Salut Ivar,

 

 

 

Je t’envoie Dernières Remarques à propos de Rimbaud.

 

 

 

 

                                                                                                       A Bientôt                     Boris

 

 

 

 

 

  

 

 

Dernières Remarques à propos de Rimbaud 

 

 

 

 

Rimbaud n’écrit pas avec sa chair. Rimbaud écrit avec son système nerveux. Rimbaud multiplie ainsi des ellipses neuronales. Rimbaud provoque des hallucinations de la raison par ellipses neuronales. 

 

 

L’écriture de Rimbaud n’est jamais sensorielle. L’écriture de Rimbaud est suscitée à travers des affects de la pensée. Les illuminations de Rimbaud se développent en tant que zapping de perceptions et de pensées.  

 

 

Le poème de Rimbaud ressemble à un zapping de poudre. Le poème de Rimbaud ressemble au zapping de poudre de la lumière.  

 

 

 

La poésie de Rimbaud n’est pas une poésie de la vision. La poésie de Rimbaud est une poésie de la vitesse. 

 

 

L’invention poétique essentielle de Rimbaud est celle l’ellipse, de la vitesse de l’ellipse, de l’ellipse de la vitesse. 

 

 

Rimbaud pense par ellipses machinales, par ellipses automatiques. Rimbaud pense par connexions d’exil, par connexions neuronales d’exil. 

 

 

Rimbaud pense par ellipses d’hallucinations, par ellipses de poudre éblouie, par ellipses de poudre hallucinogène.  

 

 

 

Rimbaud écrit par ellipses de la lettre, par ellipses à la lettre, par ellipses de la lettre à la lettre. 

 

 

Rimbaud pense par ellipses minérales. Rimbaud pense par ellipses minérales du souffle. Rimbaud pense par ellipses littérales, par ellipses littérales du souffle. Rimbaud pense par ellipses minérales de la lettre. Rimbaud pense par ellipses minérales de la lettre du souffle. 

 

 

Rimbaud pense par ellipses minérales des nerfs. Rimbaud pense par ellipses minérales des nerfs du souffle. 

 

 

 

Ce que suscite la volte révolutionnaire de Rimbaud c’est une sorte de vitesse terre à terre. Rimbaud n’est ni terrestre, ni céleste. Rimbaud écrit plutôt comme il vole terre à terre. Rimbaud écrit comme il vole à la lettre, comme il vole à la lettre terre à terre, comme il vole de la lettre à la lettre terre à terre. Rimbaud écrit comme il vole selon la lettre, comme il vole selon le souffle de la lettre. Rimbaud écrit comme il vole selon le souffle de la lettre terre à terre. 

 

 

Rimbaud anéantit l’âme à travers la lettre. Rimbaud anéantit l’âme à travers la lettre du sens. 

 

 

Rimbaud, c’est la vitesse de la lettre, c’est la vitesse muette de la lettre, la vitesse de mutisme de la lettre. Et cette vitesse de la lettre, cette vitesse de la lettre dans tous les sens anéantit la pulsation de l’âme. Cette vitesse de la lettre dans tous les sens anéantit la pulsion de l’âme, la pulsion d’immobilité de l’âme. 

 

 

Rimbaud anéantit le monde à travers l’éternité. Rimbaud anéantit la présence du monde à travers la lumière de l’éternité. 

 

 

 

Rimbaud n’est pas un poète de l’imagination. Rimbaud est un poète de la raison, un poète de la raison hallucinatoire. Rimbaud n’imagine pas le monde. Rimbaud hallucine l’univers. Rimbaud hallucine l’univers à force de raisonnements, à force de dérèglements raisonnés. Rimbaud hallucine le néant de l’univers à force de dérèglements raisonnés. 

 

 

Rimbaud délire cependant il délire en dehors de l’imagination. Le délire de Rimbaud c’est de formuler les hallucinations de la raison. 

 

 

 

Rimbaud est un prophète bizarre. La bizarrerie de Rimbaud c’est d’être un prophète rationnel, un prophète littéral, un prophète rationnel et littéral sans aucune imagination. Rimbaud fait semblant d’imaginer. Rimbaud fait rationnellement semblant d’imaginer. 

 

 

Rimbaud est le prophète de visions qui restent non révélées, le prophète de visions qui sont dites sans cependant apparaitre révélées. 

 

 

 

Rimbaud revendique « le dérèglement raisonné de tous les sens. » La bizarrerie de Rimbaud c’est ainsi de dérégler la sensation à travers la raison. Pour Rimbaud, la raison n’est pas ce qui fixe ou équilibre le dérèglement, la raison est le dérèglement même. La poésie de Rimbaud accomplit alors le dérèglement de la sensation à travers l’intelligence rationnelle. 

 

 

Ce que Rimbaud propose ce n’est pas une forme de l’imagination, c’est l’informe de la raison, l’informe de la raison autrement dit l’information. C’est pourquoi il y a un aspect journalistique dans l’écriture de Rimbaud, une sorte de reportage prophétique et de journalisme hallucinogène. 

 

 

 

La poésie de Rimbaud n’est ni objective, ni subjective. La poésie de Rimbaud est littérale. Le je est un autre de Rimbaud est ainsi une hallucination de la lettre. C’est pourquoi pour Rimbaud, je n’est pas un autre homme, je n’est pas un autre je, je n’est pas une autre conscience, je n’est pas même un autre inconscient. Pour Rimbaud je est une autre lettre. 

 

 

La bizarrerie de Rimbaud est d’être le prophète de la lettre même, le prophète du sens même, le prophète de la lettre du sens. La bizarrerie de Rimbaud est d’être le prophète de la lettre dans tous les sens en tant qu’éternité du néant. 

 

 

 

Rimbaud est finalement un poète du 18eme siècle. Rimbaud hallucine un salon philosophique au fond du désert. 

 

 

Rimbaud c’est Voltaire sous hallucinogène. Rimbaud c’est Voltaire drogué par le désert. Rimbaud c’est Voltaire drogué par le nihilisme du désert, par le nihilisme hallucinatoire du désert. 

 

 

Rimbaud c’est Sade incarcéré dans le désert. Rimbaud c’est Sade incarcéré parmi les hallucinations du désert, parmi les hallucinations rationnelles du désert. 

 

 

 

La poésie de Rimbaud ressemble à un désert de lettres, à un désert de lettres hallucinatoires, à un désert de lettres hallucinogènes. 

 

 

L’illumination de Rimbaud est le mirage rationnel de décalquer le désert. L’illumination de Rimbaud, c’est le mirage rationnel de décalquer le désert avec une sueur de lettres, avec une sueur de lettres dans tous les sens, avec une sécrétion de lettres, avec une sécrétion de lettres dans tous les sens. 

 

 

 

Rimbaud littéralise la sécheresse du cœur. Rimbaud littéralise dans tous les sens la sécheresse du cœur. Rimbaud littéralise dans tous les sens la sécheresse du cœur afin d’atteindre la vitesse infinie de la pensée. 

 

 

Rimbaud a la tentation de transmuter la sécheresse même des sentiments en sensations, en sensations dérèglées et cette transmutation cependant échoue. La sécheresse des sentiments se change alors en sueur d’ennui. Il y a une sueur d’ennui effroyable, une sueur d’ennui effarante dans une Saison en Enfer. 

 

 

Rimbaud sue le désert à la lettre. Rimbaud sue le désert du sens à la lettre. Rimbaud sue le désert du sens à la vitesse de la lettre. Rimbaud sue le désert du sens à la vitesse de lettre du mutisme. Rimbaud sue le désert du sens à la vitesse de lettre muette de la lumière. 

 

 

Rimbaud écrit avec un cœur de pierre. Rimbaud écrit avec le cœur de pierre du néant. Rimbaud écrit avec le cœur de pierre de l’éternité, le cœur de pierre de l’éternité du néant. 

 

 

La vie de Rimbaud révèle que la croyance en une liberté infinie a un aspect suicidaire, que cette liberté infinie est finalement celle de la mort. Celui qui pense avoir le pouvoir d’accomplir une liberté infinie n’a plus dès lors rien d’autre à faire que survivre qu’en tant que néant. Celui qui pense être le maitre de sa propre liberté infinie se condamne alors à survivre en tant que fainéant fanatique, en tant que fainéant fanatique de l’ennui. 

 

 

 

Rimbaud écrit comme l’automate du désert, comme l’automate rationnel du désert. Rimbaud écrit comme l’ange du désert. Rimbaud écrit comme l’ange automate du désert, l’ange rationnel du désert, l’ange automate rationnel du désert. 

 

 

Rimbaud écrit comme un ange déserteur. Rimbaud écrit comme l’ange du néant, l’ange déserteur du néant. Rimbaud écrit comme l’ange nihiliste du désert. Rimbaud écrit comme l’ange rationnel nihiliste du désert, l’ange automate rationnel nihiliste du désert. 

 

 

Il y a aussi un atomisme de Rimbaud. Rimbaud écrit comme un atome automate, l’atome automate de l’éternité du néant. Rimbaud écrit comme un ange automate, l’ange automate de l’éternité du néant. Rimbaud écrit comme un ange atome automate, l’ange atome automate de l’éternité du néant. 

 

 

 

« Hanté d’éternité, Rimbaud cherche l’éternité. Et il la trouve : elle est épouvantable. Rimbaud embrasse cette éternité néant. Il la connait. Il l’explore. Il en flaire l’odeur dans tout. Elle le dégoûte de tout. »  André Suarès. 

 

 

Rimbaud écrit comme l’ange du dégoût. Rimbaud écrit comme l’ange littéral du dégoût, l’ange littéral et dans tous les sens du dégoût. 

 

 

Rimbaud est le traitre éternel. Rimbaud est le déserteur de la beauté. Rimbaud a déserté la beauté de son âme. Rimbaud a déserté l’âme de la beauté. 

 

 

Rimbaud est le contrebandier de Dieu. Rimbaud est le contrebandier du néant de Dieu, le contrebandier du néant éternel de Dieu. Rimbaud est le marchand du néant de Dieu, le marchand du néant éternel de Dieu. 

 

 

 

Rimbaud c’est Adam paranoïaque, Adam paranoïaque et rhétoricien. Rimbaud c’est Adam qui cherche malheureusement le lieu et la formule à Aden. 

 

 

La poésie de Rimbaud c’est la rhétorique nihiliste d’Adam. Rimbaud écrit comme un mélange d’Adam et de Satan, un mélange d’Adam et de Satan qui survit à travers l’Eden anéanti d’Aden. 

 

 

Le désir de Rimbaud est de transmuter la poussière du paradis en poudre de l’enfer. La folie de Rimbaud est d’avoir rationalisé la poussière du paradis pour la transmuter alors en poudre de l’enfer, en poudre hallucinatoire de l’enfer. (En cela Rimbaud et Burroughs se ressemblent.) 

 

 

 

Il y a selon Char une « électricité du voyage ». Rimbaud révèle à chaque mot cette électricité du voyage. L’écriture de Rimbaud semble droguée d’électricité. L’écriture de Rimbaud semble à chaque seconde droguée à travers l’électricité de la raison. 

 

 

Le poème de Rimbaud fonctionne comme une machine. Le poème de Rimbaud fonctionne comme une télévision, un accélérateur de particules ou encore un moteur à explosion. 

 

 

Le poème de Rimbaud a l’aspect d’une promenade télévisuelle. La pseudo-liberté de Rimbaud est celle d’une sorte de zapping spirituel, le zapping spirituel du désert, le zapping spirituel de la poudre du désert, le zapping spirituel du désert de la lumière. 

 

 

 

La poésie de Rimbaud est une sorte d’impressionnisme rationnel. Dans la poésie de Rimbaud chaque phrase survient comme un point, une ponctuation, un pixel, le pixel de l’exil, le pixel d’exil du désert, le pixel d’exil de la lumière, le pixel d’exil du désert de la lumière. 

 

 

Rimbaud écrit à la façon d’un impressionniste photographe, un impressionniste photographe du néant. Rimbaud écrit comme s’il photographiait l’éternité du néant, comme s’il photographiait l’éternité du néant de façon impressionniste. 

 

 

 

Pour Rimbaud, le monde n’a pas été créé, le monde a été lu. Pour Rimbaud le monde est une légende et même une légende instantanée, une sorte de photographie légendaire, une sorte de photographie paradoxalement légendaire, une sorte de photographie étrange qui se confondrait avec le texte qui se trouve littéralement et dans tous les sens non pas au-dessous de l’image, mais plutôt au sans dessous-dessus de l’image. 

 

 

L’illumination de Rimbaud c’est le monde photographié par la lettre. L’illumination de Rimbaud c’est le monde photographié par les ellipses de la lettre, par les ellipses de souffle de la lettre. 

 

 

 

« Un coup de doigt sur le tambour et se déclenche la nouvelle harmonie. »

 

La poésie de Rimbaud est harmonique sans jamais être mélodique. Dans la poésie de Rimbaud chaque phrase ressemble à un orchestre sans instruments ou plutôt chaque phrase ressemble à un orchestre d’instruments anéantis. Dans la poésie de Rimbaud chaque phrase ressemble à un orchestre d’instruments muets, un orchestre d’instruments condamnés à mort, un orchestre d’instruments condamnés au mutisme de la mort.

  

 

Dans la poésie de Rimbaud chaque lettre semble formulée par un orchestre. Dans la poésie de Rimbaud chaque lettre semble formulée par un orchestre d’instruments de musique suppliciés, un orchestre d’instruments de musique suppliciés à travers la surdité et le mutisme de la mort. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

Cher Boris,

 

                     Emmanuel Caroux m'a envoyé hier Avec l'enfant, (…).

 

   Je ne t'ai répondu ni sur Breton, ni sur Rimbaud. Je n'en ai pas eu le temps, ni à vrai dire la force. Oui, depuis quelques mois, j'ai beau disposer, plusieurs fois par an, d'un peu de temps devant moi (c'est le cas actuellement), la force me manque presque absolument pour mettre ce temps à profit. Ceci encore : j'ai de plus en plus de mal à lire, problèmes oculaires qui sans doute pourraient être résolus, si Amiens n'était pas ville pionnière pour la mise en place de la pénurie médicale.

 

   Il y a beaucoup de choses justes dans ce que tu as écrit sur Breton et (davantage) sur Rimbaud. Mais on dirait que tu ne sens pas du tout leur grande humanité. Et en définitive tu es très injuste avec eux. De Breton, c'est peut-être Les Vases communicants, qu'il faut lire, pour trouver cette humanité (qu'il ne laisse pas voir facilement, c'est vrai). De Rimbaud, La Vierge folle et l'époux infernal, et aussi le livre d'Ernest Delahaye (éd. Cerf), qui est un témoignage remarquable.

 

   Bien fraternellement à toi,

 

Ivar