Bonjour Laurent,

 

 

 

 

 

nos yeux nous projettent dans la pensée, nos yeux existeraient comme trace de ce que nous nous projetons par la pensée dans la pensée.

 

A propos de cette formule j’ai retrouvé ces phrases de Malcolm de Chazal (magnifiques comme toujours) dans la Vie Filtrée (le chapitre L’Univers du Regard). « Deux feux se croisent dans la pupille : un feu qui vient du dehors et un feu qui vient du dedans – le soleil de ce monde et le soleil de l’âme simultanément y jetant leurs feux. Or ce qui « fait » le regard, ce n’est pas l’addition ou la soustraction de ces « deux lumières » ou autres combinaisons mathématiques de ces soleils de vie, mais ce qui se passe là c’est que la lumière de l’âme dans ce débouché de vie se sert de la lumière physique comme « film » où elle imprimera ses clichés psychiques qui se liront ensuite dans la chambre noire de la pupille par les spectateurs que nous sommes tous. Par le rôle de « film » de la lumière physique pour les « clichés de l’âme » je veux parler de cette projection que toute lumière intense crée dans une lumière de considérablement moins grande intensité, et qui excluant l’ombre - sauf dans les bords- met des « paysages de réverbération » dans le brouillard lumineux, faisant jaillir par là des effets d’« ombres chinoises » de clarté comme des mirages de luminosité dans des champs de lumière. En d’autres mots, le regard, c’est du cinéma d’âme-lumière sur des pellicules de luminosités physiques, et projeté sur l’écran du centre visuel de l’œil au sein de la chambre noire de la pupille. » 

 

 

 

A propos de la forme inachevée de la métaphore déjà indiquée par Valéry, cette remarque aussi de R. Barthes « La métaphore ne s’arrête pas, le travail de nomination se poursuit inexorablement, contraint d’aller toujours, de ne jamais se fixer, défaisant sans cesse les noms trouvés et n’aboutissant à rien, sinon à une ex-nomination perpétuelle : parce que cela ressemble, non pas à tout, mais successivement à quelque chose, cela ne ressemble à rien. Ou encore : cela ressemble, oui mais à quoi ? à « quelque chose qui n’a pas de nom ». »

La métaphore appartiendrait ainsi au dire plutôt qu’au nommer (selon la distinction effectuée par Agamben. « La philosophie antique distingue soigneusement le plan du nom (onoma) et le plan du discours (logos)… » La métaphore révèlerait l’inachèvement même du dire. La métaphore serait une manière d’inachever comme de parachever la présence innommable du monde. Ou encore la métaphore prénommerait la présence du monde. La métaphore prénommerait la présence du monde par la cavalcade inachevée du dire. La métaphore prénommerait la présence du monde par le cheval de sang de la phrase. 

 

 

 

Cela serait aussi à rapprocher de ce que Deleuze à propos de D.H Lawrence appelle le symbole rotatif. « Il n’a ni début, ni fin, il ne nous mène nulle part, il n’arrive nulle part, il n’a surtout pas de point final, ni même d’étapes. Il est toujours au milieu, au milieu des choses, entre les choses. Il n’a qu’un milieu, des milieux de plus en plus profonds. Le symbole est un maelström, il nous fait tournoyer jusqu’à produire cet état intense d’où la solution, la décision surgit. »

 

 

 

 

 

Le gag, parce qu'il est bref, fonctionne en effet comme une percussion, comme un gong, un gong hagard qui provoque l'hébétude.

 

Le gag donne à sentir le gong du sang. Le gag donne à sentir le gong de silence du sang. Le gag donne à sentir le langage comme gong de silence du sang. Le gag donne à sentir l’amnésie même du langage, l’oxygène d’amnésie du langage comme gong de silence du sang. Il y a de l’asthme dans le gag. Le gag révèle l’asthme de l‘enthousiasme, l’asthme d‘enthousiasme de l’extase.

 

 

 

Le gag affirme la forme immédiate du silence absolu. Le gag affirme le geste absurde comme aberrant d’un se taire absolu. Le gag montre le silence avec une insouciance intégrale. Le gag affirme le geste du silence absolu avec une insouciance inhumaine. (C’est ce que j’ai essayé de dire dans mon texte sur Harpo Marx.) Le gag apparait aussi comme un geste de sommeil. Le gag montre le sommeil même du silence. Le gag montre le sommeil projectile du silence. Le gag affirme le geste de jeter la bombe de sommeil du silence à la face de l’espèce humaine. Le gag affirme le geste de jeter la bombe de sommeil du silence à la face façonnée en série, en série de sérieux de l’espèce humaine. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                       A Bientôt        Boris