Mort
Distinguer l’instinct de mourir et le désir de mort.
Le désir de mort reproduit la pureté de l’éternité. L’instinct de mourir répète l’impureté de l’immortalité.
La mort atteste l’imposture d’une paranoïa idiote. Mourir affirme la certitude d’une terreur paradisiaque.
L’instinct de mourir affirme la parure de la certitude comme symbole d’exister.
Il y a une timidité infinie de la mort et une pudeur absolue du mourir.
L’élégance de mourir affirme le geste d’ôter à la mort sa signification trop prévisible.
Mourir n’est pas une ignominie. Mourir apparait comme une injustice magnanime et monotone, une injustice sans intention de nuire. Mourir apparait comme l’injustice paradoxale de la candeur.
Apparaitre mortel sans jamais désirer la mort affirme l’audace de détruire l’ennui.
Il n’est pas préférable de mourir par sa faute. Il n’est pas préférable de mourir par la faute d’un autre. Il est préférable de mourir par la destruction de la faute c’est à dire par l’errance d’un rendez-vous comme ça.
Les hommes vivent chaque seconde de leur vie comme s’ils étaient éternels, c’est la raison pour laquelle la mort les anéantit ; acte d’ironie envers leur vanité. A l’inverse la mort ne peut pas ridiculiser celui qui affirme la force insensée de mourir à chaque instant de son existence. C’est pourquoi celui qui accomplit cette affirmation devient parfois immortel.
Mourir n’a pas lieu en une seule fois. Mourir n’a pas lieu en plusieurs fois. Mourir n’a pas lieu en une infinité de fois. Mourir a lieu par zéro fois. Mourir a lieu par l’affirmation du zéro fois.
Le mourir n’apparait pas adressé au savoir. Le mourir apparait adressé à la disparition du savoir. Le mourir apparait adressé à la disparition du savoir antérieure au savoir. Le mourir apparait adressé à la bêtise d’exister antérieure au savoir.
Le gag de mourir n’est pas subjectif. Le gag de mourir n’est pas accompli à travers un sujet et ne s’adresse pas à un sujet. Le gag de mourir survient adressé à la certitude de l’existence.
Il est inutile de parler du mourir. Il est seulement préférable d’affirmer le mourir comme symbole de silence, comme forme symbolique du silence.
L'insouciance de mourir métamorphose la pourriture en parure.
L'insouciance de mourir affirme la profondeur de la terre comme la superficialité de l’âme.
La pulsion de subtilité du mourir transforme la mort en disparition du vide.
La pulsion de subtilité du mourir affirme la disparition du vide en dehors de l’éternité.
La pourriture saisit les apparences au vol.
Le rire de la pourriture déclare la paix de la terreur.
Pourrir révèle la plaisanterie du hasard inconnu.
Les tombes attendent comme les boites à lettres du silence.
Les tombeaux reposent comme les boites à lettres de la solitude.
Les tombes apparaissent comme les boîtes à lettres de l’évidence inconnue.
Les tombes apparaissent comme des boites à lettres ready-made. Les tombes apparaissent comme les boites à lettres ready-made des traits d’esprit d’absurdité de la terre.
Les boîtes à lettres des tombeaux révèlent l'envol d’alcool de l’ici-bas.
Le cercueil acquiesce à l’errance de ciel de la terre.
Le cimetière dessine le jardin où la disparition bande.
Les cimetières composent la transhumance en érection de l’au revoir.
Les cimetières ressemblent à des supermarchés de mystification cynique où ce qui est à vendre est la file d'attente même des acheteurs.
Quand l’homme n’aura plus peur de la mort, les cercueils ne ressembleront plus à des demeures, ils ressembleront plutôt à des confettis. Et pendant les fêtes, les vivants se saupoudreront les uns les autres avec la décomposition des cadavres.
Croire à la mort est croire que la mort est la vérité de la vie. Croire à la mort est croire qu’à la seconde de la mort l’existence découvre une vérité éternelle. Ne pas croire à la mort c’est affirmer à l’inverse que la mort ne révèle aucune vérité. La mort n’est pas la vérité de l’existence. Et cela simplement parce que l’existence ne désire pas la vérité. L’existence affirme la volonté de la certitude et cette certitude a lieu à chaque instant. Cette certitude a lieu aussi à l’instant de la mort, cependant elle ne désire pas rencontrer l’évènement de la mort pour apparaitre.
Désirer être le témoin de sa mort est identique à désirer nier le miracle de son existence.
Nier la mort est encore une façon d’y croire. Nier la mort est l’acte de prier la mort à travers un masque de survivant éternel.
Croire à la vérité de la mort est la niaiserie de désirer humaniser le destin.
La mort témoigne du désir d’être éternel.
La mort atteste le vice de mutisme de l’éternité.
La mort est le lapsus de liberté de l’éternité.
La seconde décisive de la mort est insignifiante parce qu'elle connaît tout et n'est certaine de rien. La seconde décisive de la mort connaît tout à travers l’incertitude de l’éternité.
Les morts sont fidèles à la paresse infinitésimale de l’éternité.
Chaque homme prend connaissance de sa mort le lendemain de celle-ci. Cette connaissance est identique aux autres mêmes qui lui survivent.
Chaque homme ne serait pas moins inquiet s’il connaissait dès sa naissance la date du jour de sa mort. Il estimerait sans doute que cette date même si elle est vraisemblable reste cependant discutable. Il estimerait sans doute que même si la date fixée de la mort est une évidence pour les autres elle n’est pour lui qu’une possibilité.
Un homme qui connaitrait à l’avance la date de sa mort serait incapable de connaitre quoi que ce soit d’autre, il se désintéresserait des divers types de connaissance et il n’aurait pas de nom.
Un homme qui connaitrait à l’avance la date de sa mort serait incapable de se souvenir de quoi que ce soit, il oublierait l’intégralité de ce qu’il a vécu chaque jour.
Un homme qui connaitrait à l’avance la date de sa mort survivrait à la fois au-delà de la morale et de l’immoralité.
Un homme qui connaitrait à l’avance la date de sa mort deviendrait le langage explétif de l’âge de la fatalité.
L’ennui des morts est de tout connaitre des vivants.
La vulgarité des morts est de se croire tout permis tant bien que mal.
Les morts se marient, se trahissent et se reproduisent avec la complicité des vivants. Le désir social résulte de ce complot.
L’histoire des vivants est la distraction d’éternité des morts. L’histoire des morts détériore la géographie de clandestinité des vivants.
Etre réveillé par quelqu’un que nous connaissons pour dire adieu à quelqu’un que nous ne connaissons pas : la structure sociale des morts.
La mort n’est pas le mal. La mort tue sans désirer faire mal. La mort tue sans désirer faire souffrir celui qu’elle tue. La mort n’est ni diabolique, ni innocente. La mort est neutre. La mort est infiniment fidèle à la neutralité.
Il est possible de se servir de la mort des autres, c’est l’acte de tout pouvoir. Cependant aucun homme n’a le pouvoir de se servir de sa propre mort. Pour chaque homme, sa mort reste inutile.
Contre quoi échanger la mort ? La mort a si peu de valeur qu’il semble impossible que quiconque propose quelque chose d’autre en échange, à l’exception peut-être de sa propre mort tout aussi ridiculement futile. L’univers du mal est justement celui où les hommes n’échangent rien d’autre que la vérité sans valeur de leurs morts respectives. La bonté affirme à l’inverse le geste de savoir comment donner à l‘autre ce qui survient en dehors de la mort.
Aucun homme ne souhaite vendre son âme à la mort. Chaque homme désire obtenir la mort pour rien.
Il est préférable de parler des vivants en leur présence et de parler des morts en leur absence. A l’inverse, les hommes sont ridicules lorsqu’ils décident de n’adresser la parole qu’aux morts et de ne parler des vivants que lorsqu’ils sont absents.
Il est préférable de ne jamais demander pardon aux morts. Il est préférable d’apparaitre face aux morts sans sérieux ni pardon et d’affirmer ainsi uniquement le jeu de la tragédie.
Il apparait agréable, excitant et sage de danser avec les morts, de jongler avec, de mépriser les morts avec tendresse ou de parer son âme avec l’élan de leur décomposition. Cependant demander pardon aux morts est une idée stupide et un acte abject, celui de ressusciter à chaque seconde le souci de se croire libre et criminel.
Il est préférable plutôt que de demander pardon aux morts de dire merci aux plaisanteries de ceux qui ne sont pas encore nés.
Il est préférable plutôt que de juger jalousement les vivants et de jouir respectueusement des morts, de raturer subtilement avec les morts et de jouir de manière irresponsable des vivants.
Il est aussi insignifiant de croire que nous ne devrions pas mourir que de croire que nous devons vivre. Il aussi vain de prétendre que la mort est un châtiment que de prétendre que la vie est une bénédiction.
Il y a différents types d’hommes. Ceux pour qui l’existence est une malédiction dérisoire et la mort une bénédiction banale. Ceux pour qui l’existence est une bénédiction dérisoire et la mort une malédiction banale. Ceux pour qui l’existence est une malédiction banale et la mort une bénédiction dérisoire. Ceux pour qui l’existence est une bénédiction banale et la mort une malédiction dérisoire.
Chaque homme est enterré vivant à l’intérieur de l’envol minéral de son nom.
Aucun homme n’est jamais enseveli à l’intérieur de la chair d’un autre homme. Ce qui repose malgré tout enseveli à l’intérieur de la chair de chaque homme, c’est l’épouvante virtuose de son oubli.
Les enterrés vivants aiment se donner rendez-vous à l’intérieur des explosions de sourires du tabou.
Faire semblant d’être mort est le crime parfait.
Les morts pensent au crime parfait. Les morts pensent à la fidélité du crime parfait.
La mort fait comme si de rien l’éternité n’était.
La mort est l’homme si de rien n’était de l’omission.
La mort ne dit rien d’autre que le rien du tout.
La mort est le miroir d’adoration tautologique du rien du tout.
Les morts pensent exclusivement à l’éternel retour de la virginité du néant.
Le suicide manqué de la mort est le miroir de parthénogenèse du néant.
La mort est le Dieu de l’ignorance.
Ce qui se dissimule à travers l’insignifiance de la mort est divin.
Désirer la mort est de croire en la vérité divine de sa distraction.
La mort connait le jeu. Cependant le jeu de la mort n’a aucune règle. Le jeu de la mort est abject d’être pur. Le jeu de la mort est engendré à travers la distraction de lumière de la loi.
Les morts aiment les jeux de hasard à la folie. Cependant ils n'y jouent pas par désir de gagner ou de perdre. En effet ils ont déjà tout perdu excepté le jeu. Ils y jouent pour le seul plaisir de l'imprévisible, de l’imprévisible inconséquent.
L’agonie est infiniment égoïste.
Un homme à l’agonie désire de n’importe quoi pour rester en vie, il suffit que cela soit un objet quelconque. De même un homme qui désire n’importe quoi est en vérité un homme à l’agonie.
Il est préférable d’avoir des idées de deuil après sa mort.
Il y a infiniment à dire de la mort de l’autre. Ce discours infini est celui du bavardage de Dieu.
La mort est parfois le luxe ultime de ceux qui ont déjà exhaustivement vécu.
Les cadavres sont les ready-made du néant.
Chaque cadavre atteste l’angoisse de gloire du néant.
Le sperme des morts engendre la pensée.
La paresse des morts est de penser des ultimatums d’espoir.
Les condamnés à mort à perpétuité désirent ressusciter à travers la délibération du bruit.