Philosophie
Expliquer, développer, relier, prouver ses pensées est un divertissement futile. Les démonstrations sont les détritus de l’enthousiasme.
Les philosophes croient que penser c’est éternellement apprendre à penser. C’est pourquoi ils développent leurs idées cependant ce développement n’est que la dissimulation de l’absence de nécessité de leur pensée. Les philosophes développent leurs pensées pour dissimuler leur peur face aux phrases de la nécessité.
La méthode est l’ennui d’attendre la mort.
La philosophie est souvent ennuyeuse parce qu’elle ne parvient jamais à donner à sentir la forme de la pensée comme geste de la marche. Quand un corps sait marcher il devient pour lui inutile et même dément de continuer à apprendre à marcher. C’est pourquoi de même quand un corps sait comment penser, son problème n’est plus de savoir comment penser. Son problème devient celui de savoir où, quand et comment donner une forme à la pensée afin de répondre à un événement du monde. Quand un corps sait comment penser, son problème devient de savoir comment imaginer. L’enjeu de l’imagination n’est pas celui du sens. L’enjeu de l’imagination apparait plutôt comme celui du style c’est-à-dire celui de la démarche de l’âme. L’enjeu de l’imagination affirme le geste de savoir où et quand il apparait nécessaire de répondre à un fragment précis du monde. L’imagination donne ainsi à sentir la forme de la démarche du destin.
La philosophie ignore la foudre de l’intuition comme la lenteur de la grâce. La philosophie ne fait le plus souvent que piétiner sur place à la vitesse de la lumière. La philosophie conçoit alors le fil de la pensée en tant que file d’attente, file d’attente de l’annonciation en sursis de la vérité.
L’inquiétude du philosophe est de se demander sans cesse où déposer la poubelle dans laquelle il a soigneusement rangé des objets qui n’existent pas.
Il y a des idées absurdes que les philosophes proposent lorsqu’ils ne savent plus comment résoudre ou mémoriser les problèmes qu’ils ont inventés, des idées aberrantes que les philosophes esquissent de manière quasi contingente. Il apparait parfois agréable de relier ces idées les unes aux autres comme des formules d’inconséquence afin de révéler ainsi une théorie d’ellipses comme de confusions, la théorie d’ellipses confuses de la déraison.
La philosophie est le conte de fées des suicidés.
Philosopher c’est faire un puzzle de fleurs. Philosopher c’est coordonner les fleurs, c’est coordonner les fleurs aux déserts.
Un homme non-philosophe ressemble à un clou. La mort l’enfoncera d’un seul coup à l’intérieur de la terre. Le philosophe ressemble à une vis ; autrement dit la révolution du temps le fait s’enfoncer chaque jour un peu plus parmi la disparition même de la terre.
Face à l’immensité du feu, le philosophe éteint la démesure plutôt que l’incendie. A l’inverse, face à l’immensité du feu, l’essayiste préfère éteindre l’incendie et sauvegarder la démesure. L’essayiste préfère sauvegarder l’anesthésie de la démesure, l’instinct d’anesthésie de la démesure.
Le philosophe pense comme il ferme une porte en plein ciel. Le poète imagine comme il ouvre une fenêtre au fond du gouffre. Le poète imagine comme il ouvre une fenêtre à l’intérieur d’un océan de feu.