Salut Ivar,

 

 

J’ai lu un peu La Légende des Siècles de Hugo, La Vision d’où est sorti ce Livre et des extraits de L’Epopée du Ver. Il y a parfois, trop rarement cependant, des passages qui me plaisent, par exemple l’image du mur qui vibre comme un arbre à la première page du livre « J’eus un rêve, le mur des siècles m’apparut. /(…) Et ce mur frissonnait comme un arbre au zéphyre. »

 

Ce qui est bizarre chez Hugo, c’est qu’il a un sentiment extrêmement profond du péché originel et qu’il n’est pas malgré tout chrétien. Hugo choisit alors de résoudre la question du mal à sa façon, en développant une sorte d’hérésie lyrique. (Et ce qui pour Hugo résout la question du mal, c’est d’accomplir la rédemption de Satan. Philippe Muray dans son livre Le 19 ème Siècle à travers les Ages (livre qui je pense t’agacerait énormément) indique que ce désir d’accomplir la rédemption de Satan est une des obsessions fondamentales de l’occultisme.)

 

Autrement, Hugo reste pour moi difficile à lire. Le vrombissement d’ombre de sa voix souvent me fatigue. Il y a un aspect presque Johnny Halliday chez Hugo, une façon de faire sans cesse ronfler le moteur de la voix, ou pour le dire moins polémiquement, l’orchestre de sa voix. La bouche d’ombre de Hugo ressemble en effet à un orchestre. Je trouve cependant que dans cet orchestre, les timbres et surtout la rythmique des timbres n’apparaissent pas avec assez d’intensité. Si je devais ainsi comparer Hugo à un musicien, ce serait à Gustav Mahler. C’est à la fois ample et profond, cependant cette ampleur et cette profondeur restent dépourvues de rythme et de sensualité, à l’inverse par exemple de la musique de Ravel et surtout de Stravinski.

 

 

Je n’ai donc toujours pas trouvé la porte d’entrée de l’œuvre d’Hugo. Je t’envoie malgré tout aussi quelques citations à son propos.

 

« Je ne sais pas si Victor Hugo est un penseur, mais il me laisse une telle impression que, après avoir lu une page de lui, je pense éperdument, le cerveau grand ouvert. »  J. Renard

 

« C’est peu de dire qu’il s’est pris au sérieux. Ce n’est pas lui, mais l’amour, la patrie, mais l’océan, qu’il souhaite versifier. Si les miracles étaient possibles, l’œuvre de Hugo aurait ruiné la nature. » G. Perros

 

« Chez Hugo, chez Mallarmé et quelque autres, parait une sorte de tendance à former des discours non humains, et en quelque manière, absolus, - discours qui suggèrent je ne sais quel être indépendant de toute personne, - une divinité du langage,- qu’illumine la Toute-Puissance de l’Ensemble des Mots. C’est la faculté de parler qui parle, et parlant, s’enivre ; et ivre, danse. »  P. Valéry

 

 

Post-scriptum.

 

Je lis Le Feu d’Henri Barbusse ces derniers temps. C’est un livre parfois extraordinaire. J’ai le sentiment que cela te plairait.

 

 

 

 

 

 

                                                                                                             A Bientôt               Boris