Dire des nombres l’excite. Il fait ainsi germer des regards d’intolérance dans les non-dits de ses narines.
Il n’a le pouvoir de calculer et de classer que lorsque son sexe est en érection. Lorsqu’il n’est pas organiquement excité, le monde devient pour lui désordonné et indéchiffrable.
Il ne connait qu’une seule forme d’érotisme, celle de compter quasiment à l’infini en présence de l’autre et d’omettre soudain un nombre dans l’énonciation de la série. Cette omission ne correspond pas tout à fait à l’instant de la jouissance. L’instant de la jouissance survient plutôt lorsque l’omission du nombre semble subtilisée par le regard de l’autre.
Il a des doigts tautologiques, des doigts incapables de désigner autre chose qu’eux-mêmes. C’est pourquoi quand il désire compter sur ses doigts, il préfère utiliser son sexe en érection.
Tel un automate du hasard qui prépare une expérience atomique délicate et comme si cette vérification était une question divine, autrement dit une question de vie et de vie, cet homme, avec ses deux mains pour aller plus vite, compte sur ses doigts. Il ne compte pas ses doigts d'espace, il compte ses doigts de temps. Le problème est que étant donné qu'il est condamné à compter et à s'arrêter de compter à la fois, le nombre est difficile à définir. Malgré tout cela ne l'inquiète pas et il poursuit tranquillement son subtil travail. Cet homme est absolument bègue, le charisme de ce handicap ne s'évapore qu’à l’instant où il accomplit le tour de prestidigitation de faire disparaître ses mains à l'intérieur de sa bouche et de faire apparaître deux bouches à l'extrémité de ses mains. Avec ces deux bouches il devient ainsi apte à voler à condition que sur la terre personne n'ait l'outrecuidance d'écouter l'oscillation de son regard.
Il n’est apte à résoudre les problèmes mathématiques qu’à l’instant où il coiffe ses cheveux avec ses mains.
Il pense qu’il y a autant de sexes que de nombres. Cependant il ne pense pas que la série des nombres est infinie. Selon l‘hypothèse de son squelette il a plutôt le sentiment que le dernier nombre est celui de l’âge du ciel.
Il croit qu’il y a un nombre infini d’univers et que dans chacun de ses univers un nombre différent manque. Il prétend de plus que personne dans chacun de ces univers ne le sait du fait que le désir d’infini de ceux qui comptent se substitue à ce nombre absent.
Depuis qu'il a gagné une fortune par inadvertance comme s'il avait été inséminé à travers sa propre mort, il est désormais le témoin exclusif de son désir. Il est ainsi capable du prodige et de l’imposture de dénombrer des objets sans même les connaître, sans même les identifier, de compter des objets qu’il ne conçoit pas.
Il prétend qu’il ne sera libre que le jour où il aura réussi à emprisonner chaque nombre au centre du sacrifice de l’alphabet.
Il avait décidé d'apprendre à compter, non pas il, un autre plutôt. Qui n'a aucune importance avait décidé de compter. Non pas décidé, un autre plutôt comptait sans l'avoir décidé.
Le divertissement de sa charité est d'échanger les nombres entre eux. Pour les échanger, il doit avant tout leur parler. Ce n'est pas difficile, c'est impossible. Cependant lorsque le cerveau n'est plus qu’un puzzle de crimes futiles, que ce soit possible ou impossible n'a en vérité plus aucune importance.
Il compose des phrases avec les nombres. Il devient ainsi la légende de la dissection de ses mains, la légende des mains siamoises du zéro avec lesquelles il méprise l'image de Dieu.
II parle aux nombres comme s’ils étaient des fleurs minérales, des fleurs de cendres indestructibles. Il écoute ainsi l'ombre de sourire du désert.
Il examine les nombres comme s'ils étaient les yeux de la disparition de l'ombre. Et il libère les ombres comme si elles étaient les visages ensevelis du feu de l'innommable.
Il sait comment distinguer des os à l’intérieur des bulles et devient ainsi apte à construire un labyrinthe de nombres. Il sait comment distinguer des bulles à l’intérieur des os et devient ainsi apte à construire un labyrinthe de zéros décapités.
II contemple l'architecture d'absurdité des nombres comme la démence abstraite d'une débauche de candeur. Il contemple les équations mathématiques comme si elles étaient des formes de coïts inchoatifs, les coïts de souffles de selon hier avec ainsi demain.