Grand derviche-chien
Boris merci beaucoup pour toutes les merveilles que tu m’envoies. Ce sont des cadeaux que je vais chercher à travers les mains du figuier — la boite aux lettres est derrière des épaisseurs de feuilles.
Les grosses mains du figuier ne sont pas sans rappeler les gants du gardien de but, si bien que j’ai l’impression que livres viennent à moi par relais de figuiers et mimétisme de tes propres mains.
« La Pologne c’est mon oreiller »
Avant-hier j’étais chez Philippe qui a une belle maison par ici. On jouait avec Cléo à trouver les mots qui se terminent en « eille ». Elle voulait aussi qu’on fasse les définitions de ses mots, par exemple « oreille » je cherchais puis finalement je lui ai dit « L’oreille sert à écouter aux portes des oreillers » elle était vraiment très très heureuse de cette définition. Et enfin cette nuit en finissant « Tournures de l’Utopie » je suis tombé sur la Pologne comme oreiller, et c’est moi qui fut aussi heureux que Cléo.
Ah le spin de l’utopie commence-t-il dans le ventre ? Le cordon ombilical est la ceinture blanche du slow.
Je t’imagine comme la tourelle mentale des prairies, je te vois sur un podium d’anonymat, je te vois faire des pages comme des clairières d’orthogonalité, c’est-à-dire à la fois pleines et ouvertes, comme cette page où tu lances ou peut être fait monter le mot géographie, je pense que la migration de tes mots font une co-extension avec l’infini.
À Migennes ils ont construit un petit cinéma mais il y avait un trou dans la salle et les corbeaux sont entrés. Les corbeaux sont entrés dans le petit cinéma pour comprendre la seconde vue des gens. Les corbeaux sortaient d’une armoire de nuit pure. Les corbeaux buttaient sur l’abondance des images. L’abondance de destin faisait déteindre les corbeaux. Sur l’écran l’acteur a le front pur d’hectares.
Souder l’usage du ciel avec des torches de barbe à papa. Le ciel fait des copyright d’étourneaux du destin. Pour faire les coïncidences le vent fait plier les herbes comme des dominos. Dans un couloir on peut voir des graffitis de fin de pluie.
« Lorsque j’écoute un tube je me reconnais et je me remercie, je remercie ma banalité. »
Je trouve ça très beau, et aussi que les chansons relancent les âges, le hasard des âges, jetant les dés de chair vers la tendance Zéro.
Je crois que Deleuze en parlant des musiciens dit qu’ils travaillent sur un flux préexistant, un flux de toujours. J’ai l’impression que les aphorismes sont des tubes aussi, qu’il y a un flux FM d’aphorismes.
Les chansons mélangent l’âge des chiens et des gens. Le temps est un grand derviche-chien.
Aujourd’hui le vent fait battre un volet comme une incitation à tourner des pages.
à bientôt,
je t’envoie une chanson de notre prochain disque
jd
Coïncidence de l’Oreiller
Bonjour Jean-Daniel,
Oh c’est étonnant, prodigieux, quasi médiumnique, presque miraculeux. Quelques instants avant de lire ton mail, je venais précisément de t’écrire cela.
Je t’envoie d’abord cet extrait de Poésie Verticale de Roberto Juarroz qui m’a beaucoup fait penser à toi.
« Prendre sa main pour oreiller.
Le ciel le fait avec ses nuages,
la terre avec ses mottes
et l’arbre qui tombe
avec son propre feuillage
Ainsi seulement peut s’écouter
la chanson sans distance,
celle qui n’entre pas dans l’oreille
parce qu’elle est dans l’oreille.
La seule qui ne se répète pas.
Tout homme a besoin d’une chanson intraduisible. »
Le ciel fait des copyright d’étourneaux du destin.
J’étais avec Laurent Albarracin à la campagne l’autre soir. Pendant une promenade parmi des ruines du bord de Loire, nous avons vu soudain une gigantesque masse d’étourneaux s’envoler des arbres. Je me suis exclamé. « Ah la vache ! Une vache d’oiseaux ! » Un vol d’étourneaux survient comme une vache d’oiseaux.
« Les têtes des poètes faisant partie de la nature. » Jack Spicer
La tête apparait comme un extrait de la nature. La tête apparait comme un extrait d’exaltation de la nature, comme un extrait de monotonie de la nature, comme un extrait d’exaltation monotone de la nature.
Ce qui survient à chaque instant à l’intérieur de la tête comme autour de la tête apparait ainsi heureux de parler. Ce qui survient à chaque instant à l’intérieur de la tête comme autour de la tête apparait heureux de parler en dehors de tout, apparait heureux de parler comme ça en dehors de tout.
les aphorismes sont des tubes aussi, qu’il y a un flux FM d’aphorismes.
Oui, évidemment oui, c’est une formule magnifique.
Je t’envoie un texte à propos du Ballon.
Je t’envoie aussi Formes du Sommeil afin de prolonger ainsi une conversation commencée parmi les bouteilles de vin d’un supermarché.
Et je t’envoie enfin un texte à propos de Chesterton. Le Paradis du Paradoxe. Tu y trouveras des trucs à propos du Christ.
Je t’embrasse. Amicalement.
A Bientôt Boris