Sagesse
Seul le sage apparait apte à juger les autres. Malgré tout seul le sage s’abstient de juger les autres.
Le sage ne conseille pas les autres. Le sage donne à voir d’innombrables formes d’existence sans jamais conseiller les autres.
La sagesse n’est pas de se connaitre soi-même, de se connaitre soi-même à travers sa raison. La sagesse c’est plutôt de savoir la raison par les formes de son corps. La sagesse n’est pas de se connaitre à travers la structure de la raison. La sagesse c’est de savoir la structure de la raison par les formes de son corps.
Le sage parvient à rester attentif aux formes du monde sans être cependant attentif à soi, sans se surveiller, sans surveiller à chaque seconde les signes de la conscience, les signes de la subjectivité, les signes du moi. La sagesse affirme une manière d’associer une extrême attention au monde, une attention ascétique aux événements du monde et un oubli insouciant envers les signes de la pensée.
La raison change les sentiments avec la pensée. La sagesse transforme les pensées avec les sentiments.
« Tiens les brides à tes passions, mais garde-toi de laisser les rêves à la raison. » K. Kraus
La sagesse donne des règles du jeu aux passions. La sagesse invente des règles de jeu afin de composer les passions. Malgré tout ces règles de jeu ne sont pas celles de la raison. Ces règles du jeu apparaissent comme celles de l’imagination et de la déraison. La sagesse donne forme aux passions, au désordre des passions par les règles du jeu de l’imagination.
Le jeu de la sagesse c’est de savoir comment imaginer des formes de bêtise, le jeu de la sagesse c’est de savoir comment c’est d’imaginer des formes particulières de bêtise, c’est d’imaginer des formes de bêtise sublime et de sublime bête.
La sagesse soude les ressemblances de l’éveil. La sagesse soude les ressemblances de l’éveil et dissocie les hasards du sommeil.
« L’illusion enfante et construit le monde ; on ne le détruit pas sans la détruire. C’est ce que je fais chaque jour. Opération apparemment insuffisante puisqu’il me faut la recommencer le lendemain. » Cioran
Aucun homme n’atteint la lucidité et la sérénité de la sagesse, la lucidité sereine de la sagesse, la sérénité lucide de la sagesse une fois pour toutes, à jamais. Il apparait en effet nécessaire de recommencer le geste d’atteindre la sagesse chaque jour. La sagesse d’un homme n’a pas lieu à jamais. La sagesse d’un homme a lieu au jour le jour, jour après jour.
A chaque fois qu’un homme s’endort, il remet en jeu l’intégralité de sa sagesse. A chaque fois qu’un homme s’endort, il parie sa sagesse, il dépose l’intégralité de sa sagesse à l’intérieur de l’abime, à l’intérieur de l’abime de la nuit, à l’intérieur de l’abime amoral et insouciant de la nuit, à l’intérieur de l’abime dément de la nuit, à l’intérieur de l’abime amoral insouciant et dément de la nuit.
La sagesse n’a qu’une seule maison.
« Je ne tais pas ce que je sais, mais d’habiter dedans. » E. Canetti
La sagesse c’est de ne jamais habiter à l’intérieur de son savoir. Le sage préfère toujours habiter en dehors de son savoir.
Le sage apparait apte à faire habiter son savoir à l’intérieur de sa maison et à malgré tout habiter en dehors de son savoir. Le sage préfère ainsi partager sa maison avec son savoir. Le sage préfère partager l’habitude de sa maison avec son savoir.
Il y a encore d’autres manières d’esquiver la vulgarité d’habiter à l’intérieur de son propre savoir. Deux formes de sagesse. Le sage construit une maison pour son savoir malgré tout il n’habite pas à l’intérieur de la maison de son savoir. Le sage préfère ainsi habiter dehors. Ou bien encore autre hypothèse. Le sage ne bâtir pas une maison pour son savoir. Le sage abandonne ainsi son savoir au dehors. Le sage abandonne ainsi son savoir à l’air libre. Malgré tout à l’inverse le sage construit une maison pour son non-savoir, maison pour son non-savoir à l’intérieur de laquelle il habite, à l’intérieur de laquelle il demeure.
Le sage construit une maison pour son savoir malgré tout le sage n’habite pas à l’intérieur de la maison de son savoir. Le sage préfère habiter à l’intérieur de la maison de l’inconnu.
La virtuosité du sage affirme la révérence de la demeure. Le sage virtuose transforme le reste de la demeure en révérence du vide et le reste du vide en révérence de la demeure.
La sagesse c’est de savoir contempler son âme comme un paysage d’une autre planète. La sagesse c’est de savoir contempler son âme comme un paysage extraterrestre.
« Devient sage celui qui comprend le chaos comme un masque du cosmos. » P. Sloterdijk
Apparait sage celui qui a le sentiment du cosmos comme parure du chaos. Apparait sage celui qui a le sentiment du cosmos comme parure de paralysie du chaos.
« Seul le désespoir peut encore nous sauver. » P. Sloterdijk
La sagesse c’est d’apparaitre sauvé par son désespoir. La sagesse c’est d’apparaitre sauvé par la forme à la fois souveraine et insouciante de son désespoir.
Le sage apparait comme le demeuré des planètes, comme le demeuré du chaos, comme le demeuré des planètes du chaos. Le sage apparait sauvé par la conversation de son désespoir comme demeuré du chaos. Le sage apparait sauvé par la conversation d’insouciance de son désespoir comme demeuré des planètes du chaos.
La sagesse c’est de savoir comment transformer son âge. La sagesse c’est de savoir comment transformer son âge en geste. La sagesse c’est de savoir comment transformer son âge en nom, en verbe ou en préposition. La sagesse c’est de savoir comment transformer son âge en geste d’un nom, en geste d’un verbe ou en geste d’une préposition.
La sagesse sait comment jouer avec les âges. La sagesse ait comment jouer avec les âges de l’existence. Il y a ainsi autant de formes de sagesse qu’il y a de formes de jeux. La sagesse c’est soit joue aux cartes avec les âges, soit joue aux dés avec les âges, soit jouer aux dominos avec les âges, soit jouer aux échecs avec les âges, soit jouer à la marelle avec les âges soit jouer à cache-cache avec les âges soit jouer au bowling avec les âges…
Le sage jouit de son âge. Le sage sait comment jouir de son âge. Le sage sait comment jouir des gestes de son âge. Le sage sait comment jouir des gestes de son âge à la surface du temps. Le sage sait comment jouir des gestes du temps. Le sage sait comment jouir des gestes du temps à la surface de son âge.
La sagesse salue l’âge de l’autre avant de saluer l’autre.
La sagesse c’est quand le jugement plie bagage à l’intérieur de l’âge. Le cynisme c‘est lorsque l’âge plie voyage à travers le jugement.
La sagesse savoure le désordre des âges. La sagesse savoure le désordre des âges avec la virtuosité de la monotonie.
« Le sage transforme sa colère de telle manière que personne ne la reconnait. Mais lui étant sage la reconnait parfois. » H. Michaux
Le sage ne cache pas sa colère. Le sage transforme sa colère. Le sage transforme sa colère sans la masquer. Le sage reconnait la forme de sa colère sans avoir à reconnaitre son visage. Pour le sage la colère a une forme avant d’avoir un visage. Pour le sage la colère a une forme avant d’avoir ne identité. Le sage ne signifie pas sa colère. Le sage affirme la forme inconnue de sa colère. Le sage affirme la forme incarnée comme inconnue de sa colère. Le sage affirme la forme de sa colère sans la faire signifier. Le sage affirme la forme de sa colère en dehors du sens.
Le sage n’affirme jamais à la fois le visage et la chair de la colère. Le sage affirme soit le visage abstrait de la colère soit la forme acéphale de la colère (soit la chair acéphale de la colère). Le sage invente la forme de sa colère par le geste de poser un vide (l’ombre d’un vide) entre la chair et le visage.
« Pourquoi n’y a-t-il pas davantage de gens qui soient bons par bravade ? » E. Canetti, th
Pourquoi n’y a-t-il pas plus d’hommes qui soient bons uniquement afin de s’amuser ? Pourquoi n’y-a-t-il pas plus d’hommes et de femmes qui sont simplement bons par jeu ?
« Dès qu’il est question d’amour, une femme croit absolument tout. Les hommes, eux conservent cette même crédulité pour le combat. » E. Canetti
L’homme approchera de la sagesse quand il parviendra à détruire le combat par l’amour. Ou plutôt l’homme approchera la sagesse quand il parviendra à détruire la croyance au combat par une forme d’amour incrédule. En effet, s’il est préférable de croire à l’amour plutôt que de croire au combat. Il apparait aussi préférable d’affirmer l’amour (la forme de l’amour) sans le redoubler en tant que croyance. (En effet, le problème des femmes lorsqu’elles croient à l’amour c’est qu’elles peuvent alors aussi croire que l’amour justifie n’importe quoi, que l’amour justifie par exemple le combat, le combat des hommes.)
Seul le sage n’a pas peur du plaisir. Seul le sage n’a pas peur du plaisir parce qu’il ne spiritualise pas le plaisir.
Le sage utilise son sexe comme une antenne. Le sage utilise son sexe comme une antenne pour entendre les paroles disparues. Le sage n’utilise pas son sexe comme un organe de jouissance. Le sage utilise son sexe comme outil de tact, comme outil de tact magnétique.
La sagesse éjacule son ombre. La sagesse éjacule les sourires de son ombre. La sagesse éjacule l’habitude. La sagesse éjacule les sourires de l’habitude. La sagesse éjacule les sourires d’habitude de son ombre.
La sagesse cartographie le bonheur.
« L’homme le meilleur ne devrait pas avoir de nom. » E. Canetti
L’homme sage c’est l’homme sans nom. Le sage n’a pas de nom. Le sage c‘est celui qui parvient à avoir un seul prénom et un nom différent chaque jour. Le sage c’est celui qui dispose d’un nom différent chaque jour et d’un seul prénom pour toujours.
Le sage attend la venue d’un tabou au sommet d’une montagne. Le sage attend la venue d’une montagne au sommet d’un tabou.
Le ridicule de l’intelligence est celui d’un homme qui désire ouvrir une bouteille de vin avec un scalpel. Le ridicule de l’ignorance est celui d’un homme qui désire accomplir une opération chirurgicale avec un tire-bouchon. Enfin la dérision de la sagesse est celle d’un homme qui ne désire jamais utiliser ni scalpel ni tire-bouchon. C’est pourquoi le sage préfère boire la bouteille même avec le vin et accomplir les opérations chirurgicales à mains nues.
« Le sage n’écrit pas de lettres. » Cioran
Le sage n’écrit pas de lettres. Le sage préfère adresser la parole à la blancheur du papier.
La sagesse c’est de savoir comment relire sa vie. La sagesse révèle ainsi à la fois la honte de celui qui a le sentiment que sa vie est déjà quasiment achevée et la joie de celui qui parvient une fois encore, une dernière fois à modifier cette vie par le geste même de la relire.
La sagesse révèle la forme honteuse de la joie comme la forme joyeuse de la honte. La sagesse révèle la joie honteuse comme la honte joyeuse d’examiner de loin sa vie comme si c’était un livre. La sagesse révèle la joie honteuse comme la honte joyeuse d’examiner la montagne de sa vie au microscope comme le livre de sa vie au télescope.
Le sage sait comment voler la mort. Le sage ne vole pas la mort à lui-même. Le sage ne vole pas la mort aux autres. Le sage vole la mort au néant. Le sage vole la mort au néant de la vérité. Par ce geste de vol, le sage transforme la mort en mourir, le sage transforme l’éternité de la mort en immortalité du mourir.
La démence du sage c’est de tenter de sauver le diable. La démence du sage c’est de tenter de sauver le diable sans avoir cependant pitié du diable. La démence du sage c’est de tenter de sauver le diable sans malgré tout faire la charité au diable. La démence de la sagesse c’est de tenter de sauver le diable sans devenir malgré tout semblable au Christ.
Le saint suinte des acquiescements de non. Le saint suinte des noli tangere de oui et des acquiescements de non.
La sainteté détruit la situation. Le saint apparait à la fois flagrant et indétectable. Le saint apparait à la fois évident et invisible.
Le saint semble ridicule à tous les instants de sa vie excepté à sa naissance et à sa mort.
Le saint accepte d’être ridicule à l’instant même de son extase, à l’instant même de l’extase de son cœur. Le saint accepte d’être ridicule aux yeux des autres hommes à l’instant de sa plus extrême bonté.
Le saint confond la sagesse et le plaisir. Le saint jouit de la sagesse.
Le saint parvient à oublier le plaisir par ascèse. Le sage parvient à oublier la douleur par virtuosité.
Le saint apparait comme le prestidigitateur de la sagesse. Le saint fait apparaitre et disparaitre la sagesse comme cela lui chante. Le saint fait apparaitre et disparaitre la sagesse comme bon lui semble. Le saint fait apparaitre et disparaitre la sagesse comme cela semble bon à son chant.