Extrait du site Le Saule 

 

 

 

Conversations avec Boris Wolowiec (5 Janvier 2018)

 

 

 

Boris Wolowiec est un poète grand comme un gardien de but. Son « Espace d’écriture bleu-nuit » est une des plus crépitantes pages de poésie sur l’internet. On peut y découvrir l’intégralité de son travail. On peut lire Wolowiec : En voiture on baisse les vitres et chaque nouvelle partie du cerveau s’engouffre comme un courant d’air maitrisé jusqu’aux trous de nez. On peut le lire aussi en mangeant des cornichons, les cornichons sont les doigts qu’on a perdus en donnant à boire aux bocaux.

 

 

 

Il y a une colonne « Conversations » avec Ivar Ch’vavar, Philippe Jaffeux, Eric Chevillard, Laurent Albarracin… Ces échanges c’est un peu la grande courroie de distribution du rami. On y apprend à enlever le mauvais œil de ses lunettes, éternuer des nez de clowns. Grande classe de neige des poètes où l’on cause aussi bien de Lionel Messi que de Jean Dubuffet : il y a vraiment de quoi s’agrandir le front avec de la fièvre. On a l’impression qu’une salière de neurones toute neuve vous tombe sur la tête. « Parler nuit » disait mon grand père, mais « trop parler bleu-nuit » , on a l’impression d’empocher des lampes, de se faire craquer le costume avec des faisceaux.

 

 

 

Le truc intéressant qui nous fait trembler les flageolets de la voix c’est que, depuis quelques jours ont été publiées de nouvelles correspondances avec Léonore Boulanger, Philippe Crab, Sing Sing (Arlt) et Jean-Daniel Botta. Ainsi le monde n’est plus coupé en deux, poètes et chanteurs conversent, la table de ping-pong qui est la table du bleu se referme, quelques balles restent coincées entre les deux hémisphères du cerveau, on a la pomme d’Adam déréglée par des excès de salive, l’hiver respire comme un bleu, et comme le dit si bien Boris Wolowiec « L’enfant cherche à savoir si le chien dort plus vite que le chat. »

 

 

 

 

 

 

 

 

Blanc de l’Œil du Carré Noir

 

 

 

 

 

Bonjour Jean-Daniel, 

 

 

 

Merci à toi pour le texte maintenant lisible sur le site Le Saule.

 

 

J’aime beaucoup surtout la première phrase. Boris Wolowiec est un poète grand comme un gardien de but. 

 

Je trouve cette phrase émouvante parce j’ai en effet de plus en plus le sentiment qu’un des enjeux de mon écriture sera de parvenir à relier l’espace des livres et l’espace du sport (en particulier celui du football évidemment). Comment transformer le ballon en livre et le livre en ballon, c’est à dire comment jongler avec des livres ou comment plonger afin de saisir des livres au vol et aussi à l’inverse comment feuilleter les ballons ou comment incruster des phrases sur la marge des ballons. 

 

 

la table de ping-pong qui est la table du bleu se referme, quelques balles restent coincées entre les deux hémisphères du cerveau 

 

Eh bien cette phrase elle aussi me plait. Il me semble que c’est une allusion à un extrait des Conversations avec Eric Chevillard. 

 

Je me souviens que je posais la table de ping-pong ainsi pliée auprès d’un seringua et que cela embaumait. Les grosses fleurs ultra blanches du seringua ressemblaient elles aussi à des balles de ping-pong, des balles de ping-pong tranquillement explosées à l’intérieur d’un buisson de fraicheur. 

 

 

Et l’évocation des cornichons, là encore c’est très bien. 

 

les cornichons sont les doigts qu’on a perdus en donnant à boire aux bocaux.

 

Tu te moques aussi très gentiment de mes habitudes rhétoriques épistolaires : Le truc intéressant.  Je viens de découvrir il y a quelques jours à propos d’une autre de mes habitudes, celle du qui sait, cette phrase de Flaubert à l’intérieur de la correspondance avec Louise Colet. « Qui sait ? (c’est là mon grand mot). » 

 

 

 

Quant à la photographie qui accompagne le texte, j’y ressemble à un animal nocturne surpris par une caméra à infra-rouge (à infra-rouge pourtant non-communiste étant donné que je m’y tiens aux pieds de Léon Blum.) Tu sais les léopards ou les blaireaux que les documentaires à tendance un peu scientifique montrent parfois. Oui, j’y apparais comme un léopard-blaireau, un léopard-blaireau qui à la manière d’un atlas approximatif essaie de porter sur les épaules de sa tête la silhouette à la fois élancée et bonhomme de Léon Blum. Ou encore j’y apparais comme un ours de Pologne, un ours de Pologne exilé un soir à Paris. 

 

Pour indication, c’est la première photographie où je figure sur internet. Jusqu’à présent en effet mes seules photos officielles étaient celles d’un carré noir. Eh bien il semblerait que Léonore soit parvenue la première à extraire une figure anthropomorphe de ce carré noir. La figure anthropomorphe ressemble ainsi au blanc de l’œil du carré noir, au blanc de l’œil incarné à l’intérieur du carré noir. 

 

Je me souviens aussi que quelques instants après cette photographie, je t’ai parlé en levant les mains à destination du ciel (comme un footballeur-chamane), de la lunule des ongles, c’est à dire de la poussée subtile de la lune sous les ongles, de la pulsion subreptice de la lune sous les ongles.

 

Je t’envoie à ce propos un extrait des Conversations avec Laurent Albarracin. 

 

Quand la lune montre le doigt, le sage regarde son ongle. Quand la lune montre le doigt, le sage contemple la poussée de son ongle. Quand la lune montre le doigt, le sage contemple la poussée invisible de son ongle.    

 

Et je t’envoie enfin un extrait de La Posture des Choses à propos de la lune. 

 

La lune somnambulise le ciel. La lune saoule la bouche du ciel. La lune saoule la bouche de somnambulisme du ciel. La lune saoule la bouche de blancheur du ciel, la bouche de blancheur somnambule du ciel. 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                       A Bientôt                     Boris

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bonsoir Boris, merci pour la très belle lettre.

 

 

 

Je me sens vaguement collégien de ne pas avoir demandé ta permission pour la photographie, le moment joyeux était le choix de l'ours. 

 

J'ai poussé au centre du travail de grandir dans les photos et les cartes postales, j'ai grandi entouré avec les touristes, les touristes se déplacent plus vite que le mauvais temps. Le sud est un abri pour choisir la bonne carte postale. J'ai grandi propulsé par des tourniquets de carte postale, les présentoirs de cartes postales sont les roues du bateau de Mississippi du paysage. Le soir les marchands de cartes postales couchent les présentoirs, et commence les grands labours de station balnéaire, les roues à aubes arrachent des petits bouts de paysage. Le sud s'est arraché par bouts, et ça remonte par la poste détraquer les pays où le climat commence dès le frigo. Le sud est un piège que l'on complète avec la sueur pour rester collé et on réside. Le sud est fait à la main remplie de plaisir à jouer avec la création.  

 

Diffuser l'animal bleu-nuit sur internet est une faute digne de chasseurs d'éléphants. Il y a dans le film "Chasseur blanc cœur noir" de Clint Eastwood, cette phrase, un acteur demande à John Huston pourquoi il s'entête à vouloir tuer un éléphant : " Parce que tuer un éléphant est le plus haut crime que puisse commettre l'homme."

 

 

 

Le sud est un rond-point le sud est un point haut placé qui tourne pour visser l'éclairage. Le sud c'est là, c'est vissé, ici s'est vissé dans le rond-point, on reste, le sud c'est le paradis qu'on quitte les pieds devant. Pour ceux qui aiment s'en aller c'est le départ, le départ c'est le bon sens mais au delà du sud le bronzage c'est peau de chagrin. J'ai quitté le sud où l'on cuit ses poux avec des insolations. Si on réfléchit comment quitter, il pleut.  Le sud colle aux pieds, on casse des fourmis avec. Sud n'est pas un mot discret, seul le soleil se cache derrière le mot sud comme un projecteur.  J'ai quitté le sud où l'on peut faire cuire un oiseau avec le gras des cheveux. J'ai quitté le sud par ce que je n'aime pas que le temps soit plus joyeux que moi.  

 

 

 

"Tu te moques aussi très gentiment de mes habitudes rhétoriques épistolaires : Le truc intéressant."    

 

La langue s'allonge quand on voyage dans un chien, si on est un chien on ne craint pas de monter en voiture, on sort la tête, la langue s'allonge encore, c'est la deuxième route qui sort de la bouche qui mène au brushing du chien. Je voyage dans un chien depuis que j'ai quitté le sud, le sud où se trouve l'annuaire des moqueurs, la langue de chien déroule parfois le tapis rouge pour les pensées. La langue est dehors, la tête avance dessus. Le chien sa langue farces et attrapes happe sans faire gaffe des "trucs intéressants" : le truc du chien qui dort plus vite qu'un dortoir de poète. La langue du chien ne sait pas moquer, elle boit.

 

 

 

Pendant le spectacle de la soif le chien applaudit l'eau dans sa bouche. 

 

 

Les phrases sont des langues de caméléon, elles vont buter sur un point d'espace brillant : un insecte. La langue du caméléon prolonge le champ visuel en poussant des insectes avec le mètre roulant de sa langue. Les centimètres poussent tout ce qui doit grandir. Les centimètres sont des insectes de poussée. La langue du caméléon mesure la distance entre le fou, le plafond et l'araignée, la langue caméléon lance en même temps le plafond l'araignée et le fou.

 

 

 

Écrire le petit texte au nom du Saule. J'ai longtemps cherché, tout en utilisant certaines phrases que je venais de trouver et d'autres qui rapetissent par radotage. 

 

Radoter c'est arriver à sculpter le sauvetage de la phrase jusqu'au radeau.  

 

Le plafond c'est une photo d'araignée.

 

Le plafond montre patte blanche devant le fou.

 

 

 

Il y a un côté inspecteur gadget chez le gardien de but, cette possibilité de lancer ses mains très loin. Le gardien de but essaie de faire voler sa main avec un ballon. Sa main est collée à l'envol. Le gardien de but lance le cinq semaines en ballon de l'air. Le gardien voit où le terrain lance ses brins d'herbes en avant. Le gardien connait les gestes d'agrandir le corps pour sauter dans les dimensions.   

 

 

Lancer la bouche, la baballe de la voix, parler en lançant sa bouche sur les paroles. Le langage est dehors avant nous, le langage fait une sortie volante, l'haleine sauvage il faut l'attraper avec l'instinct buccal, articuler l'haleine sauvage c'est du rodéo, la bouche s'ouvre et devient le parachute sonore des paroles.  

 

 

 

à propos de la bouche 

 

 

Ce qui est arrivé. Au commencement de la soif, y a pas la bouche, la soif nage sans museau. Pourtant la soif est acceptée par un plus grand nombre de personnes. Sous le nez, un peu au-dessus du menton, on voit comme la fin d'un yaourt, une membrane, ou un os de seiche, le plus souvent c'est décollé. Mais l'homme s'acharne avec l'instinct. Le bois en forme de Y vibre là où on suppose l'entrée de la boisson. D'autres lapaient par la nuque sans résultat. À force de se jeter des louches et des louches au visage pour inventer la bouche, sur l'os de seiche commence une coagulation. La bouche s'est faite à partir de plusieurs variétés de soda et le lait fraise. Un cri de joie a ouvert le lait fraise de la bouche. L'homme est devenu un contenu qui a une forte texture chaude avec lyrique qui est la seule faute de parler.

 

La bouche c'est de la boisson qui a coagulé et ça commence avec des mots de fraîcheur.

 

"Faute de parler" est un style lyrique. "Lyrique qui est la seule faute de parler" s'entend aussi comme le reproche qu'on fait aux traîne-bouche, aux Actarus. Le bavard est le scaphandrier de la salive, Actarus est le pilote de la bouche, le lyrisme c'est Goldorak, Actarus sauve la planète assit dans la bouche du lyrisme. 

 

La lyre est un petit squelette à l'intérieur du bonhomme de chaud, la lyre est un petit squelette-xylophone qui se déplace sur les os de do ré mi ...

 

 

 

Le toucan dit : "Notre bec c'est le chant qui a durci devant la bouche à force de draguer." "Les grands chanteurs ont de la corne devant la bouche".

 

 

 

Je ne connaissais pas le très beau passage sur la table de ping-pong avec le buisson de balles.

 

 

 

Sans paroles, il joue au ping-pong, plusieurs fois la balle se coince entre les hémisphères du cerveau, le ping-pong c'est la table du bleu, c'est de la mer pliable et coincée à plat pour jouer, on a attrapé le plouf de la déficience aquatique avec un filet, la table de ping-pong est un cétacé équipé d'un filet et qui tire des balles à blanc.

 

 

 

Cher Boris, je dois t'écrire ce qui dépasse de ma tête à propos de l'immense "Marges de belle oreille". 

 

Surtout j'aimerais qu'un jour une belle édition de "Avec l'enfant" voit le jour.

 

 

 

Le loup longe le silence de sa silhouette d’aluminium. 

 

Les loups sont les moufles du silence, le silence accepte captif un instant dans le loup.

 

 

L’enfant cherche à savoir si le chien dort plus vite que le chat. 

 

C'est MERVEILLEUX !  

 

 

Il faudrait un livre pour chaque "Admirations".  

 

 

Je t'envoie un petit texte à propos d'un livre nouveau que j'aime beaucoup :

 

 

 

La vache que c'est beau MANON, phrases courtes comme le poing d'un nez de clown, poings qui éternuent, éternuer des nez de clown, l'éternuement est le canon scié de la respiration, le nez s'arrête net et les murs s'en pissent dessus. Il y a un mitraillé de trous nez dans les mots : 

 

ChristOphe ManOn, vie et OpiniOns de gOttfried grÖll 

 

Les trous de nez servent à perforer le rhume. 

 

 

 

 

Aujourd'hui le soleil donne envie "d'éternuer des visages d'animaux". J'adore ça "éternuer des visages d'animaux". Pour le braquage d'une pharmacie il faut "éternuer des visages d'animaux". 

 

J'ai posé "Gestes" dans la librairie que tu connais, et je l'ai vu dans une autre très belle.  

 

 

 

 

À tout de suite

 

 

 

Jean-Daniel 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

Bonjour Jean-Daniel,

 

 

 

Le truc intéressant.

Scutenaire disait se méfier à la fois des hommes qui utilisent le mot truc (que Scutenaire jugeait vulgaires) et des hommes qui utilisent le mot âme (que Scutenaire jugeait idéalistes). Je me souviens que cette remarque m’avait agacé parce j’aime en effet autant utiliser le mot truc que le mot âme. Ce que je cherche c’est précisément le truc de l’âme. Je cherche le truc de l’âme malgré tout en dehors de la vulgarité et de l’idéalisme. Je cherche plutôt le truc de l’âme de manière à la fois obscène et absolue, je cherche le truc de l’âme par goût obscène de l’absolu. Le truc de l’âme, cela ressemble aussi à du Henry Miller je trouve.

 

 

La bouche s'est faite à partir de plusieurs variétés de soda et le lait fraise. Un cri de joie a ouvert le lait fraise de la bouche.

 

Cela ressemble cette fois à un extrait d’Histoire Naturelle de Benjamin Péret. 

 

 

« Arrosée la terre donne : 1. Le rouge à lèvres dont on extrait le baiser. On distingue deux sortes de rouges à lèvres : le rouge ondulé à longues vagues qui par distillation, donne le drapeau et le rouge léger dont la fleur produit le baiser. Ce baiser s’obtient d’ailleurs de deux manières différentes, soit par dessiccation de la fleur cueillie au moment de l’éclosion, soit par écrasement de la graine qui donne une essence très volatile et difficile à conserver. »  

 

 

La lyre est un petit squelette à l'intérieur du bonhomme de chaud, la lyre est un petit squelette-xylophone

 

La lyre sait comment laper le squelette avec les cils.

 

 

J’ai l’impression que tu devrais essayer d’évoquer de manière quasi exhaustive les instruments de musique, et en particulier surtout comment les instruments de musique à la fois provoquent et transforment les postures de la chair, comment les instruments de musique inventent ainsi des formes de corps fictifs, des formes de corps imaginaires, légendaires et féeriques. 

 

Le philosophe P. Szendy a parlé de ces mutations du corps provoquées par les instruments de musique dans son livre Membres Fantômes. Ceci par exemple à propos du piano. « Le problème du clavier est celui de la multiplication des doigts. (…) Il faut essayer de prendre Bach au mot quand il parle des doigts et de leur nombre proprement indéfini. Ce n’est pas chose facile, quand le bon sens voudrait que le claviériste soit déjà doté d’une main et d’un corps constitués avant de s’asseoir face à ses touches. » « Et c’est pourquoi il (Bach) a pu, le plus sérieusement du monde, se proposer de rechercher les « moyens principaux par lesquels nous obtenons confortablement pour ainsi dire autant de doigts que nous en avons besoin. » » Le piano apparait ainsi pour Bach comme une machine à inventer des doigts, comme une usine presque à produire d’innombrables doigts afin de prier Dieu, afin de composer une multitude de tacts de prière. Pour Bach le piano apparait comme une machine à multiplier les doigts afin de multiplier les manières de remercier Dieu. (« Le plus dur pour celui qui ne croit pas en Dieu : n’avoir personne à remercier. Plus encore que pour lui clamer sa détresse, on a besoin d’un Dieu pour lui rendre grâce. » Elias Canetti) 

 

J’ai écrit il y a une dizaine d’années environ quelques esquisses à propos des instruments de musique. En voici quelques exemples.  

 

Le piano attend là comme un banc de poissons. Le piano attend là comme le banc de poissons de l’hémiplégie. 

Le piano pose la mappemonde des dés. Le piano pose la mappemonde de dés de la pamoison. Le piano pose la mappemonde de dés de la paraplégie, la mappemonde de dés de la pamoison paraplégique. Le piano pose la mappemonde de dés de la somnolence. Le piano pose la mappemonde de dés de la pamoison somnolente, la mappemonde de dés de la somnolence paraplégique, la mappemonde de dés de la pamoison somnolente paraplégique.

 

La contrebasse tarabuste la poitrine. La contrebasse tarabuste les buissons de la poitrine. La contrebasse tarabuste l’ombre de la poitrine. La contrebasse tarabuste les buissons d’ombre de la poitrine. La contrebasse tarabuste les cendres de la poitrine. La contrebasse tarabuste les buissons de cendres de la poitrine. 

La contrebasse tarabuste le plexus solaire. La contrebasse tarabuste le plexus lunaire. La contrebasse tarabuste le plexus saturnien. 

 

La clarinette collectionne les papillons du nez. La clarinette épingle les ailes du nez comme des nœuds-papillons. 

La clarinette lutine les seringues du nez. La clarinette lutine les ailes du nez. La clarinette lutine les seringues d’ailes du nez, les ailes de seringue du nez. 

 

Le saxophone s’essouffle avec emphase. Le saxophone s’essouffle avec emphase et brutalité. Le saxophone s’essouffle avec une emphase onctueuse, avec une brutalité onctueuse. Le saxophone s’essouffle avec une emphase réverbérante, avec une emphase réverbérante et une brutalité onctueuse, avec une emphase onctueuse et une brutalité réverbérante. 

Le saxophone klaxonne l’or. Le saxophone klaxonne les songes de l’or. Le saxophone klaxonne le souffle de l’or. Le saxophone klaxonne les songes de souffle de l’or. 

Le saxophone klaxonne l’emphase de l’or. Le saxophone klaxonne les songes d’emphase de l’or, les souffles d’emphase de l’or. Le saxophone klaxonne les borborygmes de l’or, les borborygmes de songes de l’or, les borborygmes d’emphase de l’or, les borborygmes de songes emphatiques de l’or. 

Le saxophone sporadise le scaphandre. Le saxophone sporadise le scaphandre du souffle. Le saxophone sporadise le scaphandre de l’or, le scaphandre de souffle de l’or. Le saxophone spontanéise le scaphandre. Le saxophone spontanéise le scaphandre du souffle. Le saxophone spontanéise le scaphandre de l’or, le scaphandre de souffle de l’or. 

Le saxophone ornithorynque la foudre. Le saxophone ornithorynque les éternuements de la foudre. Le saxophone ornithorynque les éternuements d’ombre de la foudre. Le saxophone ornithorynque les éternuements d’obscurité de la foudre. Le saxophone ornithorynque les éternuements d’éther de la foudre, les éternuements d’éther obscur de la foudre. 

Le saxophone apparait comme l’instrument hermaphrodite par excellence. Le saxophone ressemble en effet à la fois à un phallus et à un vagin. Le saxophone ressemble à un phallus dont l’extrémité s’évase à la façon d’un vagin. Le saxophone s’essouffle somptueux comme un gigantesque phallus d’or doté d’une oreille vaginale extraordinaire. 

 

Je viens aussi de relire en zigzag les Greguerias de Ramon Gomez de la Serna. Il y a de nombreuses phrases à propos du chien et des instruments de musique. 

 

 

« L’aboiement est l’écho de lui-même. » 

 

 

« L’aboiement dure tant que le chien n’a pas changé d’idée. » 

 

 

« Seul l’homme possède l’idée de la mort ; mais l’aboiement du chien signifie qu’il l’a vue avant l’homme. » 

 

 

« La belle âme que celui qui se rend compte que le chien est assoiffé et lui donne à boire. » 

 

 

« La cornemuse est une espèce d’outre à vin musicale. » 

 

 

« Dans l’accordéon on presse des citrons musicaux. » 

 

 

« Les appareils photographiques voudraient être des accordéons et les accordéons des appareils photographiques. » 

 

 

 

« L’exploit auquel prétendent les fourmis, c’est introduire un piano à queue dans la fourmilière. » 

 

 

« C’est sur les pianos à queue que la harpe se couche pour dormir. » 

 

 

 « L’intérieur du piano à queue est comme un métier à tisser des mantilles. » 

 

 

 

« L’archet du violon est une aiguille qui coud les notes et les âmes, les âmes et les notes. » 

 

 

« J’aime regarde les grands orchestres de violons car l’inclinaison mobile des archets dessine une sorte de pluie musicale. » 

 

 

« Un musicien qui porte une contrebasse a l’air d’une fourmi qui transporte un brin d’herbe démesuré. » 

 

 

 

« La puce fait du chien un guitariste. » 

 

 

« La guitare est la maja nue et sonore. » 

 

 

« La guitare a un objectif, sa rosace, pour photographier ceux qui l’écoutent. » 

 

 

« Au fond de la guitare, il devrait y avoir des cigarettes, des pièces de monnaie et d’autres surprises encore. » 

 

 

 

La langue s'allonge quand on voyage dans un chien, si on est un chien on ne craint pas de monter en voiture, on sort la tête, la langue s'allonge encore, c'est la deuxième route qui sort de la bouche 

 

 

Pierre Jourde a écrit un livre qui s’appelle Dans mon Chien. Je ne l’ai jamais lu. Je ne suis jamais parvenu à le trouver en librairie. Je l’ai rêvé seulement. Le titre apparait en effet déjà extrêmement évocateur. Je l’ai rêvé comme les Essais de Montaigne ou comme Le Tour du Monde en 80 Jours de Jules Verne et aussi comme les Essais de Jules Verne et Le Tour du Monde en 80 Jours de Montaigne. 

 

 

La chute apparait toujours à l’intérieur de la couleur. La chute apparait à chaque fois à l’intérieur de la démesure de la couleur et la peinture essaie de ressaisir malgré tout au vol cette chute de la couleur. La peinture rattrape la chute de la couleur au vol afin de la faire rebondir sur le trampoline de la toile. Peindre c’est ainsi parfois utiliser la toile comme trampoline, comme trampoline de la titubation, comme trampoline de titubation de l’extase. Chez Karel Appel c’est flagrant, la manière qu’a son poing de rebondir sur la toile quand il peint, c’est très beau et même inoubliable. Karel Appel utilise la toile à la fois comme trampoline et comme ring de boxe. Karel Appel utilise la toile comme trampoline-ring. Sur la toile d’un tableau d’Appel, la peinture à la fois rebondit et reçoit une belle trempe. La toile apparait ainsi comme une tempe de radiation trempée par la violence même de ses rebonds. C’est la manière d’Appel de peindre a fresca c’est-à-dire à la fraîche. C’est la manière d’Appel d’inventer ainsi des déflagrations de fraicheur à l’extrémité de ses bras. 

 

 

Post-scriptum. 

 

Accepterais-tu de m’envoyer le truc musical que tu as élaboré en compagnie de Léonore autour de la Rhapsodie avec Gertrude Stein ? J’aimerais bien en effet écouter cela. 

 

A mon très grand étonnement, je viens aussi de retrouver à l’intérieur de Rhétorique Spéculative de Pascal Quignard cette phrase que j’avais intégralement oubliée. « Rares sont les espèces qui échappent à toute vie collective : le vison, le léopard, la martre, le blaireau, moi. » 

 

Et je voulais enfin t’indiquer qu’Avec l’Enfant paraitra en mai ou juin 2018 aux éditions Lurlure. 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                       A Bientôt                     Boris