Bonjour Eric,
J’ai commencé à lire le Désordre Azerty.
Merci pour ta réponse au problème du prénom et du nom dans le chapitre efficacement intitulé Chevillard.
Les chapitres Journal et Quinquagénaire ressemblent parfois à des extraits d’Autoportrait d’Edouard Levé. As-tu lu ce livre élégant ? Les dernières phrases du livre sont plutôt belles. « Je me demande où partent les rêves dont je ne me souviens pas. Je ne sais pas quoi faire de mes mains lorsqu’elles n’ont rien à faire. Bien que ce ne soit jamais pour moi, je me retourne lorsque quelqu’un siffle dans la rue. Les animaux dangereux ne m’effraient pas. J’ai vu la foudre. Je regrette qu’il n’y ait pas de toboggans pour adultes. J’ai lu plus de tomes I que de tomes II. La date de naissance qu’indique ma carte d’identité est fausse. Je ne sais pas sur qui j’ai de l’influence. Je parle à mes objets lorsqu’ils sont tristes. Je ne sais pas pourquoi j’écris. Je préfère la ruine au monument. Je suis calme dans les retrouvailles. Je n’ai rien contre le réveillon. Quinze ans est le milieu de ma vie, quelle que soit la date de ma mort. Je crois qu’il y a une vie après la vie, mais pas une mort après la mort. Je ne demande pas si on m’aime. Je ne pourrai dire qu’une seule fois sans mentir : « Je meurs. » Le plus beau jour de ma vie est peut-être passé. »
« Qu’une chose en suive une autre ne signifie rien. » remarque Mac Luhan. Malgré tout la suite des phrases comme des choses révèle une forme insensée, la forme aussi hasardeuse que nécessaire de la contigüité du monde. La suite des phrases comme des choses révèle la contiguïté de la discontinuité même du monde, la contiguïté absolue du monde à lui-même, la contiguïté absolue du monde à destination de lui-même, contiguïté du monde qui semble défier la continuité même des événements, contiguïté discontinue qui serait une manière pour le monde de s’amuser (de jongler) avec la continuité supposée de l’espace et du temps.
J’ai aussi pensé à toi l’autre jour (étrange expression), en découvrant sur internet un documentaire consacré à Georges Perros (Un Siècle d’Ecrivains). Drôle de préposé quand même à la générosité isolée, à la bonhommie éperdue. Sa lucidité émouvante, sa bienveillance un peu maudite, son attitude incomparable d’inspiré bénévole. Et la prodigieuse honnêteté de sa voix.
A Bientôt Boris
Bonjour,
C'est amusant, j'ai consacré récemment une chronique à cet "Autoportrait" de Levé, que POL vient de rééditer en poche. Je le connaissais pas en écrivant mon texte et j'ai aussi été frappé (presque gêné) par la similitude du procédé, même si dans mon cas il ne s'agit que de faits, de souvenirs. Je joins la chronique (article de journal, je précise).
Le documentaire sur Perros doit être celui de Garcin pour "Un siècle d'écrivains" (…), avec à la fin le lied de Schubert chanté au piano par Perros, incroyable.
Je t’envoie le livre la semaine prochaine.
A toi,
Eric