Clandestinité
Le besoin de grâce de la clandestinité détruit la prison d’ubiquité de la pensée.
Le besoin de grâce de la clandestinité affirme le geste de disparaitre à la fois à l’insu de tous et à la sensation de chacun en particulier. Le besoin de grâce de la clandestinité affirme le geste de disparaitre sans que personne ne le sache et de telle manière que l’âme de chacun envisage cette disparition malgré tout.
La candeur obscène de la clandestinité détruit l’obligation nihiliste de l’ubiquité.
La clandestinité affirme le geste de détruire la dignité de l’absence par l’indignité de la disparition.
Celui dont la vie est perpétuellement publique, celui dont la vie s’exhibe consciemment ou inconsciemment aux yeux de tous connait la jouissance cependant il n’a jamais la certitude sensuelle d’apparaitre au monde. En effet seule la nécessité de la clandestinité parvient à affirmer l’exactitude de l’extase.
La clandestinité déclare l’instinct du destin. La clandestinité déclare l’instinct d’in extremis du destin.
Le miracle de nécessité de la clandestinité affirme le geste de devenir le satellite de lucidité de son sommeil.
Le désert de cibles de la clandestinité embaume le bond de paradoxes du repos.
Seul celui qui dort à l’instant précis où il a la volonté de dormir apparait apte à la discrétion.
Une forme d’ascèse absurde. Se taire chaque jour pendant une heure quelles que soient les circonstances à minuit. Cette règle absurde, sans aucune justification rationnelle, transformerait l’existence en destin. Celui qui accomplirait avec évidence ce geste deviendrait ainsi un homme qui ne serait ni responsable ni irresponsable, ni religieux ni athée, il deviendrait un sage fatal c’est à dire un dément efficace.
Celui qui ne parlerait jamais des événements, des lieux, des hommes et des femmes qu’il a rencontrés sauvegarderait à l’intérieur de sa chair l’intégralité de la terreur et de la joie que ces événements, ces lieux, ces hommes et ces femmes ont provoqué. Quand il en parle malgré tout c’est afin d’en atténuer l’épouvante, cependant par ce geste il en atténue aussi la joie. Et cela simplement parce que l’intensité de la terreur du monde ressemble à l’intensité de son euphorie.
Aimer une femme pendant l’intégralité de son existence sans jamais le dire. Aimer une femme pendant l’intégralité de son existence à l’intérieur d’une clandestinité absolue. Inventer ainsi la forme de l’amour comme monde clandestin du destin.