Bonjour Jean-Daniel,
(…)
Laurent a déjà lu des extraits de nos Conversations et il a trouvé cela plutôt étonnant, à savoir rafraîchissant surtout.
(…)
A Bientôt Boris
La Stéréo des Marges
Bonsoir Boris,
Je lis une nouvelle fois "Marges de Belle oreille et son chien" !
Pour toi les marges sont de belles oreilles de loup, de chien Lipp. Les oreilles sont dans la marge du son. Au commencement du chien le son sépare les oreilles pour faire place à l'arrivée de la tête. Les oreilles du chien c'est l'ouïe qui passe. Les oreilles dépassent de la vie puis retombent sur le solfège.
Lisant Lipp le Loup et le grand cordonnier, j'ai été ému comme à regarder un magasin d'ampoules. Pleurer c'est présenter la météo en ouvrant les yeux sous l'eau. Les têtes c'est la densité entre le déluge et nous. Le déluge fait le crâne plat. Les inondations arrivent lentement par derrière, les yeux filtrent la fin du monde, les yeux freinent la pluie. Pleurer c'est freiner la pluie.
Tu as rempli les marges de ma photo d'identité, rallongé ma carte d'identité, tu as fait du surf avec ma carte postale d'identité. Tu as balancé une centrale électrique sur les dix-sept mille erreurs de Casou, la centrale électrique permet d'être exposé à la lumière, la clarté maintient la distance entre les yeux. Tout ce que tu écris est sidérant de justesse, c'est comme si tu avais la photo de mon stylo avant même que je commence les gribouillages. Il est impossible de remercier assez haut quelqu'un qui vous offre une centrale électrique.
Dans ma première lettre je t'avais maladroitement nommé "poète non-terrien", en fait il s'agissait du métier "non-terrien" du gardien de but. Le gardien de but est un animal d'envol. Le gardien de but protège la grande épuisette de vide immédiat.
Ainsi par rapport aux impulsions métaphoriques qui jaillissent de toi à chaque instant les contraintes narratives que tu t’imposes ont souvent un aspect fastidieux.
(On entend pas les erreurs. Ce qui manque à une page n'est pas sonore, alors qu'une feuille de chanson c'est déjà un texte oreille. Je devrais écrire sur des raquettes de ping-pong, où même écrire sur un partenaire.)
Le fusil à impulsions métaphoriques, c'était pour chasser le papier. Désintégrer le support de la narration, faire reculer les histoires, désintégrer le patati du papier. Mais la narration pour un garçon heureux et faiblard comme moi c'est aussi du papier : une surface de platitude. La narration est un socle de reptation pour la platitude. Chasser le papier, considérer la narration comme deuxième couche de platitude, repousser le papier avec le chasse neige de son front, pousser plier la platitude jusqu'au bec de narration.
J'ai lutté comme un playmobil contre la crispation. Napoléon était le plus crispé des playmobil, déroulant une invasion de mal chaussés et de pieds-plats dans la Russie où il est dit que l'infini a été créé pour voir à travers l'arrivée. En Russie on dit que les pieds plats sont des cales qu'on glisse sous le paysage : le lieu est sur le sol. Da. La Russie est un pays narratif, on mesure le pays avec des histoires, si elles atteignent la fin sans bords c'est gagné ; tandis qu'au Japon le haïku est une embarcation aussi grande que le pays. L'île est délimitée par les noyades, le Japon est embarqué dans le pays. Pour les japonais la narration c'est l'océan qui couvre le plateau de fruits de mer, c'est trop grand. Écrire sans l'aide du papier, comme il est écrit sans l'aide d'un scénario au début de "L'homme à la caméra" de Dziga Vertov.
Le bien être serait d'écrire comme on chante en yaourt, on comprend vite quand on chante en yaourt. L’aplomb du phrasé, un enfant tient d'aplomb avec du phrasé, la bouche est une suite de désagrégations du sens comme nutriment, la bouche fait son trou dans le phrasé du yaourt.
J’ai manqué la connivence avec l'aménagement des sols de narration. Savitzkaya je le lis pour comprendre les pollutions de salives agricoles du poète dans le roman. Florian sait faire détaler l'agriculture comme Savitzkaya. Il sait faire détaler l'agriculture avec le "tracteur sexuel" de Ch'vavar, l'agriculture comme eczéma de platitude. Le Ch'vavavrskaya fait des phrases qui repoussent au loin l'adhérence du maïs. Pendant ce temps je me ridiculise en fertilisant avec des passements de jambes. Il y a une auto surveillance des jambes alors que courir n'est rien d'autre que laisser passer la maladresse de la terre. La bouche transporte les dents à couper les phrases, les dents tremblent comme du riz de mariage au moment de couper les phrases.
Je suis tombé sur un passage dans "Premiers pas sur la terre radieuse" de Bernard Collin qui, avec ma compréhension en rase motte me semblait très proche du système de front comme poussée du papier et des récoltes.
" Pour la virginité du monde il y a un principe de repousse, une permanence de repousse, coexistant avec le principe de la chute, …"
J'ai lu ça de manière horizontale et non verticale comme il devrait. J'entendais par principe de repousse, une force qui se déplacerait à ras de terre comme l'horizon, l'horizon repousse faune et flore pour faire place nette.
Ton écriture donne ainsi à sentir l’abondance ambiguë de l’asphyxie. Disons que ton homme-grenouille déguste l’oxygène à la manière d’un asthmatique.
Mon homme grenouille n'est pas profond il se contente de farcir la plomberie, d'encombrer la douche avec des bulles, il laisse pousser les tuyaux jusqu'aux réflexes respiratoires, change la puissance d'un jet d'eau avec une crevette. (la vie n'est qu'une suite de petits réflexes respiratoires autour de la grande apnée). La grande apnée des morts je voulais l'emprunter pour traverser l'asthme (l'âme de l'asphyxie ?). L'apnée est le camouflage de la respiration. L'apnée permet de ne pas se faire remarquer des travaux de respiration. L'asphyxie pousse la farine, l'asphyxie commence sa recherche de fruits confits, l'asphyxie a une diction d'hostie. L'apnée dit : " Je mets un imperméable sur la salive tout en veillant à ce que la langue respire comme le veut la baleine."
J’étais par exemple comme l'éléphant qui se croit plus grand que la soif, l'éléphant se prend pour les cabinets de l'eau, l'éléphant tue la soif en tournant son fusil.
Il m'aurait fallu un jour de plus pour trouver une phrase déjà écrite qui était géniale depuis 1977 :
" Vous parlerez pendant quarante jours avec votre bouche inondée du ramollissement de la terre, …"
Bernard Collin.
Lisant ton Dubuffet Je découvre à l'instant cette phrase qui me renverse comme mon premier vélo !
Dubuffet goudronne avec de la choucroute, avec de la choucroute de j’y suis j’y reste.
Désintégrer le papier ou bien goudronner avec la choucroute de j'y suis j'y reste. Goudronner toute la continuité visuelle de la narration avec du j'y suis j'y reste. La choucroute est partout : entre la main et le bras, à la naissance du cou, dans le genou, l'homme est un couteau suisse relié à la choucroute.
Tu m'avais prévenu dès le départ, sois byzantin, propage toi. Peut-être sera-t-il possible de ramener "Belle oreille" à sa morphologie d'arlequin, celle de l'Arlequin de Perpignan. Du byzantin mobile comme le Rugby, comme l'arlequin Perpignanais. Au départ chaque joueur prenait soin de son maillot, si un morceau était arraché on le remplaçait avec un bout de tissu, ainsi le maillot au fil des matchs devenait insaisissable par miroitements, les arlequins de Perpignan sont rapiécés aux miroitements, les arlequins sont constitués de losanges, de triangles qui sont des trappes pour les mains saisissantes, et même sous le maillot, la peau trompeuse des arlequins est faite de parts de pizza tranchantes comme le vitrail.
Histoire du cou : Au départ c'est seulement les pensées sexuelles qui relient la tête et le corps, ensuite des fluides s'ajoutent au flux très dense des pensées, puis un torticolis et des tagliatelles, peu à peu ça devient beige, une connexion beige : c'est le cou. Le sang d'autruche soigne le torticolis mais chaque homme a des trucs différents dans son cou. Parfois la jonction est le résultat d'un empilement de choucroute.
Dans le cou de Mike Tyson il y a trente pigeons étranglés, le cou de Tyson bouge comme trente cous de pigeons pour déglutir les mains d'un grand salaud qui bousille tes pigeons (…)
Pour Tyson il y a sacs de frappe et sachets de présences, sac de frappe digère mal mais sachet de présence contient un collègue. Pour Tyson un collègue est une matière où faire éclater ses pensées. Les bras de Tyson sont des pythons qu'il plonge directement dans la digestion des adversaires. Les boxeurs sont des meubles de digestions. Pythons et boxeurs mesurent leurs gorges avec du bétail. Tyson tape dans la compréhension de Tillman, Tyson enterre un autobus dans la compréhension de Tillman. Tyson pète la direction du cou de Marvis Frazier, Tyson balance un bifteck dans Carl Williams et Bruno. Tyson construit des viandes chancelantes à coup de bifteck. Tyson construit des échafaudages de viandes, des échafaudages de chutes de viandes.
Ah les passages avec ton grand-père ! ! ! Tu sais marcher sur les mains dans les réussites du cordonnier, le cordonnier accorde, il cherche la bonne tonalité des escarpins pour le bal des pompiers. Le cordonnier connait l'agitation de tous les escaliers et le bouillant dans les jambes. Le cordonnier plaque de larges danses au fond des souliers. Pose des empreintes de cuir aux extrémités de la danse. Les pas de cordonnier mènent aux chaussures.
Tu développes alors des sortes de structures d’affectations, des sortes d’affectations féeriques pour tenter de contourner habilement des mots d’ordre, des mots d’ordre idéaux.
L'idéal serait de contourner les mots d'ordre en entrant directement dans l'emplacement de la matière. Contourner dedans la matière, tournures de moelle. Structures d'affectations sont des châteaux de sable autour du sac de frappe. Traverser les châteaux de sables, les châteaux de sables produisent des densités de mal de dos. Je crois que celui qui a mal au dos a une lueur d'avance sur les autres, tous mes amis bossus naissent et renaissent avant moi. Construire des échafaudages féériques à côté de la matière de contournement. Contourner le ventre avec des tartelettes. Construire un porte tartine en dorure. Et finalement contourner le petit déjeuner en passant à travers plusieurs estomacs. L'estomac est l'animal qui contourne la faim, pour le consommateur d'apnée l'estomac est un dauphin, et le dauphin contourne l'océan.
Ton livre ressemble alors à une caverne d’Ali Baba dans un placard, la caverne d’Ali Baba de l’enfant boudeur et même la caverne d’Ali Baba de l’enfant battu.
L'émotion désaltère et toi tu devines des choses lointaines, dans les 7 ans je faisais ça :
(…) se cacher derrière quelques gifles pour l'amour de sa peau, se gifler rajoute des joues, je me fais un placard à gifles entre moi et un recoin, ranger sa tête dans un placard de gifles, ça fait les cinq joues du ballon. Taper dans le ballon prisonnier de sa tête, le faire monter bien au dessus du col roulé. Mettre un tas de gifles entre le ballon prisonnier de sa tête et le trait de sa taille.
La bouche apparait ainsi comme la balle de caoutchouc par laquelle tu parviens à bondir d’une forme de l’imagination à une autre.
Encore une fois une histoire vraie
À la cantine le désir de quelque chose de délicieux est tellement. À la cantine j'ai des dents durables pour attendre un moment délicieux dans le menu. On mange des blessures de cuisinier. On mange des tomates, la tomate peu à peu c'est rond comme le sang de cuisinier. La tomate est un bobo rond comme une balle, un gros bobo rempli de glaire, de gravier et de lait caillé. La tomate c'est la balle qui contient tous les ratés de l'organisme humain. Une balle cassée dans les genoux. La tomate c'est des fœtus de genoux qui sortent à l'échauffement, par flexion de sport. Si on ouvre, ça ressemble aux dégâts de parole dans la bouche.
Pioc ne peut jamais en manger, pour lui la tomate est le terminus de la bouche. Alors la surveillante de manger va insérer une tomate si la bouche est une réponse inexistante. À la fin Pioc pose comme une tomate, Pioc est connu comme une sauce tomate parce qu'il a bloqué les vitamines, jusqu'au soir et que demain sa bouche pourra encore bloquer une récolte si on l'y oblige. C’était le jour où j'étais revenu en transportant une tomate dans le trou de narration. Se rappeler c'est reculer comme un magnétoscope jusqu'à sa grand-mère.
Le cœur du vieillard bat comme une cataracte. Le cœur du vieillard bat comme une cataracte de taille-crayon.
Bontel devient aigu comme un mort, Bontel se vieillit les gestes pointus, une radio des poumons lui plonge dans le torse. Vieillir c'est (…) bouger dans un jeune avec des failles. Bontel se transforme avec de la fièvre qui avance frontale.
(…) Le cœur est un vieux Pac-man. Vieillir c'est pour faire un labyrinthe à l'intérieur, la chaleur cherche la sortie et ça fait un deux trois soleil. Les médicaments sont en sécurité à l'intérieur des vieux, avec le labyrinthe. Vieillir c'est d'utilité pour fatiguer les douleurs qui vont vite dans le corps. Un vieux est un morceau de labyrinthe qui s'est détaché pour trouver la sortie (…) Un morceau de labyrinthe suit un vieux de près et rapporte le cœur pac-man. Parfois le vieux lance son pac-man dans une douleur et la rapporte au médecin.
J’ai le sentiment qu’il serait préférable que tu improvises beaucoup plus des trucs qui ressembleraient à des essais poétiques ...
Bien accompagné j'ai un circuit de paroles entre les invités, le coq à l'âne c'est la botte de sept lieux. L'improvisation c'est trouver de nouveaux visages pour manger les frites chaudes, le coq à l'âne est une vitesse dans la botte. L'improvisation c'est des nouvelles lézardes auxquelles s'accrocher au saut du lit.
Montrer le sentiment, le rythme du sentiment sera sans doute pour toi plus difficile,
Est-ce que le passé sert à enlever les plis de ses vêtements ? Je pensais avoir trouvé un rythme qui permettrait de s’approcher comme un passe-muraille, sans rien dissiper d'une histoire vraie. Mais c'est difficile, et ça rate, il y a des fossiles de passements de jambes dans la muraille.
Voici un morceau de bravoure mièvre.
Faudra pas s'étonner d'avoir l'air pensif comme maman. L'air pensif peut voir à travers le battement dur et blanc de l'œil entier. L'air pensif c'est la vue complète. L'air pensif peut compléter l'œil de l'autre côté du nord de la pièce. L'air pensif perce le bal masqué qui est le confort des choses visibles. L'air pensif attrape le mois par les billets de rémunération. L'air pensif verse la paye d'un électricien dans le maillot de bain, ça fait un mouvement brusque et mes jambes laissent passer les oiseaux à travers.
L'air pensif ouvre la porte et dit : «Va faire un tour». C'est dehors avec les jambes ornithologiques. J'ai le roman de la banque qui fait une crèche à mon petit jésus. À poil c'est la nudité, la nudité c’est un effort pour tenir debout, la nudité dépasse du corps, la nudité dépasse de l'hostilité de tenir debout. J'ai été rassemblé en quarts et en fragments par les voisins, j'ai pas eu le temps de prendre ma panoplie de Zorro, l'air pensif avait déjà refermé la porte. J’ai un petit creux, l'air pensif n'a jamais su casser un œuf sur son cœur comme une maman.
Dans la cour le rythme cardiaque est réparti dans plusieurs ballons. L'été c'est la cuisson qui avale le goudron en granulé. L'été est rempli d'évènements et de sons heureux. La beauté se répète dans le visage d'une fille, sa voix chantée comme on réchauffe un insecte, j'avance avec un corps bricolé au pactole. Mon cœur fait un très bon son qui décore comme une percussion. Déjà Il y a un camion de pompier qui arrive pour l'air pensif, l'électricien a vomi un truc cliquetant comme un plat mexicain. L'été on coupe les racines dessous les bras mais ça laisse une odeur de «partout ». L'été sent très bon mais on se promène jamais plus loin que ses bras. Moi aussi je voudrais exhiber une chanson chaleureuse dans ce quartier du monde.
L'air avait un sens acoustique clair, à la radio il y a le meilleur de la mélodie, la radio est une excellente source sonore ; un homme dit que le prix si cher de la lobotomisation par le foot c'est honte, c'est honte de payer à jouer du foot si cher, même brésilien. Un autre répond que les brésiliens décapitent la lobotomisation avec des jambes de foot.
Banquier c'est la profession de chiffrer la samba du réel. Capitalisme est une machine de rêves où le café est directement versé dans la tasse lorsqu'il est mis en pièces. Moi j’ai bien assez dans mon slip pour la samba du réel, je suis capitaliste, je suis chippendale, le capitalisme est un chippendale. Le K ne pourra jamais chiffrer un grand spectacle moderne et brillant comme celui de l'air pensif.
Le garçon brésilien avance en dévissant la souris verte de l'herbe. Le monsieur dit que le capitalisme est l'inversion de la chasse au trésor.
La chair de l'air pensif fait une grande réverbération entre les pompiers et les gens traditionnels. Une fois je m'étais roulé par terre dans le supermarché, l'air pensif avait volé un camion de pompier pour moi. Un camion de pompier est un jouet qui tourne mal, qui s'agrandit, qui pique sa crise, que nous craignons de jour en jour, qui me kidnappe l'air pensif qui n'a jamais eu peur de voler des jouets pour moi, l'air pensif qui est une grande réverbération, qui dit des trucs qui ne veulent rien dire avec passion, qui m'offre un chien, qui se lave par noyades, qui se sert de l’eau du bain pour couler ses bras, qui se mêle à la mer pour changer la recette de l’eau du bain qui se lave en vidant ses bras.
Et alors ça biscorne un peu la phrase qui devient soudain semblable à une partie de je ne sais quoi dont les joueurs et même le ballon sont désormais devenus d’innombrables nez, des nez qui prolifèrent de façon John Malkovitchienne.
Ah cette partie de je ne sais quoi : Faire proliférer la peau de John Malkovitch, la tautologie des sosies, la tautologie épidémique des sosies, la prolifération sature l'évènement d'identification en devenant une identité au centuple. Que toutes les phrases soient des sosies de John Malkovitch. Kafka et Bernhard y parviennent d'une certaine manière, même morphologie mentale, même ressassement graphique, même épuisement de la page. Les phrases ne rechignent pas, elle se ressemblent, et dans chacune d'elles il y a un contrat de contradiction. Chaque phrase est rédigée par des siamois qui acceptent d'être menottés à la ressemblance dans le seul but d'émettre un flux de contradiction qui serait lui même un pont de chair entre les doubles. Ressassement des cellules et difformité de la page reliant Kafka et Bernhard. Que les phrases se plagient entres elles, que les mots se plagient, qu'à l'intérieur d'une même phrase une assertion soit un plagiat de contradiction inversée.
Et puis le sens global du texte reste extrêmement sibyllin, aussi sibyllin qu’un imbroglio de spaghettis bolognaises. (Ta rhétorique de l’imbroglio c’est en effet celle des spaghettis.)
Les spaghettis sont les spaghettis bien rangés, le mot d'ordre des spaghettis est de se ranger par ordre de taille, l'eau attend des générations de spaghettis, les spaghettis se précipitent dans la souplesse des nœuds marin pour ficeler l'eau de casserole. Les spaghettis c'est l'imbroglio de bondage de l'eau.
A chaque phrase ou presque tu évoques une sorte de pantin spasmodique qui essaie de relier au petit bonheur la chance la bouche, les oreilles, le ventre et les pieds.
Oui c'est vrai, c'est incroyablement juste. Il y a cette phrase de Jacqmin que j'ai lu récemment : « la chair est un habit rapiécé aux framboises ».
Je trouve ça sublime et parfait. La main est une courte branche qui cherche des arpèges impossibles pour descendre du singe. Je préfèrerais toujours des bras qu'il faut aller chercher à la brasse que de considérer l'homme souverain de ses danses, et assuré d'être définitivement collé à son matériel comme si il était le visiteur habitué des esclaves réunis.
Eh bien si aucun homme ne parvient à tenir en place sur sa date de naissance, c’est simplement parce que sa date de naissance est à chaque fois redoublée à travers la naissance du Christ,
Le temps détale et vice versa. Bontel monte dans les minutes, descend l'arbre à Christ, (…) Le temps c'est du trombone à coulisse, ça dépend comme on respire.
À bientôt Boris,
Merci beaucoup Boris.
Connais-tu Foma Jaremtschuk ?
Né en Sibérie pour se détériorer comme un prisonnier dans cet environnement foutu qu'est le Goulag. Ensuite il a déménagé dans une schizophrénie, à l'hôpital il commence à dessiner des médecins difformes, les médecins sont des excroissances pour guérir.
Ps : Bernard Collin m'étonne sans cesse, je le trouve inclassable, tranquille, il est le sans hâte qui arrive aux phrases superbes, et il n'est jamais pénible de relire les passages préparatoires jusqu'aux phrases ascensionnelles. Ah Laurent Albarracin et toi vous pourriez écrire le grand texte manquant sur Collin. Et Ivar il pense quoi ? Je vais lui demander.
Je suis heureux que Laurent ait lu les conversations, il a posé cette question que j'adore : « Serpent, fourreau de quelle étrange épée ? »
L'épée de digestion ? Le serpent permet de mesurer la digestion, le serpent pourrait digérer une épée, toutes les contorsions d'une épée mangée. Le python fait avaler des couleuvres à la digestion. La langue de caméléon permet de mesurer pour voir quel meuble peut se glisser entre la mouche et la digestion…
Jean-Daniel
Bonjour Jean-Daniel,
Je répondrai à ta lettre je ne sais quand. J’ai en effet beaucoup de travail à parachever.
En attendant je t’envoie les Marges du Traité de la Poussière de François Jacqmin.
A Bientôt Boris
Imbroglio de l’Ebullition
Bonjour Jean-Daniel,
L'improvisation c'est des nouvelles lézardes auxquelles s'accrocher au saut du lit.
Oui en effet improviser c’est jouer au yoyo avec les lézardes de l’éveil, avec les lézardes du lit à l’instant de l’éveil. Improviser c’est jouer au yoyo avec les lézardes de girafes, les lézardes d’éléphant, les lézardes de mammouth même de l’instant de l’éveil.
A l’instant où nous nous levons, à l’instant où nous nous levons hors du lit, le lit se jette en même temps dans le vide à l’intérieur de notre dos, ou plutôt le sommeil du lit se jette à la fois à l’intérieur du vide et à l’intérieur de notre dos, à l’intérieur du vide de notre dos ou qui sait à l’intérieur du dos de notre vide. Celui qui improvise essaie ensuite de sauvegarder la mémoire de cet instant, la forme de cet instant du saut du lit. Chaque matin le lit saute à la fois comme une puce et comme une mine. Chaque matin le lit saute aussi sur notre mine défaite afin d’y arracher un dernier morceau de sommeil. Chaque matin nous sautons du lit comme hors de la mine du sommeil. Chaque matin nous nous levons hébétés comme le grizzly du grisou. Le saut du lit n’est pas le saut de l’ange, ah ça non c’est certain, c’est plutôt le saut par lequel nous marchons hagards sur l’humus des anges, le saut par lequel nous marchons stupéfaits sur des mélanges d’anges, le saut par lequel nous écrasons les anges n’importe comment, le saut par lequel nous vendangeons les anges avec les pieds, à coups de pieds, avec l’hésitation des pieds, avec les coups d’hésitation des pieds. Se réveiller quel bizarre combat. Se réveiller c’est boxer, c’est boxer l’hydre des rêves, c’est boxer l’hydre des visions globuleuses, l’hydre des hallucinations, l’hydre des hallucinations globuleuses. Se réveiller c’est boxer le poulpe des visions, le poulpe des visions pendues, le poulpe de l’omnipotence, le poulpe des visions pendues à leur omnipotence, le poulpe des visions pendues aux cils de leur puissance même. Se réveiller c’est boxer ce que Lautréamont appelait le poulpe au regard de soie, le poulpe de l’omnipotence au regard de soie. Cela pullule au saut du lit. Nous avons des licornes et des hippogriffes pleins les poches de notre pyjama, plein les poches sous les yeux, plein les poches du pyjama sous les yeux. Au saut du lit quel manège, quel manège de tapis volants. Il est alors préférable de faire extrêmement attention aux champignons du plancher et aux écailles de l’escalier, au shampoing de champignons du plancher et aux écailles de corail de l’escalier, aux écailles de cinéma de l’escalier, aux écailles d’anacoluthes de l’escalier, aux écailles d’anacoluthes cinématographiques de l’escalier.
Pendant que j’écris ces phrases, j’ai le sentiment très net que l’œuvre de Benjamin Péret revient me visiter, revient me visiter à sa manière à la fois débonnaire et narquoise. Le texte d’Histoires Naturelles en particulier qui m’enchante et m’amuse tant. En voici un extrait uniquement pour le plaisir. « L’air à son état normal, secrète constamment du poivre qui fait éternuer la terre. Au niveau du sol, le poivre se condense jusqu’à donner la bagatelle, l’été et le journal, l’hiver. Il suffit alors de placer ce dernier au frais pour qu’il se transforme en gare de chemin de fer ou en éponge selon son nombre de pages. A deux mille mètres dans l’atmosphère, le poivre se condense également et retombe sur la terre en poussière si impalpable que personne ne s’en aperçoit, mais un beau jour apparait le testament d’une inutilité si flagrante que les passants l’écrasent sans même y prendre garde. Plus haut, le poivre alimente les étoiles à qui il donne leur éclat. » Et après avoir recopié ce texte de Péret, je comprends soudain qu’il y a aussi un poivre de l’improvisation. Celui qui improvise jette du poivre par les fenêtres. Celui qui improvise jette du poivre de certitude. Celui qui improvise jette du poivre de certitude par les fenêtres du feu.
le cordonnier accorde
Le cordonnier accorde l’autorisation. Le cordonnier accorde l’autorisation de la marche. Le cordonnier accorde l’autorisation de la démarche. Le cordonnier accorde l’autorisation de la marche à la pendaison de la terre. Le cordonnier accorde l’autorisation de la marche à la pendaison radieuse de la terre. Le cordonnier accorde l’autorisation de tact de la marche à la pendaison radieuse de la terre. Le cordonnier accorde l’autorisation de chaos de la marche, l’autorisation de tact chaotique de la marche à la pendaison radieuse de la terre.
courir n'est rien d'autre que laisser passer la maladresse de la terre.
La course à la fois coagule et dissocie la maladresse de la terre. La course à la fois coagule et dissocie l’adresse et la maladresse de la terre. La course coagule l’adresse du ciel et dissocie la maladresse de la terre. La course coagule la maladresse du ciel et dissocie l’adresse de la terre. La course coagule l’adresse du ciel avec les cuisses et dissocie la maladresse de la terre avec les orteils ou à l’inverse coagule la maladresse du ciel avec les orteils et dissocie l’adresse de la terre avec les cuisses.
du métier "non-terrien" du gardien de but. Le gardien de but est un animal d'envol.
Le gardien de but apparait en effet comme un animal d’envol. Malgré tout la forme de son envol commence toujours par prendre appui sur la terre. Plonger c’est prendre appui et appel sur la terre afin ensuite de s’envoler. Plonger c’est affirmer l’impulsion des ailes à la plante des pieds, c’est affirmer l’impulsion des ailes de mercure à la plante de pieds. Plonger c’est épanouir violemment la plante des pieds. Plonger c’est épanouir la plante des pieds comme un arbre, comme un arbre d’obscurité, comme un arbre d’éblouissement, comme un arbre d’obscurité éblouie. Plonger c’est épanouir la plante de pieds comme un arbre de sommeil stellaire, comme un arbre de sommeil sidéral. Plonger c’est simplement improviser l’équilibre, improviser l‘équilibre entre terre et ciel. Plonger c’est parvenir à improviser l’arbre animal de l’équilibre, l’arbre animal de l’équilibre entre terre et ciel. Le gardien de but apparait ainsi à la fois terrestre et céleste. Le gardien de but essaie de trouver des formes de pactes, de pactes instantanés, de pactes vivaces de la terre avec le ciel. Le gardien de but apparait ainsi comme le funambule de l’herbe. Le gardien de but marche sur le vitrail de l’herbe. Le gardien de but marche sur le vitrail d’aveuglement de l’herbe. Le gardien plonge à l’intérieur du vitrail d’aveuglement de l’herbe.
Dans la cour le rythme cardiaque est réparti dans plusieurs ballons.
La cour d’école multiplie les cœurs à la fois comme des ballons et comme des pains. La cour d’école multiplie les pulsations du cœur comme des ballons de pain et des pains de ballons. La cour d’école multiplie les pulsations du cœur par la démence d’incruster des morceaux de pain à l’intérieur des ballons et des morceaux de ballons à l’intérieur du pain. La cour d’école multiplie les pulsations du cœur et même parfois aussi les cœurs d’une seule et unique pulsation. La cour d’école multiplie les cœurs de la seule et unique pulsation du désespoir, les cœurs de la seule et unique pulsation de l’ainsi, de la seule et unique pulsation de l’ainsi ça. La cour d’école nous apprend la pulsation de monotonie du désespoir, la pulsation de monotonie de l’ainsi ça.
un enfant tient d'aplomb avec du phrasé
Oui, en effet l’enfant tient debout par phrases. L’enfant tient debout par phrases de sensations. L’enfant tient debout par phrases de jeu. L’enfant tient en équilibre par phrase de sentiments, par phrases de sentiments comme phrases de jeu, par phrases de sentiments joués.
Les têtes c'est la densité entre le déluge et nous.
La tête apparait comme l’arche du déluge. Le crâne apparait comme l’arche du déluge. Le crâne apparait comme l’arche paradoxale qui essaie de sauver le déluge même. Le crâne apparait comme l’arche paradoxale qui essaie de sauvegarder la forme intacte du déluge, la forme impeccable du déluge. Le crâne apparait comme l’arche animale, l’arche animale paradoxale qui essaie de sauvegarder la forme impeccable de la catastrophe, l’arche animale paradoxale qui essaie de sauvegarder la posture impeccable de la catastrophe.
la nudité dépasse du corps,
La nudité se trouve à chaque instant en équilibre au sommet de la chair. La nudité se trouve à chaque instant en équilibre au sommet de la chair comme le totem du vide, comme le totem de silence du vide. La nudité se trouve à chaque instant en équilibre au sommet de la chair comme le totem de sang du vide, comme le totem de sang tacite du vide, comme le totem de sang taciturne du vide.
l'asthme (l'âme de l'asphyxie ?)
Oui c’est exactement ça. L’asthme donne à sentir l’âme de l’asphyxie. L’asthme c’est un problème immense, un problème à la fois sensoriel et rhétorique immense. En effet pourquoi y a-t-il autant d’auteurs asthmatiques (Proust, Gombrowicz, Lezama Lima) ? Ecrire apparait ainsi comme une manière de déchirer avec précision le souffle. Ecrire apparait ainsi comme une manière de taillader le souffle, une manière de taillader avec exactitude le souffle. Ecrire apparait ainsi comme une manière de multiplier à loisir, à loisir de la terreur les tailles du souffle. Ecrire c’est avoir alors quasiment les poumons sur le bout de la langue. Ecrire c’est jouer à transformer les alvéoles des poumons, les alvéoles d’abeilles saoules des poumons en papilles d’élégance de la langue, en papilles tactiles de la langue, en papilles d’élégance tactile de la langue, en papilles de distinction de la langue, en papilles de distinction tactile de la langue.
Pour l’asthmatique respirer c’est précisément intégrer à chaque instant le souffle comme une force étrangère, comme une force à la fois étrangère et inconnue. Pour l’asthmatique respirer c’est paradoxalement approcher la respiration, c’est approcher la respiration comme une planète lointaine, comme une planète lointaine qui se trouve pourtant à l’intérieur même de sa poitrine.
l'asphyxie commence sa recherche de fruits confits
L’asphyxie cherche les fruits de la poussière. L’asphyxie cherche les fruits confits de la poussière. L’asphyxie cherche et trouve la confiture de la poussière. L’asphyxie cherche et trouve la confiture de poussière de la parabole. L’asphyxie cherche et trouve la confiture de poussière de l’apocalypse.
J’étais par exemple comme l'éléphant qui se croit plus grand que la soif, l'éléphant se prend pour les cabinets de l'eau, l'éléphant tue la soif en tournant son fusil.
En effet c’est bien ça, l’éléphant serait en quelque sorte le plombier de sa soif, le plombier phlegmoneux de sa soif, le plombier à la fois impavide et énergumène de sa soif. L’éléphant dispose à l’évidence d’un tuyau de lavabo en prolongement de ses narines comme un fusil à l’envers de la soif, comme un fusil à l’envers de la soif entre les deux yeux. L’éléphant ressemble alors au suicidé de bluff de sa soif. L’éléphant retourne le fusil de la soif contre son propre front comme un suicidé et c’est pourtant ainsi qu’il parvient par miracle à s’aboucher à la fontaine de la poussière, à la fontaine pharamineuse de la poussière.
(la vie n'est qu'une suite de petits réflexes respiratoires autour de la grande apnée)
L’éléphant c’est aussi l’asthmatique gigantesque, c’est à dire le peloteur d’emphase de la grande apnée, le peloteur triomphal de la grande apnée, le peloteur d’emphase triomphale de la grande apnée, le peloteur d’hyperbole de la grande apnée, le peloteur d’hyperbole triomphale de la grande apnée.
les spaghettis se précipitent dans la souplesse des nœuds marin pour ficeler l'eau de casserole. Les spaghettis c'est l'imbroglio de bondage de l'eau.
Les spaghettis palpitent l’imbroglio de l’ébullition. Les spaghettis ficèlent les palpitations de l’eau. Les spaghettis ficèlent les palpitations cardiaques de l’eau, les palpitations cardiaques de la casserole, les palpitations cardiaques de l’eau de la casserole. Les spaghettis essaient de ficeler l’infarctus de la casserole, l’infarctus d’eau de la casserole, l’infarctus de sel de la casserole, l’infarctus d’eau salée de la casserole. Les spaghettis ficellent l’infarctus de l’ébullition. Les spaghettis ficèlent l’imbroglio d’infarctus de l’ébullition.
Du byzantin mobile comme le Rugby
Oui, il y a en effet un aspect byzantin du rugby. Le rugby expose une mosaïque de muscles, une mosaïque abrupte de muscles, une mosaïque à la fois abrupte et subreptice de muscles. Et le ballon de rugby c’est l’œuf même de l’iconoclasme, l’œuf de cuir de l’iconoclasme, l’œuf de cuir rigolo de l’iconoclasme.
Et il y a aussi un imbroglio du rugby, un imbroglio d’ébullition du rugby. Le rugby bourgeonne l’imbroglio des muscles, l’imbroglio d’ébullition des muscles. Le rugby bourgeonne la mosaïque des muscles, les borborygmes des muscles, la mosaïque de borborygmes des muscles. Le rugby bourgeonne l’imbroglio de borborygmes des muscles. Le rugby enrubanne les borborygmes. Le rugby enrubanne les borborygmes des muscles. Le rugby enrubanne la mosaïque de borborygmes des muscles, l’imbroglio de borborygmes des muscles. Le rugby rabote la mosaïque de borborygmes des muscles, l’imbroglio de borborygmes des muscles. Le rugby enrubanne des cosmonautes. Le rugby enrubanne des cosmonautes de camphre, des cosmonautes de boue, des cosmonautes de camphre et de boue. Le rugby bourgeonne des cosmonautes. Le rugby bourgeonne des cosmonautes de camphre et de boue. Le rugby bourgeonne un imbroglio de cosmonautes. Le rugby bourgeonne un imbroglio de cosmonautes de camphre et de boue.
Surviennent parfois encore des sortes de métamorphoses à la Lautréamont à l’intérieur d’un match de rugby. Le rugby sait par exemple comment le crabe se métamorphose soudain par enchantement en hirondelle, comment le crabe carambolant de la mêlée se métamorphose l’espace d’un instant en hirondelle de l’attaque sur l’aile, en hirondelle du cadrage-débordement, en hirondelle de l’attaque italique sur l’aile, de l’attaque italique sur l’aile par cadrage-débordement.
J’ai revu sur internet un boxeur surprenant à l’allure et même au style presque chaplinesque : Il s’appelle Prince Naseem Hamed, je ne sais si tu le connais déjà. C’était un boxeur anglais d’origine yéménite si je me souviens bien. Il s’amusait parfois à boxer sans les mains et à défier son adversaire en multipliant les esquives du torse avec une agilité invraisemblable de silhouette de dessin animé. Il avait alors l’aspect d’un serpent de chewing-gum, d’un cobra de chewing-gum, un cobra de chewing-gum sans les bras. Sa boxe était à la fois élégante et burlesque. Sa boxe était celle d’un clown dandy, un clown dandy pourtant souvent vêtu d’un horrible pagne de panthère. Quelques-unes de ses esquives de clavicules sont sidérantes comme des concertos pour clavecin de Scarlatti.
Les oreilles sont dans la marge du son.
tu as fait du surf avec ma carte postale d'identité.
Les oreilles ourlent les marges du son. Les oreilles ourlent les cartilages du son. Les oreilles ourlent les cartes postales du son. Les oreilles ourlent les cartes de géographie du son. Les oreilles ourlent les cartes postales de géographie du son, les cartes de géographie postale du son. Les oreilles ourlent les marges postales du son, les marges de géographie du son, les marges de géographie postale du son.
Les oreilles surfent sur le coquillage du son. Les oreilles surfent paralysées sur le coquillage du son. Les oreilles surfent comme les cercueils du son. Les oreilles surfent comme les boites à lettres du son. Les oreilles surfent comme les cercueils-boites à lettres du son. Les oreilles ourlent le cercueil postal du son. Les oreilles surfent comme les cercueils postaux du son. Les oreilles surfent paralysées comme les cercueils postaux du son.
Un vieux est un morceau de labyrinthe qui s'est détaché pour trouver la sortie (…)
qu'une feuille de chanson c'est déjà un texte oreille
« Le vieillard semble écouter de la musique en permanence. » Ramon Gomez de la Serna
Le vieillard trouve la sortie du labyrinthe à l’entrée de l’oreille. Le vieillard trouve la sortie du labyrinthe à l’entrée de l’oreille parce qu’il écoute de la musique à chaque instant ou plutôt parce qu’il donne l’impression d’écouter de la musique à chaque instant. Le vieillard trouve la sortie du labyrinthe à l’entrée de l’oreille parce qu’il imprime la musique qu’il écoute à la surface même de son oreille, parce qu’il imprime la musique qu’il écoute à la surface du cartilage de son oreille afin de chasser le papier de sa pensée, afin de chasser le papier en dehors de sa pensée, afin de chasser le papier en dehors de la pyramide pyromane de sa pensée, afin de chasser le papier en dehors de l’odeur de sa pensée, en dehors de la pyramide d’odeur de sa pensée, en dehors de la pyramide d’odeur pyromane de sa pensée.
Se rappeler c'est reculer comme un magnétoscope jusqu'à sa grand-mère.
Ma grand-mère maternelle s’appelait Suzanne Beauclair. J’ai toujours pensé que ce prénom et ce nom ressemblaient à ceux des vedettes de cinéma de l’après-guerre, ceux qui apparaissent par exemple dans les génériques des films de Carné, de Duvivier, de Grémillon, d’Ophuls ou de Clouzot. Pourtant ma grand-mère n’était pas vedette de cinéma, elle était simplement femme de ménage, femme de ménage dans un laboratoire médical. Son travail était essentiellement de laver les éprouvettes et les plaquettes de verre des expériences pharmaceutiques et de nourrir les cobayes et les lapins de ces mêmes expériences. Je me souviens que je restais parfois des fins d’après-midi en sa compagnie dans une sorte de cave carrelée de blanc dotée d’un ample soupirail en attendant la sortie du travail de ma mère. Nous préparions alors ensemble des goûters avec des tartines de pain et des tablettes de chocolat noir que nous dégustions ensuite allégrement non loin des flacons d’arsenic et des bacilles de la rage ou du choléra. Ma grand-mère préparait aussi parfois de l’eau pour le thé qu’elle faisait alors chauffer à proximité de grandes bassines d’acide chlorhydrique où trempaient les éprouvettes et les plaquettes. Et c’était ainsi comme si le thé nettoyait les bactéries à la surface du verre et à l’inverse comme si l’acide chlorhydrique infusait doucement dans l’atmosphère. Cette proximité insouciante du chocolat et des microbes c’est pour moi une des images les plus flagrantes de l’ambiance des années 1970. Quelque chose comme l’équivalent comestible de la musique des Rolling Stones ou même de celle de Jimi Hendrix. Je mangeais ainsi tranquillement mon goûter sur une table de superbes carrelages de faïence blancs en compagnie de ma grand-mère et de sa collègue qui s’appelait madame Charbonnier. Et je ne parvenais pas très bien à comprendre, même si nous étions en effet dans une cave, comment une dame dont le nom était Charbonnier pouvait bien se trouver là entourée de tant de carrelages blancs.
Il y avait aussi de nombreux cobayes plus ou moins intoxiqués enfermés ailleurs dans un sous-sol de béton sinistre. Ça allait du cobaye jovial au cobaye junkie, du cobaye bonhomme au cobaye opiomane, du cobaye apathique au cobaye mescalinien, du cobaye gentil comme Gérard Lenormand au cobaye hurlant comme Nina Hagen. Je me souviens des yeux incohérents de ces cobayes. Ce n’étaient plus des pupilles c’étaient des kaléidoscopes. Et dans les yeux de quelques-uns il y avait parfois les teintes multiples de l’arc-ciel. Je regardais les cobayes très vite derrière leurs grillages puis je sortais en hâte du sous-sol à la fois honteux et inquiet.
les yeux filtrent la fin du monde, les yeux freinent la pluie. Pleurer c'est freiner la pluie.
Pleurer c’est freiner la pluie. Pleurer c’est freiner la pluie avec ses paupières. Pleurer c’est freiner la pluie avec le parchemin de ses paupières, avec le parchemin de poivre et de sel de ses paupières. Pleurer c’est enfreindre la pluie. Pleurer c’est enfreindre les mots de désordre de la pluie. Pleurer c’est enfreindre les mots de désordre de la pluie avec l’hésitation de ses paupières, avec l’hésitation de poivre de ses paupières, avec l’hésitation de sel et de poivre de ses paupières. Pleurer c’est faire de la vinaigrette avec la pluie, c’est faire de la vinaigrette d’aigrettes avec la pluie, c’est faire de la vinaigrette de paon, de la vinaigrette d’yeux de paon, d’yeux plus ou moins de paon avec la pluie.
Le fusil à impulsions métaphoriques, c'était pour chasser le papier.
Le papier apparaitrait ainsi comme un animal ou plutôt comme l’aile d’un animal. Il y aurait le papier aile de mésange, le papier aile d’aigle, le papier aile de cygne, le papier aile de corbeau ou encore le papier aile de ptérodactyle.
La tomate c'est des fœtus de genoux qui sortent à l'échauffement, par flexion de sport.
Eh bien, c’est parfait, no comment. A quoi ressemble à ce propos la tomate du no comment ? Est-ce le nez du clown ou le cul du thaumaturge, est-ce le cul du clown ou le nez du thaumaturge ?
Je crois que celui qui a mal au dos a une lueur d'avance sur les autres, tous mes amis bossus naissent et renaissent avant moi.
Il y a de nombreux extraits intéressants à propos de la bosse dans Fragments de Lichtenberg de Pierre Senges. La bosse autrement dit la gibbosité. La bosse est en effet une gibecière, la bosse est en effet une sorte de sac d’os où le bossu entasse le butin de sa chasse, le butin tintinnabulant de sa chasse, le butin tonitruant de sa chasse.
Le Ch'vavavrskaya fait des phrases qui repoussent au loin l'adhérence du maïs.
A propos du maïs, je viens de lire ces phrases de David Foster Wallace dans son livre intitulé Un Truc soi-disant Super auquel on ne me reprendra pas. Avec ainsi le mot truc à l’intérieur du titre la tentation de lire le livre était trop grande. « En août, la brume aurorale met plusieurs heures à se consumer. L’air est comme de la laine mouillée. (…) Le soleil est une tache dans un ciel qui n’est pas tant nuageux qu’opaque. Le maïs commence juste après l’accotement et s’étend jusqu’à l’ourlet du ciel. Le maïs d’août est haut comme un homme haut. De nos jours dans l’Illinois, il vous arrive aux genoux dès le 4 mai, la faute à tous ces engrais et herbicides révolutionnaires. Dans tous les champs les sauterelles stridulent, leurs petites décharges métalliques se réverbérant étrangement dans l’habitacle lancé à pleine vitesse. Maïs, maïs, soja, maïs, bretelle de sortie, maïs, et tous les cinq ou six kilomètres un avant-poste, loin devant, en saillie : une maison, un arbre plus balançoire-pneu, une grange, une antenne parabolique. Les silos à grains tracent la seule vraie skyline. L’autoroute est terne et blême. Les voitures qu’il m’arrive de croiser ont toutes l’air de fantômes, les visages au volant stupéfaits de moiteur. Un brouillard s’attarde juste au-dessus des champs comme si c’était l’esprit de la terre ou quoi. (…) L’air se contracte, comme s’il se préparait à soutenir un long siège. (…) J’ai grandi dans la campagne de l’Illinois mais il y a un bail que je n’étais pas revenu et je ne peux pas dire que ça m’ait manqué - la chaleur écumeuse, la luxuriante désolation du maïs s’étendant à perte de vue, le plat. ». « Le maïs d’août est haut comme un homme haut. » J’ai l’impression que c’est une phrase que tu aurais eu l’aptitude d’écrire. Et il y a encore de nombreuses autres remarques de Foster Wallace parfois superbes. Ceci par exemple à propos de David Lynch. « Voilà qui pourrait bien être, en fait, l’unique et véritable objectif de Lynch : entrer dans notre tête, simplement. En tout cas, il a l’air plus intéressé par le fait d’entrer dans notre tête que par ce qu’il y fait une fois dedans. »
J’ai vu aussi sur internet plusieurs extraits de vidéos de Thomas Bernhard. D’abord un texte à propos de Heidegger lu par Denis Podalydès. Je dois reconnaitre que le texte était très drôle. Et aussi une vidéo où il se comporte avec une sorte de flegme sournois envers un journaliste qui vient l’importuner devant chez lui. Cela ne semble pas cependant trop ennuyer Bernhard, il est en effet de cette race d’hommes qui seraient capables de faire un discours sur leur propre tombe le jour même de leur enterrement. Thomas Bernhard préfère alors répondre habilement par quelques monosyllabes et il a cette digression amusante. « D’habitude une interview pour un journaliste c’est comme les machines à sous, vous mettez quelques pièces et vous attendez que celui que vous questionnez vous offre toute sa fortune. Eh bien avec moi ce sera l’inverse, vous serez obligez de dépenser toute votre fortune pour n’obtenir finalement en échange que quelques pièces. »
Kafka et Bernhard y parviennent d'une certaine manière, même morphologie mentale, même ressassement graphique, même épuisement de la page.
Ressassement des cellules et difformité de la page reliant Kafka et Bernhard. Que les phrases se plagient entres elles, que les mots se plagient, qu'à l'intérieur d'une même phrase une assertion soit un plagiat de contradiction inversée.
Cette façon de relier ainsi Kafka et Bernhard me semble discutable et pour le dire franchement plutôt inexacte. Même si en effet il y a une ressemblance formelle entre Kafka et Bernhard, celle d’une auto-interprétation quasi infinie, cette auto-interprétation s’accomplit cependant selon des modalités très différentes, et cela parce que les caractères de Kafka et de Bernhard sont presque antagonistes. Bernhard c’est la rage de l’ironie, la rage insatiable de l’ironie, tandis que Kafka c’est l’humilité de l’humour, l’humilité prudente de l’humour.
Il y a en effet un indiscutable talent de vengeance dans l’écriture de Bernhard. Mon sentiment à son égard reste pourtant au mieux parfois ambivalent au pire complètement hostile. Je viens à ce propos de découvrir qu’Elias Canetti avait envers Bernhard une attitude semblable. Canetti évoque ainsi Bernhard de façon incroyablement ambiguë dans Le Livre contre la Mort.
Et enfin quelques citations comme ça.
« Tourne-disque : poêle à frire de la musique. » Ramon Gomez de la Serna
« L’oreille humaine interroge sans cesse, car si on regarde bien, elle est en forme de point d’interrogation. » Ramon Gomez de la Serna
« Il cessa de respirer et continua de lire. » Elias Canetti
« Toute sa vie, il annoncé sa venue aux animaux : en vain. » Elias Canetti
« Tu ne comptes pas un seul ami parmi les animaux. Et tu appelles ça vivre ? » Elias Canetti
« Dans la musique, les mots nagent au lieu de marcher comme ils font d’ordinaire. » Elias Canetti
« Lorsque l’homme est très heureux, il ne tolère aucune musique inconnue. » Elias Canetti
« Les noms des instruments de musique sont un enchantement en soi. Quand nous n’aurions rien nommé d’autre, nous aurions lieu de nous étonner de nous-mêmes. » Elias Canetti
Post-scriptum.
Je n’ai pas encore lu les livres de Bernard Collin. J’ai cependant l’intention d’aller voir un jour ou l’autre à quoi ils ressemblent.
A Bientôt Boris