La conversation de cette femme révèle une alliance sidérante d’exubérance et d’anesthésie. Cette femme a en effet l'étrange particularité de dissocier intégralement ses paroles et ses gestes. Ainsi quand elle parle, elle reste absolument immobile, elle parle comme une pierre. A l'inverse, quand elle écoute les paroles des autres, elle les accompagne d’une multitude de gestes comme si elle tentait de danser avec ces paroles et essayait en même temps d’accueillir comme d'accoucher la chute de ces paroles par les provocations éparses de sa naïveté.

 

 

 

L’existence de cette femme est étrangement désynchronisée. Ses paroles sont en retard de dix ans sur ses actes. Ainsi pendant dix ans elle est restée muette. A quinze ans elle parlait de ses poupées à celui qui essayait de lui caresser les cuisses. A trente ans elle annonça à son mari qu'elle était enceinte d'une fille qu'il avait élevé avec elle pendant sept ans et qui à sept ans était morte. A quarante-cinq ans elle demanda le divorce à son mari alors qu’ils ne vivaient plus ensemble depuis déjà dix ans. Et des années plus tard, à l'intérieur de sa tombe décomposée, elle dit d’une voix inintelligible ces mots que seule la terre entendait, "Je sens que je vais bientôt mourir".

 

 

 

A chaque instant, son corps survient au lieu de son visage et son visage survient au lieu de son corps. Elle a les seins au lieu des yeux, le nombril au lieu du nez, les aisselles au lieu des oreilles et surtout le sexe au lieu de la bouche. Son visage est ainsi d'une obscénité incroyable. Chaque mot qu'elle prononce y compris le plus délicat, le plus doux, surgit toujours d'une vulve scandaleusement ouverte. De même le plus tendre, le moins équivoque de ses sourires ressemble à une invitation au viol. Et quand parfois ravie par une joie insensée elle ose rire, c'est alors comme si elle offrait au regard du premier venu un sexe déchiqueté par le chaos de la jouissance. Son existence n'est qu'absurdité et désespoir. Et l'apocalypse du vide même tremble d'épouvante à la seule pensée de la toucher.

 

 

 

L’initiation inutile de sa naissance a intégralement interverti son corps et son visage. Les traits de son visage ne sont plus dévolus à l'indication de ses sentiments, à la révélation subtile de son âme, ils sont désormais à la merci de ses besoins biologiques. Elledigère avec ses joues, elle excrémente avec sa nuque, elle urine avec ses sourcils, ses paupières fonctionnent comme des outils de préhension et elle marche en alternance avec ses mâchoires ou sa chevelure. Elle apparaît ainsi comme le charme de lucidité du hasard en dehors de la chance.

 

 

 

Cette femme ne parvient pas à contrôler le flux de sa voix. Sa voix suinte suavement de chaque partie de son corps. Sa voix dégouline de ses yeux, de ses oreilles, de ses narines, de son anus. Sa voix pullule comme un typhon de velours. Sa voix survient comme une sécrétion d’équilibre inviolable, comme la démarche d’imminence écartelée de son charme.

 

 

 

 

 

C’est une femme extrêmement lascive. Sa peau semble composée uniquement de grains de poivre.

 

 

 

Elle n’utilise jamais ses jambes afin de descendre les escaliers. Elle considère en effet que le déplacement des jambes suggère des intentions indécentes, c’est pourquoi elle préfère afin de descendre les escaliers rouler tranquillement sur ses seins.

 

 

 

Elle enlève ses vêtements comme s’ils étaient des fragments de son passé. Son strip-tease est la forme efficace de son amnésie.

 

 

 

 

 

La lingerie érotique de cette femme ressemble à une mosaïque de linceuls saouls, des linceuls de paupières pétries d'élans hurlés, des linceuls de paroles et de paupières alliées par le tact d'amnésie éblouie d'un tonnerre gisant.

 

 

 

Elle se lave à l’intérieur de bains de sperme. Cependant la moindre goutte d’eau outrage sa décence et elle hurle à l’orgie à chaque fois qu’il pleut.

 

 

 

 

 

Elle ne possède pas de squelette. Elle compose l'utopie de ses os par des oscillations de tact osé.

 

 

 

Elle insinue le régal ébloui d'une montagne de gencives avec son scalpel de rendez-vous.

 

 

 

Son vagin est l'agenda de vide de son regard.

 

 

 

Elle porte son vagin au sommet de son visage comme le diadème de hasard de la tragédie.

 

 

 

Elle maquille son sexe avec les bégaiements de gaieté de l’érosion. Ses yeux ressemblent à des yo-yo d’océan.

 

 

 

Elle est si coquette qu’elle maquille même son anus. Elle maquille son anus avec le souvenir de ses larmes, avec le hasard de ses confidences.