Dubuffet, l’Hourloupe
Dubuffet a découvert la structure de l’Hourloupe en griffonnant au téléphone. L’Hourloupe de Dubuffet c’est de la peinture téléphonée. Avec l’Hourloupe Dubuffet invente ainsi une manière de téléphoner les dimensions de l’espace, de téléphoner les dimensions de l’espace les unes à l’intérieur des autres. L’espace de l’Hourloupe comme celui de la théorie des cordes est un espace à n dimensions. (Ce n’est pas cependant un espace à dimensions infinies, plutôt à dimensions indécidables.) A l’intérieur de l’Hourloupe les dimensions de l’espace s’enchevêtrent les unes aux autres, se combinent les unes aux autres comme à l’intérieur d’un combiné de téléphone autrement dit comme à l’intérieur des cartilages d’une oreille. (L’Hourloupe à la fois propose et développe une bobine d’espaces, une bobine de dimensions spatiales, une combinaison d’espaces, une combinaison de dimensions spatiales.) Ou plutôt l’Hourloupe invente une combinaison du téléphone et de la loupe, une combinaison du téléphone et du microscope et peut-être même une combinaison de l’horloge, du téléphone et de la loupe, une combinaison de l’horloge, du téléphone et du microscope. A l’intérieur de l’Hourloupe les dimensions s’entourloupent les unes les autres, c’est à la fois de la prestidigitation et de l’escroquerie. (Il y a en effet aussi de l’esbroufe chez Dubuffet, une esbroufe du banal, une esbroufe du quelconque.) L’Hourloupe c’est l’escroquerie de la vision sonore, l’escroquerie de la vision des mâchoires sonores. L’Hourloupe développe une sorte de prestidigitation de quiproquos, la prestidigitation de quiproquos des dimensions de l’espace. A l’intérieur de l’Hourloupe les dimensions de l’espace s’entrelacent, se combinent, s’encamisolent et se décamisolent de façon simultanément optique et sonore. Ce que parvient ainsi à révéler Dubuffet c’est à la fois l’oreille du zéro et le zéro de l’oreille. A l’intérieur de l’Hourloupe, Dubuffet téléphone la peinture avec le zéro de l’oreille, avec la dimension zéro de l’oreille. A l’intérieur de l’Hourloupe, Dubuffet téléphone les dimensions optiques de l’espace, les innombrables dimensions optiques de l’espace avec la dimension zéro de l’oreille. En griffonnant au téléphone, Dubuffet a découvert que ce que Malevitch appelait « le zéro des formes » c’était simplement la vitesse du son, la vitesse de vide du son. La vitesse de vide du son à savoir ce qui s’inscrit à l’intérieur du corps humain comme zéro de l’oreille ou plutôt et plus paradoxalement encore à la fois comme zéro de l’oreille et comme spirale de l’oreille, comme zéro-spirale de l’oreille.
L’Hourloupe c’est du cubisme téléphoné, du cubisme griffonné au téléphone. L’Hourloupe c’est de la peinture palpée au téléphone, de la peinture palpée au microscope, de la peinture palpée au microscope du téléphone. L’Hourloupe c’est de la peinture palpée à la loupe, de la peinture palpée à la loupe du téléphone, de la peinture palpée à la louche, de la peinture palpée à la louche du téléphone, de la peinture palpée à la louche-loupe, de la peinture palpée à la louche-loupe du téléphone. L’Hourloupe c’est la peinture pétrie au téléphone, de la peinture pétrie au microscope du téléphone, de la peinture pétrie à la loupe du téléphone, de la peinture pétrie à la louche-loupe du téléphone. L’Hourloupe c’est du cubisme griffonné par loopings, du cubisme griffonné par loopings de microscope, par loopings de téléphone, par loopings de microscope-téléphone.
Dubuffet - Bague de la Terre
Dubuffet serait un des rares peintres qui soit parvenu à esquiver l’injonction architecturale de la peinture. Pour Dubuffet la peinture apparait d’abord pourtant comme un sol : ses premiers tableaux de poussière et de graviers. Malgré tout ensuite Dubuffet a essayé de transformer ce sol en une sorte de parure, une parure mentale. Dubuffet a essayé de transformer la surface même de la terre, la surface de la planète terre en bijou, en bague, en bijou métaphysique, en bague métaphysique. « Le sol et les menus accidents qui s’y présentent. Je m’étais alors mis en tête de confectionner une bague qui puisse avoir pour son porteur la fonction de ces menus reliefs fortuits qu’on est seul à connaitre, et avec lesquels s’établit une familiarité, une connivence. »
L’Hourloupe ce serait ça, une manière de transformer la surface de la planète terre en bague, c’est à dire en symbole. L’Hourloupe de Dubuffet c’est une manière de transformer la contingence même de la terre en bague, une manière de transformer l’érosion contingente de la terre en bague stellaire, en bague de fiançailles stellaires. L’Hourloupe ce serait une manière de panteler la surface de la planète terre comme bague, comme bague mentale.
Il y a en effet un extraordinaire matérialisme mental de Dubuffet, matérialisme mental de Dubuffet proche de celui de Michaux. Dubuffet n’est ni un peintre intellectuel, ni un peintre spirituel, ni un peintre psychique, ni même un peintre abstrait, c’est un peintre mental. Comme peintre mental Dubuffet apparait ainsi à la recherche d’une odeur de menthe, celle dont Bachelard parle au début de L’Eau et les Rêves. « Je suis d’abord odeur de menthe, odeur de la menthe des eaux. » Malgré tout Dubuffet ne peint pas à la recherche de l’odeur de menthe du ruisseau. Dubuffet peint plutôt à la recherche de l’odeur de menthe du volcan. L’Hourloupe apparait ainsi comme la mosaïque d’une odeur de menthe, la mosaïque de l’odeur de menthe du volcan. Les Mires de Dubuffet ce serait aussi quelque chose comme la mosaïque de menthe du volcan, le prisme de menthe du volcan, le kaléidoscope de menthe du volcan ou même qui sait la poubelle de menthe du volcan, la poubelle d’étoiles du volcan, la poubelle de menthe stellaire du volcan ou bien encore la poubelle de grenadine du volcan la poubelle de grenadine stellaire du volcan.