Citations Diverses
Salut Ivar,
Je t’envoie quelques citations diverses, parfois accompagnées d’un commentaire. Tu y trouveras qui sait du blé à coudre ou de la farine à apostropher.
« De tout temps, les mots ont éveillé en moi un profond écho, surtout les mots usés, mais chargés quand même de signification. Parfois, n’importe quoi, l’expression la plus éculée, s’élève au rang de révélation. » Cioran, Cahiers
N’importe quelle expression stéréotypée peut provoquer une forme de révélation et même une forme d’extase parce à l’intérieur de chaque expression stéréotypée repose une masse de parole gigantesque, une masse de besoin de parole gigantesque, une masse de besoin et de pulsion de parole qui dépasse prodigieusement les aptitudes intellectuelles de chaque homme, de chaque homme singulier, de chaque subjectivité individuelle. N’importe quelle expression stéréotypée a un impact extatique, un impact de révélation extatique parce qu’à l’intérieur de chaque mot, il y a, se tient, se trouve, à la fois repose et se propage, repose et explose, une masse d’événements de paroles inintelligibles, incompréhensibles, celle des innombrables fois où cette expression stéréotypée a été dite.
(Un des aspects ridicules des Français c’est leur présomption de penser qu’ils sont aptes à dominer cette masse prodigieuse de besoin en ébullition de la parole, de pulsion en ébullition de la parole qui se trouve à l’intérieur de chaque mot.)
« Seasons return, but not to me return (Milton), non seulement est un écho qui dans sa forme a toute la sonorité d’une rime, mais se trouve contenir dans son intention toute la philosophie de la rime. « Chesterton, Le Paradoxe Ambulant
La rime révèle les saisons du langage. La rime révèle les saisons de la voix. La rime révèle qu’il y a à l’intérieur du langage un geste qui revient. A l’intérieur du langage, à l’intérieur de la voix du langage, à l’intérieur du langage de la voix, ça revient. Malgré tout cela ne revient pas à je. Cela ne me revient pas, cela ne m’est pas dû. A l’intérieur de la voix du langage, cela revient en dehors de je, Cela revient sans chercher à faire advenir je. À l’intérieur de la voix du langage, cela revient à tu, cela revient à destination de tu.
« L’inconscient parle, peut-être, mais pas à notre oreille. Et aucune œuvre n’est présente en lui : il n’est d’œuvre (rêve ou création) que par l’efficace d’un travail qui produit ce qui n’existait pas précédemment, ni dans l’inconscient ni ailleurs. « A. Comte-Sponville
« Heidegger. Il est remarquable que ce grand liseur de philosophie ne parle pour ainsi dire jamais des philosophes matérialistes (rien, ou presque rien, sur Démocrite, sur Epicure, sur Hobbes, sur Marx …) Remarquable mais pas surprenant. (…) On peut dire que le matérialisme en termes heideggériens, se définit par le refus de cela même que veut penser Heidegger, à savoir la différence ontologique, comme différence entre l’être et l’étant. Le matérialisme est une pensée, bien plutôt, de l’in-différence ontologique : l’être (de l’étant) n’est pas autre chose que l’étant (qu’il est). Même à le considérer comme verbe, l’être ne se distingue pas plus de l‘étant, pour un matérialiste, que la promenade (le se-promener) ne se distingue du promeneur (le se-promenant). Ce pourquoi les stoïciens, matérialistes en cela, disaient que la promenade est un corps : c’est qu’elle est le corps même se promenant. En clair, Heidegger, pour un matérialiste, ne parle finalement que d’un mot, quand il faudrait parler de la chose même : l’être, en tant qu’il est ce qu’il est, c’est à dire comme l’étant qu’il est. Les matérialistes appellent cela la matière ou l’être, qu’on ne saurait séparer qu’abusivement, disait Diderot, de cela (un étant) qu’il est. A quoi les heideggériens répondront que les matérialistes, se faisant, passent à côté de la question de l’être. C’est qu’en effet pour un matérialiste, l’être n’est pas une question (pas même une réponse : un silence). Les heideggériens en concluront que les matérialistes, évidemment, ratent le sens de l’être. C’est qu’en effet, pour un matérialiste, l’être n’a pas de sens, et n’en est pas un. Être sans secret et sans appel, sans question ni réponse : l’être même. Désespoir : il n’y a que des étants. » A. Comte-Sponville
(…)
A Bientôt Boris