Ame

 

 

 

 

 

 

 

Lichtenberg révèle les traits d’esprit de l’âme.

 

 

 

Lichtenberg sait comment transformer l’horizon en échiquier. Lichtenberg sait comment transformer l’horizon en surface de stratégie de l’âme.

 

 

 

Il y a une cérémonie d’alacrité de Lichtenberg. Lichtenberg écrit des aphorismes avec la foudre cérémonieuse de son âme.

 

 

 

 

 

« L’âme se trouve tout autour de la figure, comme la limaille autour de l’aimant. »

 

Lichtenberg chante les amuse-gueules de l’âme. Lichtenberg improvise les amuse-gueules de l’âme. Lichtenberg révèle les amuse-gueules de l’âme.

 

 

 

Lichtenberg écrit comme le météorologue de l’immortalité de l’âme. Lichtenberg écrit comme le jongleur de la mortalité du temps et le météorologue de l’immortalité de l’âme.

 

 

 

Lichtenberg dissèque l’immortalité de l’âme avec le sourire de son ombre. Lichtenberg dissèque l’immortalité de l’âme avec la toupie de son ombre.

 

 

 

 

 

« Une seule âme était trop peu pour son corps, lui qui aurait pu en affairer deux. »

 

Lichtenberg possède en alternance une âme pour deux corps et un corps pour deux âmes.

 

 

 

Lichtenberg élabore des trucs d’âme. Lichtenberg examine l’âme par le trou de serrure du truc  et contemple les trucs de sentiments de la déraison par l’œil de la clef de l’âme.

 

 

 

Lichtenberg logarythmise des chuintements d’âme. Lichtenberg logarythmise des chuintements d’âme à brûle-pourpoint.

 

 

 

 

 

« Nous savons peu de choses de cette âme que pourtant nous sommes. »   

 

« Il est bien entendu qu’après l’eau, la vie est ce qu’il y a de plus précieux pour l’homme. »

 

Lichtenberg ne confond jamais la vie et l’âme. Lichtenberg sait qu’il ne suffit pas de vivre pour avoir une âme. Et Lichtenberg sait aussi qu’il y a des âmes qui parviennent à tenir la pose autour de la terre sans avoir cependant jamais été vivantes.

 

 

 

« Les autopsies ne peuvent découvrir ces erreurs qui se terminent avec la mort. »

 

Lichtenberg autopsie l’immortalité de l’âme. Lichtenberg autopsie l’immortalité de l’âme avec ses empreintes digitales. Lichtenberg autopsie l’immortalité de l’âme avec le noli tangere de ses empreintes digitales, avec les antennes de noli tangere de ses empreintes digitales, avec les antennes télégraphiques de ses empreintes digitales.

 

 

 

Lichtenberg dissèque l’immortalité de l’âme. Lichtenberg dissèque l’immortalité de l’âme avec l’aiguille d’une boussole.

 

 

 

« L’idée que nous nous faisons de l’âme a de fort nombreuses ressemblances avec l’aimant qui est dans la terre. »

 

Pour Lichtenberg le monde tourne autour de l’aimant de l’âme. Pour Lichtenberg le monde tourne autour de l’inconnu de l’âme, autour de l’aimant d’inconnu de l’âme. Pour Lichtenberg  le cosmos apparait comme le satellite de l’âme, comme le satellite de l’aimant de l’âme, comme le satellite de l’aimant d’inconnu de l’âme.

 

 

 

Lichtenberg trouve des aimants à l’intérieur des têtes et des cerveaux au centre de la terre.

 

 

 

Lichtenberg jongle avec des aimants. Lichtenberg jongle avec des aimants d’herbes. Lichtenberg jongle avec les aimants d’herbes de l’âme.

 

 

 

 

 

Lichtenberg utilise l’allumette comme télescope de l’âme.

 

 

 

Lichtenberg fait tourner son âme comme une toupie. Lichtenberg fait tourner la liberté de son âme comme une toupie.

 

 

 

Lichtenberg dénude son âme afin de sentir le diamant de son ombre. Lichtenberg dénude son âme jusqu’à sentir le diamant de son ombre.

 

 

 

 

 

Lichtenberg retient par cœur les leçons de ses grains de beauté.

 

 

 

Lichtenberg examine les cartes de géographie de son âme avec la trajectoire immobile de ses grains de beauté. Lichtenberg examine les cartes de géographie de son âme avec les trajectoires somnambules de ses grains de beauté, avec les trajectoires à la fois cannibales et somnambules de ses grains de beauté.

 

 

 

Lichtenberg distille la lumière de son ombre. Lichtenberg distille la lumière de son ombre avec la trajectoire de ses grains de beauté.

 

 

 

 

 

Lichtenberg jongle avec les tuyaux de l’âme. Lichtenberg jongle avec la constellation de tuyaux de l’âme.

 

 

 

« Que les plus importantes choses se font par les tuyaux. (…) Qu’est-ce donc que l’homme,  sinon un faisceau confus de tuyaux ? »

 

Lichtenberg révèle que le corps et aussi surtout l’âme ressemblent à un enchevêtrement de tuyaux, à un enchevêtrement harmonieux de tuyaux, à une harmonie enchevêtrée de tuyaux. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pensée

 

 

 

 

 

 

 

Lichtenberg médite à brûle-pourpoint. Lichtenberg médite avec tranquillité à brûle-pourpoint.

 

 

 

Lichtenberg élabore des hypothèses supersoniques. Lichtenberg pétrit des hypothèses supersoniques. Lichtenberg lutine des hypothèses supersoniques. Lichtenberg logarythmise des hypothèses supersoniques.

 

 

 

 

 

Il y a une noirceur éblouissante de Lichtenberg. Lichtenberg médite selon une forme de fantaisie austère, la fantaisie austère des réverbérations de son ombre.

 

 

 

Il y a une allégresse austère, une alacrité austère à l’intérieur de l’écriture de Lichtenberg. Il y a une sorte d’austérité à la fois élastique et électrique à l’intérieur de l’écriture de Lichtenberg, une austérité électrique et une sobriété élastique, une austérité élastique et une sobriété électrique.

 

 

 

Lichtenberg se bariole d’austérité. Lichtenberg écrit comme un arlequin de l’ascèse.

 

 

 

Le style de Lichtenberg apparait à la fois enthousiaste et flegmatique, à la fois flegmatique et transi. Le style de Lichtenberg révèle ainsi le flegme de l’enthousiasme, le flegme de la transe.

 

 

 

Il y a un snobisme métaphysique chez Lichtenberg, un snobisme de l’imbroglio distinct, un snobisme de l’imbroglio élégant.

 

 

 

 

 

Lichtenberg plaisante avec la métaphysique. Lichtenberg écrit comme un philosophe apocryphe. Lichtenberg écrit comme un métaphysicien apocryphe.

 

 

 

Lichtenberg joue aux dés avec une métaphysique apocryphe. Lichtenberg joue aux dés avec la métaphysique apocryphe de ses sentiments. Lichtenberg joue aux cartes avec la métaphysique apocryphe de ses sentiments.

 

 

 

 

 

Lichtenberg écrit comme l’apothicaire de son enthousiasme, comme le pharmacien de sa fantaisie. Lichtenberg écrit comme le pharmacien de son enthousiasme et l’apothicaire de sa fantaisie. Lichtenberg écrit comme l’apothicaire de son effronterie, comme le pharmacien de son effronterie.

 

 

 

Lichtenberg écrit comme le pharmacien de la catastrophe, comme l’apothicaire de l’apocalypse. Lichtenberg écrit comme l’apothicaire de la catastrophe, comme le pharmacien de l‘apocalypse.

 

 

 

Lichtenberg écrit comme un prophète humoristique. Lichtenberg pense comme le pharmacien de ses prophéties. Lichtenberg pense comme le pharmacien humoristique de ses prophéties.

 

 

 

Lichtenberg écrit comme le laborantin de ses méditations même. L effectue des expériences chimiques sur les atomes mêmes de sa pensée. Lichtenberg écrit comme le laborantin de ses idées, comme le laborantin à la fois aléatoire et nécessaire de ses idées.

 

 

 

Lichtenberg écrit comme le notaire de son vagabondage, comme le notaire de son vagabondage angélique. Lichtenberg écrit comme le greffier de son hasard, comme le greffier de son hasard angélique.

 

 

 

Lichtenberg écrit comme le chirurgien du brouillard. Lichtenberg écrit comme l’astrologue du hasard et le météorologue de la nécessité.

 

 

 

 

 

Lichtenberg écrit comme le cordonnier de son inconséquence. Lichtenberg parle avec un ton d’épouvantail princier.

 

 

 

Le ton bizarre de Lichtenberg est un ton de bonhommie obséquieuse, de dilettantisme méthodique.

 

 

 

Le ton de l’aphorisme de Lichtenberg n’est ni menaçant ni autoritaire. Le ton de l’aphorisme de Lichtenberg est professoral sans être cependant pédagogique. Le ton de l’aphorisme de Lichtenberg est à la fois professoral et espiègle.

 

 

 

Lichtenberg parle avec le ton d’un professeur perdu à l’intérieur du sentiment de sa pensée et qui tente d’adresser malgré tout le sentiment de sa pensée non pas à la masse de ses élèves, non pas à chacun de ses élèves mais plutôt à une tête invisible qui tourne comme une planète de politesse, comme une planète de solennité au-dessus de la masse de ses élèves.

 

 

 

 

 

Lichtenberg est doté d’un humour aussi intense et discret que celui de Kafka, une sorte d’humour stellaire.

 

 

 

L’inspiration de Lichtenberg (de même que celle de Kafka) apparait provoquée par une attention presque démente, par la ténacité presque démente de son attention. L’attention de Lichtenberg anticipe même sur sa curiosité, c’est une d’attention réflexe, l’attention réflexe de l’âme.

 

 

 

Lichtenberg semble attentif comme un coup de fusil.

 

 

 

« On peut toujours considérer que ce que quelqu’un a découvert était, pour ainsi dire, égaré dans sa tête ; celui qui, en lui, n’a rien perdu, ne pourra rien y trouver. »

 

Lichtenberg théorise des inadvertances. Lichtenberg théorise des distractions. Lichtenberg a une manière de méditer en remarquant malgré tout in extremis ce qu’il a presque négligé par distraction. Lichtenberg ressaisit ainsi in extremis sa négligence mentale, son indolence mentale, il s’en étonne alors et par cet étonnement lucide envers sa distraction il parvient ainsi à révéler des formes et des événements inouïs. « Eussé-je raconté cette histoire à l’état de veille, l’événement le plus important ne m’eut point échappé. Il fallait ici que je la laissasse passer pour que je pusse m’en étonner. »

 

 

 

Lichtenberg est le logicien de son inattention. Lichtenberg est le logicien de sa distraction, le géomètre de sa distraction.

 

 

 

Lichtenberg observe l’homme avec une extrême inattention. Lichtenberg observe l’homme avec l’extrême inattention d’une étoile. Lichtenberg examine l’homme avec l’extrême distraction d’une étoile.

 

 

 

« L’esprit humain devient toujours plus uniforme à mesure qu’il s’élève au-dessus du corporel. Toutefois, plus il s’en rapproche, plus les variations deviennent fréquentes, »

 

Lichtenberg n’examine pas les dimensions élevées de l’esprit. Lichtenberg s’intéresse plutôt aux zones de proximité entre le corps et l’esprit, aux zones de turbulences délicates, aux zones de turbulences subtiles entre le corps et l’esprit.

 

 

 

 

 

Lichtenberg écrit comme un Diderot laconique.

 

 

 

Lichtenberg ressemble à Diderot par sa manière d’allier, de faire coïncider la raison et la déraison. Cependant la technique de Lichtenberg est presque inverse à celle de Diderot. Diderot essaie en effet d’accomplir cette coïncidence par la prolifération des conversations. Lichtenberg accomplit plutôt cette coïncidence par la disparition du discours. Lichtenberg écrit sans jamais discourir. Lichtenberg écrit sans jamais parler à quelqu’un. Lichtenberg écrit sans parler ni à l’autre ni à lui-même. Lichtenberg écrit plutôt afin de faire tourner la disparition de la parole comme le satellite lunaire de la démarche de la pensée. Lichtenberg écrit afin de faire tourner la disparition de la parole comme satellite lunaire du pas de la pensée, du pas sur place hors de l’horizon de la pensée, du pas sur horizon hors-place de la pensée.

 

 

 

 

 

Lichtenberg n’écrit pas la vérité. Lichtenberg écrit plutôt en prenant la vérité comme point d’appui. Lichtenberg prend la vérité comme point d’appui afin de bondir ensuite jusqu’à l’exactitude, afin de bondir ensuite jusqu’au rêve de l’exactitude. Lichtenberg prend la vérité comme point d’appui afin de saisir ensuite au vol des rêves d’exactitude, afin de saisir ensuite au vol l’électricité de l’exactitude, le rêve d’électricité de l’exactitude.

 

 

 

La vérité n’est pas le point d’arrivée de l’écriture de Lichtenberg. La vérité est plutôt le point de départ de l’écriture de Lichtenberg. Lichtenberg n’écrit pas afin d’atteindre finalement la vérité, Lichtenberg écrit en s’appuyant sur la vérité comme sur un sol. La vérité est la terre comme le vide de Lichtenberg. La vérité est la terre de vide (le vide de terre) de L sur laquelle il prend appui et appel pour sauter très légèrement au dehors. Ce saut léger de la vérité hors d’elle-même, c’est la chance, c’est la chance de la sagesse.

 

 

 

Lichtenberg cherche son chemin à l’instant où il trouve la vérité. Lichtenberg cherche son chemin après avoir trouvé la vérité. Lichtenberg trouve la vérité afin de chercher ensuite son chemin. Lichtenberg trouve d’abord la vérité afin de chercher ensuite le chemin de la certitude.

 

 

 

Lichtenberg n’écrit pas afin de révéler la vérité. Lichtenberg écrit afin de rythmer, de broder la chance de la vérité selon une suite de formules et de blancs.

 

 

 

Pour Lichtenberg la chance de la vérité est la présence même du monde. Pour Lichtenberg le monde est un jeu où la chance de la vérité ne peut jamais être ni gagnée ni perdue et où elle survient sans cesse comme dans un rêve.

 

 

 

 

 

« Tourner une idée comme une apostrophe. »

 

Lichtenberg écrit comme un sage désinvolte. Lichtenberg écrit comme un sage dilettante.

 

 

 

Lichtenberg télégraphie la sagesse. Lichtenberg télégraphie l’ivresse de la sagesse.

 

 

 

Lichtenberg extrait des pépites de sagesse du torrent de la bêtise et des diamants de bêtise de la mine de la sagesse.

 

 

 

Selon Lichtenberg il n’est simplement utile de devenir sage, il apparait surtout nécessaire que la sagesse survienne comme une chance, une chance du jeu.

 

 

 

 

 

« C’est là une question de savoir s’il est plus aisé de penser ou de ne de ne point penser. L’homme pense par instinct, »

 

Pour Lichtenberg la pensée ne se place pas au-dessus de l’instinct. Pour Lichtenberg la pensée apparait elle-même comme un instinct. Pour Lichtenberg la pensée ne s’élève pas au-dessus des pulsions, la pensée apparait plutôt comme une forme de pulsion, la forme de pulsion qui parvient à enchevêtrer la lumière et l’ombre, la forme de pulsion qui parvient à allier la poussière de la lumière aux bijoux de l’ombre et les bijoux de la lumière à la poussière de l’ombre.

 

 

 

« Il est difficile de déterminer comment l’on est parvenu aux idées que nous possédons à présent. (…) Il est si délicat d’identifier l’origine de ce qui nous habite, que serait-ce alors si nous voulions déterminer celle de choses qui nous sont étrangères. »

 

Lichtenberg indique que l’homme pense sans jamais savoir comment il pense. Pour Lichtenberg la relation de l’homme avec sa pensée reste aussi obscure que celle de l’animal avec son instinct. La pensée apparait ainsi comme l’instinct animal de l’homme.

 

 

 

L’homme ne sait pas comment il pense parce qu’il mémorise de manière approximative le temps de sa pensée, le temps de formation de sa pensée. L’homme ne sait pas comment il pense parce qu’il ne mémorise pas l’ordre par lequel ses pensées lui viennent.

 

 

 

Le problème philosophique de Lichtenberg n’est pas celui de l’essence de la pensée « Qu’est-ce que penser ? », ce n’est pas non plus celui de l’adéquation de la pensée à la vérité. Le problème philosophique de Lichtenberg est celui du lieu de la pensée. Le problème philosophique de Lichtenberg est plutôt celui du où de la pensée. Lichtenberg cherche à savoir où se trouve la pensée. Lichtenberg cherche à savoir où se tient la pensée. Lichtenberg cherche à savoir où la pensée apparait.

 

 

 

« Puisque nous ne savons pas vraiment où réside notre pensée, nous pouvons donc la transporter où nous voulons. »

 

La pensée peut alors se trouver n’importe où. Et nous pouvons aussi transporter la pensée sans le vouloir, transporter la pensée n’importe où sans le vouloir. Ainsi le problème de Lichtenberg c’est de savoir où nous voulons notre pensée, c’est de parvenir à découvrir le lieu où la pensée apparait voulue.

 

 

 

 

 

Lichtenberg accomplit des allers-retours de temps. Lichtenberg accomplit des allers-retours de temps afin de découvrir le lieu de la pensée. Lichtenberg accomplit des spirales de temps. Lichtenberg accomplit des spirales de temps afin de découvrir le lieu de la pensée. Lichtenberg compose des allers-retours de temps afin de découvrir le lieu de la pensée.

 

 

 

« Combien d’idées demeurent tranquilles dans ma tête et qui pour certaines, si elles avaient à se rencontrer pourraient produire une grande découverte ! »

 

Lichtenberg essaie ainsi de multiplier des cheminements et des points de rencontres à l’intérieur du lieu de sa pensée. Lichtenberg ne va jamais d’un point à un autre de sa pensée par le même chemin et surtout Lichtenberg tente d’extraire des fragments de son chemin et de les transporter avec lui et parfois même de les transporter à l’intérieur de son corps afin de les relier quasi-chimiquement à d’autres points de sa pensée ou à d’autres fragments de chemin de sa pensée.

 

 

 

Lichtenberg écrit à la fois comme un chimiste des éléments atomiques de sa pensée et comme un chimiste des trajectoires de sa pensée.

 

 

 

Lichtenberg écrit à la fois comme un chimiste des murs et un arpenteur des fluides, comme un chimiste des pierres et un arpenteur de l’eau. Lichtenberg écrit à la fois comme un chirurgien des pierres et un géomètre de l’eau. Lichtenberg écrit à la fois comme un chirurgien des pierres et un mathématicien de l’eau.

 

 

 

 

 

Lichtenberg écrit avec un scalpel de lichen. Lichtenberg écrit avec un scalpel labyrinthique, un scalpel de lichen labyrinthique.

 

 

 

Chaque aphorisme de Lichtenberg a l’aspect d’un labyrinthe et la suite de labyrinthes des aphorismes de Lichtenberg apparait malgré tout simple comme bonjour.

 

 

 

L’âme de Lichtenberg apparait simple comme bonjour. L’âme de Lichtenberg apparait simple comme un bonjour à la multiplicité des mondes.

 

 

 

 

 

C’est comme si pour Lichtenberg chaque aphorisme était le contexte même du monde.

 

 

 

Le prodige de l’écriture de Lichtenberg est de donner l’impression qu’entre chaque phrase ce n’est pas lui qui s’abstient d’écrire, qu’entre chaque phrase c’est plutôt le monde même qui s’abstient d’écrire, qu’entre chaque phrase c’est plutôt le monde même qui s’abstient de parler, qui s’abstient de distribuer les cartes de la parole.

 

 

 

Les blancs entre les phrases de Lichtenberg suggèrent ceci : « Là où rien n’est écrit, lisez que la vérité n’a rien à dire. Là où rien n’est écrit lisez que la vérité de la chance n’a rien à dire. »

 

 

 

Ce qui provoque l’élégance du style de Lichtenberg c’est que le lecteur ne sait jamais si la pensée ou le sentiment de Lichtenberg sont révélées par les phrases ou par les blancs. L’œuvre de Lichtenberg apparait ainsi comme une suite de pensées-formules et de sentiments-blancs et comme une suite de pensées-blancs et de formules-sentiments.

 

 

 

 

 

Lichtenberg pense avec autant de bonhomie rituelle qu’un homme qui déguste tranquillement son petit déjeuner.

 

 

 

« Il m’eut agrée d’avoir Swift chez le barbier, Sterne chez le coiffeur, Newton au déjeuner et Hume, lui, pour le café. » 

 

Lichtenberg prend son petit-déjeuner avec son génie. Lichtenberg prend son petit-déjeuner avec son génie, son déjeuner avec sa raison et son diner avec sa sagesse.

 

 

 

 

 

Lichtenberg est un imaginatif discret. Lichtenberg utilise la discrétion comme explosif.

 

 

 

Lichtenberg enchevêtre les entrées en matière et les sorties en esprit. Lichtenberg enchevêtre les sorties en matière et les entrées en esprit.

 

 

 

Lichtenberg préfère imaginer ce qui existe plutôt que de comprendre ce qui n’existe pas. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Socrate-Kant-Pascal

 

 

 

 

 

 

 

Lichtenberg ligote Socrate sur le bout de la langue.

 

 

 

Lichtenberg ligote Socrate parmi des toiles d’araignées d’étincelles. Lichtenberg ligote Socrate parmi des toiles d’araignées de fouets.

 

 

 

L’étrange ton de Lichtenberg est celui d’un coup de fouet qui se change en toile d’araignée.

 

 

 

 

 

L’aphorisme de Lichtenberg apparait comme un étrange alliage de réflexion kantienne et d’écriture automatique inconsciente. Lichtenberg écrit à la manière d’un surréaliste kantien  ou bien encore à la manière d’un dadaïste spinoziste. Chaque phrase de Lichtenberg invente ainsi une pratique de la raison impure, une effectuation comme une affectation de la raison impure.

 

 

 

Lichtenberg écrit comme un arlequin kantien, un polichinelle spinoziste et un électrocuté leibnizien. Lichtenberg écrit comme un prestidigitateur kantien ou un sophiste spinoziste autrement dit comme un sophiste honnête, comme un sophiste paisiblement scrupuleux.

 

 

 

Lichtenberg écrit comme l’épicurien des professions d’une seule fois et le stoïcien des jours fériés.

 

 

 

Lichtenberg écrit comme l’aristocrate des professions d’une seule fois et le révolutionnaire des jours fériés. Lichtenberg écrit comme l’aristocrate épicurien des professions d’une seule fois et l’anarchiste stoïcien des jours fériés.

 

 

 

Lichtenberg écrit comme un Kant taquin. Lichtenberg formule des taquineries métaphysiques.

 

 

 

Lichtenberg écrit comme une coccinelle spinoziste. Lichtenberg a un sexe leibnizien, des testicules kantiens et des spermatozoïdes spinozistes.

 

 

 

Lichtenberg écrit comme une otarie kantienne. Lichtenberg change la philosophie de Kant en otarie de l’incartade, en otarie de la lumière, en otarie des incartades de la lumière, en ornithorynque des cartes à jouer de la lumière.

 

 

 

Lichtenberg écrit comme un hybride d’Emmanuel Kant et de Benjamin Péret. Lichtenberg écrit comme un hybride de Spinoza et d’Alfred Jarry. Lichtenberg écrit comme un hybride de Spinoza et de Benjamin Péret. Lichtenberg écrit comme un hybride d’Emmanuel Kant et d’Alfred Jarry.

 

 

 

 

 

Lichtenberg écrit comme un Blaise Pascal burlesque. Lichtenberg écrit comme un Blaise Pascal bariolé.

 

 

 

L’ascèse de Lichtenberg est inverse à celle de Pascal. L’ascèse de Lichtenberg est celle de la chance sans aucune probabilité, à savoir la chance de l’ombre, la chance de l’ombre qui à l’instant de jeter le dé sait aussi parfois comment briser le dé.

 

 

 

Lichtenberg palindromise Les Pensées de Pascal. Lichtenberg confettise Les Pensées de Pascal. Lichtenberg transforme Les Pensées de Pascal en sac de confettis.

 

 

 

Lichtenberg réécrit Les Pensées de Pascal au verso d’un désert de confettis.