Salut Ivar,

 

(…)

 

« On est à chaque fois surpris, devant les photos de barricades parisiennes de 1848 ou de 1871, par l’invraisemblable capharnaüm qui les constitue : entre les matelas pour amortir le choc des boulets de canon, les tables de nuit jetées en vrac, avec leurs pots de chambre renversés comme des lunes baudelairiennes, les tables de jeu empilées comme des châteaux de cartes, elles semblent sortir tout droit du monde des rêves : les cadavres exquis des surréalistes et leurs associations libres ont acquis là par avance leur valeur révolutionnaire. »  Aurélien Bellanger, Le Vingtième Siècle

 

Le Vingtième Siècle d’Aurélien Bellanger est un livre autour de la figure de Walter Benjamin.  Le style d’écriture de Bellanger est très loin de tes propres goûts, disons entre Musil, Kundera et Houellebecq. Il y a cependant peut-être des passages qui t’intéresseraient. Bellanger a surtout une imagination intense de l’architecture. Et puis étrangement, Tarkos y est évoqué de manière cryptée sous le nom de Patmos. Le livre est en effet une évocation ultra-oblique de la poésie contemporaine, selon une perspective un peu debordienne. C’est par cet aspect-là que le livre pourrait provoquer ton attention.

 

 

Je t’indique enfin des vidéos qui pourraient t’intéresser. Je note ci-joint les intitulés précis afin que tu parviennes à les trouver facilement sur internet.

 

Rencontre avec Tristan Tzara, figure d’importance du mouvement Dada (1962) 

 

Lautréamont, quand Julien Gracq parle de Ducasse (France Culture, 1968) (C’est un enregistrement audio avec image fixe, le portrait de Lautréamont par Vallotton.)  

 

 

 

 

 

                                                                                                             A Bientôt               Boris

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cher Boris, je te remercie pour ce courriel très incitatif.

  "Bellanger a surtout une imagination intense de l'architecture". Voilà le genre de notation qui peut me donner vraiment envie de lire quelqu'un ; "l'évocation ultra-oblique de la poésie contemporaine" aussi, mais dans une mesure moindre .

   "Quand Julien Gracq parle de Ducasse (France-Culture, 1968)". Je vais essayer de trouver cela... et le temps nécessaire pour l'écoute.

   (…)

 

   Bien amicalement,

Ivar

 

 

 

 

 

 

 

Salut Ivar,

 

 

Je t’envoie quelques phrases d’Aurélien Bellanger à propos de l’architecture. Ce sont des extraits de deux livres, La France et Le Vingtième Siècle.

 

 

 

« La tour Eiffel, mince comme une allumette brûlée. »

 

« Le plus long hlm de France : les 415 mètres de long du château de Versailles. »

 

« On visitera, un jour, les parkings de nos villes, non pour leurs collections de voitures, mais pour eux-mêmes, pour leurs grandes qualités structurales, pour leur mystère religieux. »

 

« Ces fonderies de silicium gigantesques, moins d’une douzaine par continent, étaient en fait semblables à ces monastères médiévaux héroïques où tout le savoir du monde était recopié à la main. »

 

 

« L’architecture comme vêtement démodé - la ville rêvée des architectes comme une immense, une déprimante friperie. »

 

« Je n’avais jamais aussi clairement saisi la nature mélancolique de l’architecture : ces bâtiments ne sont que les empreintes de pas d’une créature innommée, invisible, gigantesque  - peut-être l’allégorie de l’histoire elle-même. »

 

« Et c’est là en dernier lieu, je crois, que s’ancre mon désir d’architecture. (…) Ce que je recherche, c’est la figure entière, le visage du temps - et il ne s’agit en aucun cas d’une métaphore, mais d’une allégorie. On sait qu’à la fin, il ne reste que des ruines, et c’est cela que j’ai envie de construire. Non pas pour elles-mêmes, mais parce qu’elles sont les empreintes en négatif d’une créature immense qui nous poursuit, de l’autre côté, depuis la nuit des temps : une créature pour laquelle les concepts de vie et de mort seraient inversés. »

 

 

 

 

 

                                                                                                             A Bientôt               Boris