Salut à vous Pierre Vinclair,

 

 

Il serait peut-être intéressant de distinguer différents usages de la grammaire en reprenant la distinction proposée par Baudrillard dans De la Séduction entre code, loi et règle. L’usage codifié de la grammaire serait son usage conventionnel et normatif. L’usage légal de la grammaire ce serait la revendication d’une valeur morale de la grammaire (ce serait par exemple l’attitude de Rivarol ou de Racine). Et l’usage de la grammaire comme règle ce serait son usage joueur. Pour Baudrillard en effet, la règle est toujours celle d’un jeu, d’une cérémonie ou d’un rituel. Ensuite il serait intéressant d’indiquer quelles sont alors les différentes manières de jouer avec le langage en reprenant le classement proposé par R. Caillois dans les Jeux et les Hommes : jeu de hasard, jeu d’imitation, jeu de combat, jeu de vertige. Par exemple pour Mallarmé l’écriture est un jeu de hasard, pour Flaubert un jeu d’imitation, pour Michaux un jeu de combat, pour Rimbaud un jeu de vertige. Il y aurait aussi évidemment des formes d’hybridation entre ces quatre types de jeu. Pour Diderot, l’écriture apparait à la fois comme un jeu de hasard et de vertige, pour Zola comme un jeu d’imitation et de combat, pour Nabokov comme un jeu d’imitation et de vertige, pour Lautréamont comme un jeu d’imitation, de combat et de vertige et pour Lichtenberg comme les quatre jeux à la fois, de hasard, d’imitation, de combat et de vertige.

 


A propos des vitesses-de-phrases

 

Ce problème du rythme des phrases serait à rapprocher de celui de la tournure. Les phrases tournent sur elles-mêmes. Les phrases tournent sur elles-mêmes comme les atomes et les planètes. Chaque phrase dispose ainsi d’un rythme de rotation particulier. Chaque phrase dispose comme un atome ou un électron de ce que les physiciens quantiques nomment une valeur de spin. En effet selon la théorie de la physique quantique les électrons ne peuvent accomplir certaines opérations qu’après avoir effectué un nombre défini de tours sur eux-mêmes. Les phrases évolueraient exactement de la même manière. Le problème reste alors de savoir si les images et, les images ou, les images donc que vous évoquez sont en relation avec ces rythmes de rotation des phrases. L’image serait peut-être ainsi un indice d’une manière de tourner de la phrase, d’un rythme de tournure de la phrase. 

 


A propos de l’enchainement des phrases, je vous envoie quelques citations sans savoir précisément si vous y acquiescerez ou non.

 

« Qu’une chose en suive une autre ne signifie rien. »  M. Mc Luhan

 

« Chaque fois que nous établissons une relation, chaque fois que nous connectons deux termes, nous oublions que nous avons à retourner à zéro, avant de parvenir au terme suivant (…) On oublie qu’il faut à chaque fois, pour passer d’un mot à l’autre, revenir au zéro. »  J. Cage

 

« Enchainer est nécessaire, comment enchainer est contingent. »  J.F Lyotard

 

 

A propos du Et.

 

Voici d’autres remarques de Deleuze. « Le Et n’est même pas une relation ou une conjonction particulières, il est ce qui sous-tend toutes les relations, la route de toutes les relations, et qui fait filer les relations hors de leur terme et hors de l’ensemble de leurs termes, et hors de tout ce qui pourrait être déterminé comme Etre, Un ou Tout. » « Une multiplicité n’est jamais dans les termes, en quelques nombres qu’ils soient, ni dans leur ensemble ou la totalité. Une multiplicité est seulement dans le Et, qui n’a pas la même nature que les éléments, les ensembles et même leurs relations. » « Il y a une sobriété, une pauvreté, une ascèse fondamentale du Et. » Ainsi pour Deleuze le Et révèle la sobriété même de la multiplicité, l’ascèse paradoxale de la profusion. Le Et serait une drogue qui aide à devenir sobre pour reprendre une formule de B. Caudoux. (Un détail encore, selon Deleuze le Et est en relation avec l’article indéfini et le verbe infinitif.)

 

(…)

 

 

 

 

 

                                                                                              A Bientôt             Boris Wolowiec