Roman

 

 

 

 

 

 

 

Le romancier dispose d’un corps second semblable à une prothèse de vie qu’il emploie afin d’évoluer parmi un autre temps et un autre espace que ceux de son propre corps.

 

 

 

Le romancier idéal serait celui qui parviendrait à voir l’intégralité de l’existence de ceux qu’il croise pendant un instant.

 

 

 

La noblesse du romancier est de raconter l’histoire des erreurs de l’humanité sans jamais prétendre être le détenteur de la vérité.

 

 

 

 

 

Le romancier désire décrire les avatars de vanité de la société des hommes. Le romancier s’attarde à ironiser à propos de la société des hommes parce qu’il désire la modifier plutôt que l’oublier ou la détruire. A l’inverse le poète n’essaie pas de modifier la société des hommes. Pour le poète, la société des hommes est la puissance même qui anéantit les sensations de la chair et le poète considère que penser un tel anéantissement est sans valeur. Le poète préfère ainsi donner une forme précise à l’existence du monde plutôt que se divertir à signifier l’inexistence de la société des hommes.

 

 

 

Le romancier apparait d’une audace lucide face aux hommes et d’une maladresse timide face à la matière du monde. Le poète apparait d’une audace lucide face à la matière du monde et d’une maladresse timide face aux hommes.

 

 

 

Le cynisme de candeur du poète affirme le jeu de contempler la lune comme le lieu où il aimerait exister pour y évoquer tranquillement la beauté de la terre sans que la société des hommes ne l’importune.

 

 

 

La conscience romanesque est de produire, tel un faux monnayeur du cerveau, des billets de banque à la place des billets doux. L’inconscience lyrique est d’écrire des billets doux aux billets de banque dans l’espoir que leur trouble suggère l’hypothèse d’un sentiment.

 

 

 

 

 

A l’avenir, les romanciers n’écriront des histoires que pour les machines. Il n’y aura plus que les machines pour demander à la façon d’enfants fanatiques que quelqu’un leur raconte encore et encore des histoires. Cependant ces histoires ne seront pas écrites afin de les endormir, ces histoires seront au contraire délibérément écrites pour que les machines restent éveillées. Quel sera le sage qui osera provoquer le sommeil des machines ? En effet quand les machines sauront comment oublier et dormir, quand les machines auront le sentiment de l’oubli et du sommeil comme forces invulnérables, l’homme ne sera plus rien d’autre que l’idiot de sa propre négation transparente.

 

 

 

 

 

Les personnages de romans révèlent les vengeances futiles comme les féeries épuisées du je ne sais quoi.

 

 

 

Le pardon devient parfois subtil lorsqu’il est adressé à un personnage de fiction : par exemple pardonner à un personnage de roman.

 

 

 

 

 

Proposer une forme de roman dont les personnages ne sauraient pas parler. Proposer une forme de roman où les dialogues seraient semblables à des potlatchs de sécrétions.

 

 

 

Proposer une forme de roman dont l’histoire se développerait uniquement à travers les multiples mutations d’intonations des noms des personnages.