Tigana

 

 

 

 

 

Le jeu de Tigana comme celui d’Iniesta est essentiellement interstitiel. Tigana a une intuition très subtile des intervalles, des intervalles du jeu. 

 

 

Tigana a une allure à la fois féminine et masculine, à la fois juvénile et presque sénile, presque gâteuse. Tigana joue au football à la fois comme un jouvenceau et comme un vieillard. Par cette alliance étrange d’enfance et de vieillesse Tigana et Iniesta là encore se ressemblent. 

 

 

 

Tigana joue comme un tiret, un tiret coursier, un tiret svelte, un tiret cursif, un tiret svelte et cursif. 

 

 

Tigana a une allure de tige svelte, de tige svelte et grelotante, de tige svelte dotée d’une tignasse afro, d’une tignasse afro effrontée. 

 

 

Tigana joue la tête levée et droite comme s’il portait des lauriers, des lauriers d’ironie, des lauriers d’ironie italique, des lauriers légèrement moqueurs, des lauriers de moquerie légère. 

 

 

 

Il y a une sorte de tintement dans l’allure de Tigana. Le jeu de Tigana tinte comme un grelot. Le jeu de Tigana tinte de féerie. Le jeu de Tigana tinte comme un grelot de féerie. 

 

 

Il y a un tintinnabulement dans le jeu de Tigana, un tintinnabulement d’élégance, un tintinnabulement de chirurgie, un tintinnabulement d’élégance chirurgicale. 

 

 

 

Le jeu de Tigana a une sorte de scintillation rieuse, une sorte de scintillation moqueuse, une sorte de scintillation sarcastique même parfois. 

 

 

Il y a une vigilance virgulée dans le jeu de Tigana, une attention ponctuée, une attention virgulée. Tigana rit à coups de virgule. La moquerie des courses de Tigana, des incursions de Tigana ressemblent à des virgules d’exclamation. Par le sourire de sa course Tigana insinue des virgules de moquerie, des virgules de moquerie exclamative. 

 

 

 

Il a de l’intrigue, de l’intrigant dans la façon de jouer de Tigana. Tigana semble se disposer en filigrane du jeu comme un espion désinvolte, comme un traitre dilettante. 

 

 

La manière de grignoter le ballon de Tigana. Tigana touche le ballon comme s’il chipait des cacahuètes au passage. Ce qu’il préfère c’est prendre le ballon l’air de rien, comme si de rien n’était, ou plutôt comme si l’air de rien n’était. 

 

 

 

Le talent de Tigana est un talent de métisse, un talent de mélange et d’alliance, une façon de tricoter à chaque instant une subtile mayonnaise de rythmes. Tigana semble en effet courir à chaque instant enveloppé d’une sauce de danse, d’un damier de danse, d‘une sauce de salsa. 

 

 

Il y a aussi de la coquetterie dans le jeu de Tigana, une coquetterie tyrannique, une affectation d’intransigeance. Tigana a de soudaines affectations d’intransigeance, des caprices de dictateur, des caprices de dictateur de l’instant, des caprices de dictateur instantané. 

 

 

 

Tigana égratigne l’espace. Tigana égratigne l’espace afin de rattraper le ballon, afin de rattraper ensuite le ballon.  

 

 

Tigana joue au football à la fois comme une tigresse et un lionceau. Tigana joue au football comme un tigron, un tigron de l’aléa, un tigron de l’aléa des âges. 

 

 

Le jeu de Tigana est composé de virgules et de points-virgules et de guillemets aussi, des guillemets de virgules et de parenthèses encore parfois, des parenthèses de points-virgules. Ce jeu de virgules entre guillemets et de points-virgules entre parenthèses c’est son style à la Robert Pinget. 

 

 

Tigana cite l’espace. Tigana cite l’espace avec des guillemets de courses, avec des guillemets de sourires, avec des guillemets de courses-sourires. Et par ses guillemets de courses-sourires Tigana semble évoluer parmi les coursives et les coulisses de l’espace. 

 

 

Tigana égratigne l’espace à coups de virgules, à coups de points-virgules. Tigana égratigne l’espace à coups de tirets, à coups de tirets-virgules, à coups de tirets entre guillemets, à coups de virgules entre guillemets, à coups de virgules-tirets entre guillemets. 

 

 

 

Tigana joue au football comme une gazelle chirurgicale. Tigana joue au football comme une gazelle de féerie, comme une gazelle de féerie chirurgicale, comme une gazelle de chirurgie féerique. 

 

 

Il a aussi de l’écureuil en Tigana. Tigana titille le ballon. Tigana titille le ballon à la manière d’un écureuil. Tigana titille le ballon comme un écureuil qui s’amuse avec une noix. Tigana titille le ballon comme un écureuil facétieux, comme un écureuil espiègle. 

 

 

Tigana joue au football comme un tigre-écureuil, comme une gazelle-écureuil, comme un tigre-gazelle-écureuil. 

 

 

 

La grande audace du jeu de Tigana c’est l’accélération au ralenti, l’accélération sur coussins, l’accélération tranquille, l’accélération sur coussins tranquilles. A cet instant Tigana semble  déposer paisiblement ses adversaires comme des fleurs de chaque côté de son chemin. Tigana accélère au ralenti et ses adversaires semblent alors lui tisser une haie d’honneur. 

 

 

Cette accélération au ralenti de Tigana ressemble ainsi à un étrange coup de scalpel, quelque chose comme un scalpel orné de fleurs, un coup de scalpel orné de pétales de fleurs, un coup de scalpel orné d’une profusion de pétales de fleurs, un coup de scalpel orné d’un épanchement de pétales de fleurs, d’un adorable épanchement de pétales de fleurs. 

 

 

Il y a enfin du tison dans la course de Tigana. Il y a du tison dans l’accélération de Tigana, dans l’accélération de lenteur de Tigana. Le jeu de Tigana tinte comme un tison. Le jeu de Tigana tinte comme un grelot-tison. Le jeu de Tigana tinte comme un tison de féerie, comme un grelot-tison de féerie. Et parfois aussi quand Tigana simplement se replace et attend, il semble alors infuser du feu, il semble confectionner de la tisane de tisons, il semble infuser en secret une tisane de tisons, il semble ourdir en secret une tisane de tisons, il semble fumer en secret une tisane de tisons.