Dans ce pays, les corps sont invisibles. La seule façon de connaitre l’image d’un corps est de le tuer.
Dans ce pays, chaque homme est un Dieu pour celui qui ne le connait pas. Etre connu par quelqu’un est identique au fait de passer du statut de Dieu éternel à celui d’homme mortel. C’est pourquoi chaque homme ne connait pas d‘autre désir que celui de rester à jamais inconnu.
Dans ce pays, il est possible d’être éternel à condition de connaitre le nombre de ses battements de cœur depuis sa naissance.
Dans ce pays, il y a des guerres d’haleine.
Dans ce pays, il n’y a que des forces d’effacement, c’est pourquoi leurs guerres se développent au centre de leurs hésitations.
Dans ce pays, des masses de langage envoient les hommes se faire massacrer au centre même de la distraction de leur cœur.
Dans ce pays, des foules de nombres inconscients vagabondent à la recherche de foules d’hommes qui sont de pures consciences.
Dans ce pays, il y a des bâtiments où les rêves peuvent s’abriter. L’entrée de ces bâtiments est cependant interdite aux hommes qui font ces rêves.
Dans ce pays il n’y a qu’un choix celui d’être un martyr pour les microbes ou un microbe pour les martyrs. Ce choix s’avère cependant n’être qu’un simulacre. Les uns et les autres sont de toute façon condamnés à faire semblant de dormir en prison.
Dans ce pays, celui qui joue de la musique en public est condamné à mort et exécuté sur le lieu même où il a accompli son crime. Dans ce pays, la musique n'existe que comme une attitude intime de l'imagination, elle s’immisce comme le geste de jouer avec le sexe d'amnésie du feu.
Dans ce pays, il est obligatoire d’applaudir les fleurs. Refuser d’applaudir les fleurs est le plus grave des crimes. Il est puni de mort.
Dans ce pays, éternuer en public est considéré comme l’équivalent d’un suicide manqué.
Dans le pays où l'espoir règne, les cadeaux sont sacrilèges, les dieux hantent les marchandises. Cependant, on soupçonne désormais que les divinités ne parasitent plus les marchandises mais qu'elles se sont changées en marchandises mêmes, que les divinités sont désormais à vendre. Les scientifiques de la croyance estiment que cette modification est due au fait qu'un fou a acheté la notion de la vérité au néant de l'insurvivre.
Dans l’univers où le ciel n’est qu’un simulacre, il n’y a qu’un seul vêtement possible : l’uniforme de l’identité infinie. Dans l’univers où le ciel n’est qu’un simulacre, la mode consiste à changer de corps une fois par an. La mode est aussi ce qu’ils appellent la mort, elle résulte de la succession des avatars du corps adressés au vêtement de la lumière.
Dans le pays des meurtriers responsables, il suffit de ne plus penser que l’on est en vie pour être spontanément mort. Et à l’inverse l’unique condition pour survivre est de penser perpétuellement à la vie. La survie est donc purement identique à une obsession, à une obligation logique. Sinon tout est permis, il n’y a aucune loi excepté celle de penser à la vie. Il est certes possible de penser à quelque chose d’autre mais à condition de penser d’abord au préjugé originel de la vie. Chaque seconde de la vie doit être reproduite en tant qu’idée de vie. Pour vivre il faut sans cesse avouer l’idée obligatoire de la vie.
Dans le pays de l’économie de l’écho, les billets de banque sont identiques aux billets de loterie.
Au pays du retard, où le présent n’est que la paranoïa de l’avenir, il est interdit d’enfermer un homme dans une prison, ne serait-ce qu’une seconde, surtout pas une seconde. En effet on estime qu’il suffit d’enfermer quelqu’un une seconde pour qu’il risque d’adorer éternellement cette seconde. Au pays du retard, aucun crime n’est jugé assez abject pour qu’on décide de priver intégralement de liberté celui qui l’a accompli. La punition la plus grave consiste à enfermer la moitié du corps d’un condamné et à laisser l’autre partie du corps parfaitement libre. Si l’homme est droitier on garde en prison la partie droite du corps. S’il est gaucher, la partie gauche. Les visites de la partie du corps libre à la partie du corps emprisonné ne sont pas permises. Souvent lorsqu’une peine prend fin la partie du corps libre ne reconnait plus la partie qui a été emprisonnée.
Au pays des prières idiotes, ils emploient les guerres civiles pour pondre des œufs.
Dans le pays des rires idiots, les hommes sont responsables du suicide des horloges.
Dans le pays des rires idiots, ils prétendent qu’il n’y avait pas deux sexes mais trois : le sexe masculin, le sexe féminin et le sexe-horizon.
Dans le pays des horizons hilares, il est obligatoire pour lire d‘être pendu par les pieds. Dans le pays des horizons hilares, la littérature est similaire à une théorie d’ailes intestinales.
Dans le pays des éternuements idiots, le ciel ressemble à un cœur. Une bataille s'y développe à l'envers. Des armes adorables s'y entretuent parmi des morceaux d'hommes qui n'existent pas encore.