de taches de la désinvolture, les touchers de taches du désir nonchalant, les touchers de taches du désir désinvolte. Twombly multiplie les
touchers de taches de la maladresse, les touchers de taches du ravissement, les touchers de taches de la maladresse ravie.
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