Réponses Satellites Autour de De l’Image 001
« Le son d’une seule main serait le monde entier. »
La solitude de la main déclare le silence du monde. Quand la tête d’une chose coïncide avec la solitude de la main apparait le silence du monde. Quand la solitude de la chose coïncide avec la tête de la main survient le silence du monde.
« Ce qui se compare à soi s’empare. »
S’emparer serait ainsi une forme paradoxale de possession. S’emparer c’est posséder l’apparaitre du monde, c’est posséder la parure du monde. Ainsi à l’instant où la solitude de la main coïncide avec la tête de la chose, la chair possède la parure de silence du monde.
La métaphore donne à sentir le gag de silence du monde. La métaphore donne à sentir le gag de silence de l’extase comme main de solitude du monde. La métaphore donne à sentir le gag de silence de l’extase comme main de solitude du monde par lequel chaque chose parvient à inventer le geste de décapitation parabolique de sa présence même.
Les choses apparaissent comme des têtes émergées, comme des têtes émergées de la matière même du monde, comme des têtes extraites, des têtes jaillies, des têtes extraites jaillies de la matière du monde. Les choses apparaissent ainsi comme des têtes d’étonnement, les têtes d’étonnements de la matière. Et ces têtes d’étonnement des choses semblent ciller de manière incroyable « comme un nuage qui s’enracine. » (R. Char), ces têtes-racines d’étonnement des choses semblent ciller d’envol « Pour s’envoler, il faut beaucoup ciller. » Par la grâce de l’étonnement survient ainsi une ciliation d’envol des choses, un ciliation d’envol des têtes enracinées des choses, une ciliation d’envol des têtes radicales de choses, des têtes radiales des choses, des têtes à la fois radicales et radiantes des choses.
« Ce que voit l’image en toute chose, c’est sa verticalité fichée dedans, sa radicalité de chose, cette lance en elle qui l’oppose. »
La poésie affirme ainsi l’étonnement de l’épée. La politesse de la poésie révèle l’étonnement de l’épée, l’étonnement de l’épée à l’intérieur même de la chose. Le geste d’égard de la poésie révèle le tact d’étonnement de l’épée à l’instant d’approcher les choses du monde.
La poésie affirme le geste de composer un pont d’épées. La poésie affirme le geste de composer un pont à coup d’épées. La politesse d’étonnement de la poésie essaie de composer un pont à coups d’épées.
« L’image poétique n’est pas une évacuation du réel comme certains l’ont pensé, mais bien une façon de faire tirer la langue aux choses, de les essouffler à force de les faire courir de l’une à l’autre pour qu’elles rendent gorge, qu’elles affichent leur fatigue rose. »
La poésie affirme aussi une manière de faire tirer la langue à la langue même, d’essouffler la langue par le fou-rire des choses, par la source de fou-rire de choses, par la source de paralysie des choses, par le fou-rire de paralysie des choses, par la métamorphose de paralysie des choses, par la source de métamorphose des choses, par le fou-rire de métamorphose des choses. La poésie affirme une manière d’extraire la langue de sa gangue de sens, d’abstraire la langue de sa gangue de sens par le flux d’immobilité des choses, par le flux de luxe des choses, par le flux de luxe immobile des choses.
La poésie provoque l’étonnement de la langue même, la bouche bée de la langue même. La poésie provoque l’étonnement d’une langue bée, l’épée d’étonnement d’une langue bée.
La poésie affirme la bouche d’étonnement de l’épée, la pulpe d’étonnement de l’épée, la pulpe de plaisir de l’épée, le plaisir d’étonnement de l’épée, la pulpe de plaisir étonné de l’épée.
« La réserve d’imaginaire où baigne le monde lorsque nos ne le regardons pas, c’est à dire lorsque nous rêvons. Nous en aurions une connaissance véritablement amniotique. »
La poésie affirme l’étonnement amniotique de l’épée, la bouche d‘étonnement amniotique de l’épée. La poésie affirme la bouche d‘étonnement amniotique de l’épée à l’instant à la fois où elle blesse le monde comme elle baigne à l’intérieur du monde, à l’instant où elle baigne à l’intérieur même de la blessure du monde c’est à dire à l’instant où elle symbolise. Symboliser ce serait une manière de catalyser avec l’épée, une manière de catalyser avec l’épée à l’intérieur du bain de blessures du monde. Symboliser ce serait une manière d’embaumer avec l’épée, une manière de baguer avec l’épée, une manière d’embaumer avec la bague de l’épée, une manière de catalyser avec le baume de bague de l’épée à l’intérieur du bain de blessures du monde.
« La chose est sa propre métaphore, cela signifie qu’une chose, en tant qu’elle est se figure. »
La chose survient comme sa métaphore même. La chose existe comme sa métaphore même. Ainsi chaque chose s’adonne à sa figuration. Chaque chose s’adonne à la figuration de son existence. Chaque chose s’adonne à la figuration de son extase. Chaque chose s’adonne à la violence de son extase, à la figuration de violence de son extase, à la colère d’amour de son extase. Chaque chose s’adonne à la violence inexorable de son extase, à la figuration de violence inexorable de son extase. La chose s’adonne à la simple apparition d’exister comme à la simple existence d’apparaitre. La chose apparait dans le plus simple appareil d’exister. La chose apparait dans le plus simple appareil (à pareil) de l’extase d’exister, de l’extase nue d‘exister.
« C’est par son martèlement extatique qu’une chose prend conscience, c’est à dire racine dans son être. »
C’est par son martèlement extatique qu’une chose apparait. C’est par son martèlement extatique qu’une chose apparait impeccable en dehors de la conscience et de l’inconscient. C’est par son martèlement extatique qu’une chose s’enracine à l’intérieur de son apparition, qu’une chose s’enracine à l’intérieur du silence de son apparition, à l’intérieur du silence sauf de son apparition, à l’intérieur du sang de son apparition, à l’intérieur du sang sauf de son apparition, à l’intérieur du silence de sang de son apparition, à l’intérieur du silence de sang sauf de son apparition.
« Les choses se mettent en abime. Leur mise en abime qu’elles sont est comme une mise en orbite d’où elles s’observent. Où elles font le tour de soi, à bonne distance et selon une mécanique inéluctable. »
Il y a en effet une tournure des choses. Les choses tournent sur elles-mêmes comme des planètes, comme des astres. Chaque chose essaie d’approcher la planète même de son apparition. Chaque chose essaie d’approcher par sa tournure même la planète de son apparition. Chaque chose affûte le feu de sa venue par le geste de tourner sur elle-même. Chaque chose affûte le bain de blessure de sa venue, le bain de blessure du feu de sa venue par le geste de tourner sur elle-même, par le geste de tourner à la fois sur elle-même comme autour d’elle-même. (« Même Dieu doit tourner autour d’une chose pour l’approcher. » E. Levinas.)
Ce problème de la tournure des choses est semblable à celui de ce que les physiciens appellent les tournures quantiques de spin. Selon les physiciens un atome n’a pas la même forme, les mêmes caractères de composition, les mêmes aptitudes à céder ou capter des électrons selon les tours qu’il effectue sur lui-même. L’intuition métaphorique de l’imagination s’accomplirait peut-être de la même manière. Je veux dire : les choses tournent à la fois sur elles-mêmes comme autour d’elles-mêmes et la chair tourne elle aussi sur elle-même comme autour d’elle-même selon des rythmes de danse particuliers et l’intuition métaphorique de l’imagination a seulement lieu à l’instant où la tournure d’une chose coïncide avec la tournure de la chair qui contemple cette chose. L’imagination serait simplement le jeu de provoquer et de sauvegarder des formes de sensations par des coïncidences de tournures (ce geste de faire coïncider des tournures serait semblable à ce que Kant appelait le schème de l’imagination).
Imaginer c’est tourner autour. L’imagination affirme le geste de tourner autour. L’imagination affirme le geste d’approcher le monde en tournant autour. L’imagination affirme à la fois le geste de tourner sur soi-même et de tourner autour du monde (qui tourne aussi sur lui-même et autour de lui-même). L’imagination compose ainsi une connivence de danse, une connivence de derviche tourneur entre la chair et le monde, entre la forme de la chair et les formes du monde.
Par l’imagination la chair parvient à sentir l’inconnu du monde, les formes d’inconnu du monde. Par l’imagination la chair a l’audace de sentir les formes d’inconnu du monde avant même de percevoir ses aspects connus. Par l’imagination la chair parvient à esquiver les aspects du connu afin de toucher de manière immédiate les formes de l’inconnu.
« Que l’on arrête de se regarder dans les miroirs et que l’on commence à se regarder dans les visages. »
Contempler la joie de sa disparition à l’intérieur des choses. Contempler la joie de sa disparition par le geste de jeter son existence à l’intérieur des choses, par le geste de jeter son existence à l’intérieur de la gueule des choses, à l’intérieur de la gueule d’abime des choses, à l’intérieur de la gueule d’extase des choses.
« Il y a un afflux de mots lorsqu’on ne comprend pas ce qu’on voit, dans une sorte d’oxygénation panique de la pensée qui, plutôt que faciliter la vision, vient y suppléer. »
Il y aurait ainsi une forme d’asthme de l’imagination, d’asthme d’extase de l’imagination. La chair de celui qui imagine aurait ainsi le souffle coupé, le souffle prodigieusement coupé, le souffle prodigieusement blessé, le souffle prodigieusement déchiré par l’afflux d’inconnu de monde, par l’afflux de formes inconnues du monde, par la défenestration de formes inconnues du monde, par la catastrophe de formes inconnues du monde. (Cet asthme d’extase de l’imagination serait ce que Kant appelle le sublime.)
« L’image sait que la consécutivité n’est pas sans conséquence, et que, précisément, cette conséquence de la consécutivité des choses est un déferlement de soi à soi. »
Ce serait à rapprocher d’une phrase de Mac Luhan « Qu’une chose en suive une autre ne signifie rien. ». Ainsi la suite des choses n’a aucun sens. La suite des choses affirme seulement la chute debout de chaque chose c’est à dire la tournure particulière de son apparition. Je n’ai pas cependant le sentiment que cette transe soit un déferlement de soi à soi, cette transe apparait plutôt comme la catastrophe de facilité par laquelle chaque chose s’adresse aux autres choses, chaque chose adresse la multitude de ses formes aux autres choses sans jamais précisément savoir de quelle manière. Les choses se saluent et se parlent sans jamais savoir comment et le travail de celui qui écrit serait alors de révéler les manières selon lesquelles les choses ainsi se saluent et se parlent.
« L’image montre que les choses ont sur elles les griffes de leur préhension, les stigmates avant-coureurs de leur propre prédation. Elles se saisissent de se dérober. »
Etrangement ce que tu dis à propos des choses, Deleuze dans Critique et Clinique le dit à propos de l’esprit. « Le calme de l’esprit est traversé de pensées qui le griffent. L’esprit est une Bête aux yeux multiples, toujours prête à bondir sur les corps animaux qu’elle distingue. »
« On froisse un coquelicot rien qu’en le regardant. »
Et aussi à l’inverse un coquelicot froisse nos paupières à l’instant où nous le regardons. L’éclosion de sang du coquelicot nous blesse. La fragile éclosion de sang du coquelicot blesse le papier d’attention de nos paupières.
« « Mais toutes ces ruines ont une certaine rose. » Une certaine rose… Comment mieux dire la fraicheur visuelle indescriptible pouvant émaner d’un tas de pierres ? »
Il y a en effet une fraicheur de la ruine, une fraicheur de la catastrophe, une fraicheur efficace de la catastrophe, une fraicheur à la fois miraculeuse et efficace de la catastrophe. La catastrophe apparait ainsi parfois comme une forme d’éclosion paradoxale du monde. La catastrophe donne à sentir la fraicheur du feu. La catastrophe donne à sentir la fraicheur immense du feu. La catastrophe donne à sentir la démesure de fraicheur du feu. La catastrophe donne à sentir la démesure de fraicheur du feu comme éclosion de fragilité du sang.
L’égard serait la forme heureuse de la lucidité, le hasard heureux de la lucidité, le hasard heureux de la distinction, le hasard hagard heureux de la distinction lucide. L’égard serait une manière de révéler la contingence même de la lucidité, l’émergence contingente de la lucidité, le hasard d’émergence de la lucidité, le hasard d’émergence de la distinction lucide.
« La lucidité est l’humilité de la lumière. »
La lucidité est l’humilité de la lumière quand elle survient comme « la blessure la plus rapprochée du soleil. » R. Char
« La poésie dit l’évidence. Mais l’évidence est toujours à recommencer, c’est même par là qu’elle s’évide, qu’elle s’affute et se plante. »
La blessure de la lucidité révèlerait ainsi l’instant où l’apparition du monde s’affûte à l’intérieur de son évidence même, où l’apparition du monde s’affûte à l’intérieur du feu de son évidence, de la vivacité de son évidence, du feu de vivacité de son évidence, de la féerie de son évidence, du feu de féerie de son évidence, du feu de vivacité féerique de son évidence.
« L’image est (…) un monde lové sur un coup de feu. »
La métaphore love un escargot sur le fil de l’éclair. La métaphore love l’escargot du déluge sur le fil de l’éclair. La métaphore love l’escargot d’extase du déluge sur le fil de vide de l’éclair, sur l’arc funambule de l’éclair, sur l’arc de silence de l’éclair, sur l’arc de silence funambule de l’éclair.
La métaphore love l’escargot du monde sur le fil de l’éclair. La métaphore love l’escargot de démesure du monde sur le fil de silence de l’éclair. La métaphore love l’escargot de démesure du monde sur le fil de silence funambule de l’éclair. La métaphore love l’escargot de démesure du monde sur le fil de silence de l’apocalypse, sur le fil de silence funambule de l’apocalypse.
« Elle (la goutte d’eau) sort de l’alambic de ça. »
Le critique structuraliste M. Riffaterre a proposé la théorie selon laquelle un poème était toujours le développement anagrammatique du prénom et du nom de son auteur. Evidemment c’est une théorie excessive, malgré tout cette dissémination anagrammatique du prénom et du nom s’accomplit parfois. J’ai ainsi l’impression que cette phrase « Elle (la goutte d’eau) sort de l’alambic de ça. » diffracte avec fluidité la formule magique secrète, le sésame, la césure d’âme de Laurent Albarracin. « Une goutte d’eau se ressemble comme deux. » et cette goutte d’eau qui se ressemble comme deux serait ainsi précisément la molécule mentale évoquée par ton prénom et ton nom. « Une goutte d’eau vient de faire fondre un monde. » Ainsi aussi une distillation du monde s’accomplit de temps à autre à l’intérieur du distinguo à la fois atomique et littéral entre le prénom et le nom.
« Le carton c’est ce qui se défait, en soi et de soi. Plus il se défait et plus il est carton. C’est que son être de carton lui est indéfectible. »
Le carton altère son quant à soi. Le quant à soi du carton est l’altération même de son quant à soi. Ainsi c’est comme si la défaite du carton, la défaillance du carton, la dégradation du carton exposait malgré tout l’aspect aléatoire de son embellie. L’emballage du carton s’embellit de sa détérioration même. L’emballage du carton s’embellit d’emblée de sa détérioration même, de son altération même, du hasard de son altération même. L’emballage du carton s’embellit de la débilité même de son déballage. L’emballage du carton s’embellit du malgré tout. L’emballage du carton s’embellit de la détérioration d’emblée du malgré tout, de l’altération d’emblée du malgré tout, de la dégradation d’emblée du malgré tout, de la déperdition d’emblée du malgré tout, de l’abrutissement d’emblée du malgré tour, de l’absurdité d’emblée du malgré tout. (Et pourquoi aussi le verbe emballer signifie-t-il trivialement séduire ou plaire ?) Le carton se tient de guingois au carrefour de la trivialité. Le carton se tient de guingois comme le crucifié de l’idiotie, comme le crucifié idiot de la quadrature du triangle. Le carton se tient abasourdi de guingois comme le trapéziste absurde de l’ici-bas, comme le trapéziste absurde du n’importe quoi.
A Bientôt Boris