Cher Boris,
merci de tes derniers envois, que je n'ai pu encore que diagonaliser, accablé de travail et de tracas (et je relis Mallarmé !).
Un peu surpris de te voir citer ç'con-d'ponte-vil (comme on l'appelle)...
Tu seras surpris pour ta part de me voir faire la couverture du Matricule des Anges, le principal magazine d'actualités littéraires avec Lire. Le numéro sort vers le 10 mai. Gros dossier (tiré de quatre heures d'entretiens enregistrés). Pour les photos, impossible d'y couper -- mais j'ai fait valoir que j'étais un écrivain caché et le photographe a promis de me fondre dans le décor (j'aurais dû acheter un treillis militaire, quand j'y ai pensé il était trop tard).
Un Français sur 10.000 achète le Matricule, il devrait donc, en toute logique, y avoir 15 exemplaires dans les points de vente d'Angers (maisons de la presse).
A bientôt, je retourne aux Divagations de Stéphane !
Ivar
Mallarmé selon Cioran
Salut Ivar,
Je t’envoie quelques extraits des Cahiers de Cioran à propos de Mallarmé.
« J’ai lu quelque part ce mot très juste sur Mallarmé : « Il avait la passion de l’exquis ». »
« Faire croire aux autres qu’on est un inaccompli, qu’on s’était attelé à un grand livre, alors qu’on a fait déjà une œuvre et qu’on y a exprimé tout ce qu’on avait à dire ; - telle fut l’habileté, mi-inconsciente, mi-préméditée, de Mallarmé. Créer la légende d’une stérilité par excès d’exigence envers soi, quel calcul mêlé à une si noble vérité ! Dans le cas de Mallarmé, la postérité a adopté scrupuleusement le portrait qu’il a tracé de lui-même. Elle n’a pas douté un instant des impossibilités disproportionnées qu’il a dit avoir rencontrées ou conçues ; aussi bien font-elles parties du personnage : elles l’agrandissent sans qu’on sache que c’est lui l’auteur de sa démesure. »
(…)
A Bientôt Boris
Salut Ivar,
Je viens de lire le dossier à ton propos dans Le Matricule des Anges. Il me semble que c’est un hommage plutôt acceptable. Le titre par exemple Ivar Ch’Vavar, Chamane Camarade c’est bien. J’aime bien aussi la photo où tu marches un peu bancal à l’intérieur de ton jardin, la main ouverte à l’intérieur du dos, main curieusement ouverte comme la corolle d’au-revoir d’une vertèbre en surcroit.
Évidemment il y avait déjà beaucoup de choses que je savais déjà. Il y en a malgré tout quelques-unes que je ne savais pas. Par exemple ce que tu indiques à propos de ta Grand-Mère Toupie. Cette grand-mère ressemble beaucoup à la figure de l’oncle tournoyant du P’tit Quinquin de Dumont. As-tu évoqué cette grand-mère à l’intérieur de tes livres ? Je n’ai pas le souvenir d’avoir lu ces passages. J’aimerais savoir où ils se trouvent précisément.
L‘article indique aussi ton éblouissement devant un parterre de fleurs comme première expérience de l’Etre ou de l’Apparêtre. Et ce parterre de fleurs c’était aussi celui que ton père travaillait à disposer avec précision. Ce que révèle l’Apparêtre ce serait ainsi le parterre de fleurs d’abord travaillé par le père. Je m’aperçois alors que nous n’avons jamais parlé des fleurs. Pour le dire franchement, je ne parle presque jamais des fleurs. Malgré tout, pourquoi ne pas essayer maintenant.
A Bientôt Boris
Juste deux mots (journée chargée demain et les jours qui suivent).
J'ai dû évoquer grand-mère Toupie dans Berck (un poème), la grande scène dialoguée vers la fin, et beaucoup plus récemment dans mon dictionnaire du picard de Berck (ms chez l'éditeur).
A bientôt,
Ivar
(…)
J'oubliais : dans mes entretiens avec Dominique Aussenac je n'ai pas parlé d'un parterre de fleurs mais d'une grande pâture en fleurs à Wailly-Beaucamp, village de mon enfance.
R'à bientôt.